L’hiver arrive, il est temps de sortir de quoi se chauffer ! Va-t-on attraper un coup de chaleur avec la moisson du jour ou au contraire continuer à se peler les miches ?…
Chiara Rosenberg, la double vie d’une dominatrice
Roberto Baldazzini (dessin) & Celestino Pes (scénario)
Delcourt / Dynamite
Deux éditions de la vie de Chiara Rosenberg, l’une en couleurs chez Delcourt, l’autre en noir et blanc chez Dynamite. J’ai trouvé la version Delcourt bien meilleure. Le trait y est beaucoup plus fin et précis, la colorisation dynamise le graphisme et en prime on a droit à une petite histoire bonus sur la rencontre entre Chiara et son futur mari.
Soumise aux jeux de domination de son mari, Chiara a elle-même des élans de dominatrice sur la personne d’un photographe qui devient son amant. On va donc suivre sa double vie, mi-soumise mi-dominatrice, sans que jamais ce grand écart dichotomique ne soit expliqué par une raison valable, ce qui donne un personnage joliment dessiné mais fade en termes de psychologie. L’héroine est d’autant moins accrocheuse que son comportement tient parfois moins de la domination que du seul plaisir malsain de se montrer exécrable.
L’histoire se contente d’être une histoire, une scène après l’autre, sans rien creuser ni sur le thème de la domination-soumission, ni sur cette forme d’amour particulière qui unit Chiara à son mari. Eh oui, ils s’aiment, mais c’est surtout parce que c’est dans le scénario, vu qu’on ne voit pas trop ce qui les unit. Et l’amour a ses raisons que la raison ignore, merci, mais ça ira avec les non-arguments.
Au final, cet album offre une lecture sympa qui n’ira pas plus loin que ça et ne laissera pas un souvenir impérissable.
Android City
James LeMay
Dynamite
Histoire courte d’une vingtaine de pages, Android City aurait gagné à un traitement plus long au format traditionnel de quarante et quelques planches. Après, LeMay n’étant pas un bon scénariste, peut-être pas un mal qu’il ait fait court plutôt qu’une longue intrigue bancale mal développée.
L’ambiance mélange science-fiction avec ses androïdes et ses robots au courant noir des années 40-50 avec sa détective privée et ses femmes fatales. Un peu comme le faisait Blade Runner en beaucoup mieux. Ici, l’ambiance reste atone, le cadre futuriste générique sans patte particulière, la faute à un dessin à l’économie, sans travail sur les décors, avec beaucoup de vide à l’arrière-plan des personnages. Dans l’ensemble, le graphisme n’est pas fou.
À la fois très inspiré (par d’autres œuvres) et pas beaucoup (puisque tout est piqué ailleurs), LeMay emprunte beaucoup : outre le noir et Blade Runner, sont aussi de la partie Terminator, Judge Dredd, Star Trek (le character design de l’héroïne est pompé du personnage de Seven of Nine dans Star Trek: Voyager, où il était interprété par Jeri Ryan).
L’histoire s’achève sur une interrogation à la Philip K. Dick à propos de l’identité des humains et des robots. C’est justement le point qu’il aurait été intéressant de développer au cours de l’intrigue. On restera sur ce goût d’inachevé…
GladyS & Monique
Juan José Ryp
Tabou
Particularité de cet album, les personnages n’ont à peu près aucune ligne de dialogue, les seuls mots articulés qu’ils prononcent sont les noms des protagonistes auxquels ils s’adressent. Le reste du temps, quand ils doivent s’exprimer, leur bulle affiche un petit dessin censé représenter ce qu’ils racontent. Un bon moyen pour exporter la BD en économisant des frais de traduction, sauf qu’en termes narratifs, l’astuce ne fonctionne pas. Cette communication aux airs de rébus s’inscrit dans une ambiance SM – donc un univers plutôt strict par définition – et dans un contexte élitiste, croulant sous le pognon, avec l’ambition d’être classe. Je crois pas que des gens qui parlent en émoticones – puisque c’est à ça que ça revient – soit le choix le plus pertinent vu le cadre choisi.
À travers huit historiettes à chute, on suit les aventures saphiques et mutiques de Gladys et Monique, entre domination, soumission et fétichisme. Le dessin est excellent, très dynamique, avec une inspiration graphique et thématique DC/Marvel, ce qui fait d’autant plus regretter le remplacement des rares dialogues par des rébus qui manquent de punch.
Vol à l’étalage
Saxkal
Dynamite
C’est l’histoire… enfin, l’histoire… y a pas de scénar, donc voilà. Bref, c’est un vigile qui use et abuse de son pouvoir pseudo-policier pour choper des voleuses dans un supermarché et les relâcher si elles se montrent “gentilles” avec lui. C’est-à-dire le même contenu que la série de vidéos Shoplyfter de je ne sais plus quel producteur de porno. C’est-à-dire (bis) ni plus ni moins que du viol et entre les mains d’un autre, ça aurait été un album bien puant. Outre un long disclaimer de l’auteur en tête d’ouvrage – dont la seule présence indique bien que cet album n’était pas une bonne idée sans quoi il n’y aurait pas besoin de se justifier –, Saxkal a le bon goût de désamorcer en partie le problème : si le vigile reste dans sa tête un violeur (ce qui pose encore une fois la question d’avoir pondu cette BD), ses victimes sont en vérité consentantes, puisqu’elles connaissent le loustic et font exprès de voler des trucs dans le magasin pour assouvir leurs fantasmes en se servant du cerbère.
Il n’en reste pas moins que l’album est loin d’être indispensable, vu son thème limite, sans parler d’un graphisme pas bien terrible.
Fantasy World / Jeux pervers
Daphne
Mind Control Comics (VO) / Murano Publishing (VF)
Fantasy World – titre qui devient en français Jeux pervers – est une série de 9 histoires de 12-15 pages chacune autour de divers fantasmes (gros seins, gloryhole, poupée humaine…), dont la moitié se suivent plus ou moins autour d’une histoire d’hypnose. Cet arc narratif d’hypnose n’a rien d’emballant et ce qu’il raconte ne présente aucune espèce d’intérêt. Le reste, souvent desservi par un graphisme aléatoire au gré du dessinateur qui s’y colle, est sympa à lire une fois, mais on n’y reviendra plus ensuite.
Sophisticated Ladies
Paula Meadows
Dynamite
Dans cet excellent album, l’autrice se met elle-même en scène. L’héroïne a son prénom, son visage, un parcours assez proche du sien en ce qui concerne la découverte et l’exploration du BDSM et le même goût pour la cravache et le martinet. Une belle aventure pleine de candeur au début, de révélation à soi-même ensuite et d’épanouissement à la fin. Je suis fan !
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