L’univers fétichiste de Xavier Duvet

Xavier Duvet est né en 1842 dans le même village que Connor MacLeod (comme par hasard, diraient nos amis complotistes). Bien que son nom le promette à un brillant avenir de fabricant de matériel de camping, il préfère jouer du crayon et de la gouache sur les murs de la demeure familiale et s’oriente très tôt vers le dessin, au point que la légende raconte que c’est lui qui a expliqué à Léonard de Vinci dans quel sens on tient un pinceau. Il vit aujourd’hui à Gotham City, où il travaille comme dessinateur et scénariste de bande dessinée le jour et testeur de toboggans la nuit.
(Sinon, vous pouvez trouver la vraie biographie de Duvet sur Wikipedia ou sur son site. Comme je voyais pas l’intérêt de la recopier, j’ai préféré lui en inventer une autre.)

Collection BD Xavier Duvet

La pile ci-dessus en témoigne, j’aime bien le travail de Duvet. Un type qui a bossé pour Casus Belli ne peut pas être foncièrement mauvais.
L’univers de Duvet, c’est un peu comme le fantastique (en un seul mot, même si “fente astique” en deux est tout aussi dans le ton). Un monde d’entre-deux, dans une ambiance à la croisée des chemins. Hommes, femmes, transgenres, gays, lesbiennes, bi, travestis, dominatrices, soumis et soumises, on y rencontre de tout, sans que personne ne rentre dans une des ces cases bien définies où on aime bien cataloguer les gens. Étant neuroatypique (la case des anormaux, des fous, des mabouls, d’après les neurotypiques, aka les gens normaux d’après eux, des foutus connards d’après moi), c’est quelque chose qui me parle, au-delà de la gaudriole représentée. Et au sein de la littérature érotique – texte ou BD, peu importe la forme –, ça change des représentations habituelles dans un genre qui tourne quand même pas mal en rond.
À l’arrivée, mis à part son premier album, L’initiation de Chris, qui ne m’a pas convaincu, il n’y a rien à jeter dans le reste de son œuvre, pour peu bien sûr qu’on adhère à son univers particulier.

Couverture BD L'initiation de Chris Xavier Duvet CAP

L’initiation de Chris
CAP

L’initiation de Chris est le seul album de Duvet à ne pas m’avoir emballé. Son premier, ceci explique sans doute cela. Qui plus est le scénario n’est pas de lui. Donc entre inexpérience et mise en scène d’une histoire sur laquelle il n’a pas la main, le résultat est moyen. Je ne peux pas dire que ce qui est raconté m’ait plus emballé que ça, vu qu’on se situe au mieux sur du classique, au pire sur du cliché, le tout dans une ambiance de contrainte qui tient plus du viol que de la domination consentie (courant chez cet éditeur et ce scénariste). Le dessin manque de détail et de finesse, honnête mais loin de l’élégance des futurs albums de Duvet.

Couverture BD Le journal d'une soubrette Xavier Duvet Tabou

Le journal d’une soubrette
Tabou

On retrouve Clara, celle-là même qui œuvrait dans L’initiation de Chris où elle tenait le rôle de la tante perverse. Ici, on revient sur la jeunesse de la tantine aux États-Unis en 1950 à travers son journal lu par Chris.
L’album alterne entre le récit des aventures échevelées de Clara aux States sur fond de maccarthysme et d’enquête à la Philip Marlowe, et l’effet produit sur sa nièce pendant sa lecture. L’ambiance d’époque est assez bien rendue et présente pour n’être pas qu’un prétexte, sans en faire des caisses non plus sur le sujet. Pile la bonne dose. Rien à redire sur le dessin et la mise en scène, de l’excellent boulot et, comme dit Chris, “il va me falloir emporter ce journal, j’ai hâte de connaître la suite”. Perso, un autre tome des fantaisies de Clara, dans les années 60, avec un look à la Liz Hurley dans Austin Powers, je signerais tout de suite pour l’acheter !

Couverture BD Catlady dans la chaleur de la nuit Xavier Duvet Tabou

La Chatte / Catlady, Dans la chaleur de la nuit
Tabou

Catlady : Dans la chaleur de la nuit nous emmène sur les traces d’une version hyper lubrique de Catwoman. Étant grand fan de la femme-chat – ce qui n’étonnera personne – je ne pouvais passer à côté de cet album. Voleuse de bijoux, Catlady s’introduit chez les riches… et parfois dans les riches. Joignant l’utile à l’agréable, ce personnage au grand cœur n’hésite pas à marquer une pause lors de ses cambriolages pour punir les maris volages et réconforter les épouses délaissés. Fétichisme, lingerie, bondage, sex-toys, pegging, cuir et latex, il y en a pour tous les goûts dans cet album qui fait la part belle aux fantasmes lesbiens (classique chez Duvet). Mon album préféré du bonhomme (ce qui, là encore, n’étonnera personne).

Couverture BD Rêveries songs impudiques Xavier Duvet Tabou

Rêveries, Songes impudiques
Tabou

Il s’agit d’un des premiers albums de Duvet avec, déjà, ses thèmes de prédilection (tribades, trans, hermaphrodites, domination/soumission, bondage…). Rêveries : Songes impudiques raconte les rêveries d’Alice, soit une succession de saynètes aléatoires au vague fil rouge scénaristique. Duvet revisite Alice au Pays des Merveilles, Le Chien des Baskerville, Ali Baba et les Quarante Voleurs, Frankenstein grâce à l’astuce classique de la trame onirique qui permet de balancer à la suite les scènes les plus random possibles.
J’ai trouvé le style plus agréable sur les scènes en noir et blanc que celles en couleur, affaire de goût. Dans l’ensemble, un album que j’aime beaucoup.

Couverture BD Cloîtrée Xavier Duvet Tabou

Cloîtrée
Tabou

En numérique, Pour une paire de bas nylon racontait l’histoire d’un jeune homme féminisé et soumis par une femme transgenre. La version album parue chez Tabou réarrange l’histoire pour mettre en scène deux femmes.
Geneviève, fatiguée de tirer le diable par la queue, décide d’envoyer sa coloc Suzy au charbon. Mais avant, il va falloir la convaincre. Elle va donc l’attacher au plumard et entreprendre un long travail de formation…
On retrouve le contexte milieu de siècle de Journal d’une soubrette, avec en prime un petit air de Misery revisité, par le biais de Suzy scotchée à son plumard comme Paul Sheldon. Perso, j’aurais préféré que la miss soit un peu plus emballée par l’idée que forcée, droguée et influencée, n’étant pas fan du “ton corps, mon choix”. C’est ce qui l’empêche d’être un de mes préférés. Sans quoi, la progression de l’histoire tourne bien et le dessin atteint un haut de niveau de qualité.

Couverture BD Les soumises séances de dressage Les maîtresses leçons de prédatrices Xavier Duvet Tabou

Les Soumises : Séances de dressage
Les Maîtresses : Leçons de prédatrices

Tabou

Les Soumises : Séances de dressage, pas besoin de faire un dessin (un comble pour une BD !) avec un titre aussi explicite. Trois histoires tournant autour du thème de la domination/soumission avec son petit assaisonnement fétichiste, lesbien, BDSM. Dessin tout en noir et blanc, et c’est une bonne chose, parce que le sujet s’y prête bien. Le style a le mérite d’être à la fois réaliste, précis, détaillé, riche mais sans surcharge. Une BD bien ficelée (c’est le cas de le dire) pour celles et ceux que la thématique intéresse.

Les Maîtresses : Leçons de prédatrices est le pendant du précédent. Deux histoires mettent en scène des maîtresses qui se lâchent sur leurs soumises qui ne demandent que ça. La troisième “histoire” tient plutôt de l’exposé et nous embarque dans une visite guidée de soirée SM où tout le monde s’en donne à cœur joie. Depuis l’arrivée sur les lieux, en passant par la préparation des participants, jusqu’aux joyeusetés les plus échevelées, on effectue le tour complet du propriétaire.
Bon album, qui complète bien Les Soumises : Séances de dressage. Un joli coup double, si l’on peut dire.

Féminisation Xavier Duvet Tabou Le prix de la lingerie La douce heure des bas Le doigt sur la couture

Féminisation
1 – Le prix de la lingerie
2 – La douce heure des bas
3 – Le doigt sur la couture

Tabou

Dans le premier tome, les histoires de Jeanne et Antoinette, deux hommes féminisés, le premier par goût des collants et de la lingerie, le second par sa femme. Les deux finissent dominés, avec des godes dans le cul, ce qui n’étonnera personne dans cette catégorie de BD. Devenues Jeanne et Antoinette, elles y trouvent toutes deux leur compte et tout est bien qui finit bien.
Dans le second tome, une anonyme, le retour de Jeanne et une histoire autour d’Anale.
Le troisième tome est tout entier consacré au parcours de Sylvain qui devient petit à petit Sylvie. C’est cette trajectoire de bout en bout (dans tous les sens du terme) qui permet à cet album de ne pas faire redite avec les autres : on a un début, un milieu, une fin (et ça fera plaisir à Aristote), soit un tour d’horizon complet après la mosaïque des amuse-bouches.
Les trois volumes de la série sont excellents ! Tout en racontant sensiblement la même chose tout du long, Duvet parvient à ne pas donner d’impression de répétition. Que ce soit au niveau de la narration ou du dessin, on le sent très à l’aise dans son sujet de prédilection.

Discipline Xavier Duvet Tabou Maîtresse Dominique Soumise Anna L Sluts en stock

Discipline
1 – Maîtresse Dominique
2 – Soumise Anna L.
3 – Sluts en stock

Tabou

Discipline, la série-phare de Xavier Duvet ! 10000 watts ! par tome !
Maîtresse Dominique retrace le parcours – attention, indice dans le titre – de Dominique : l’histoire d’un p’tit gars amateur de dessous féminins, qui va migrer de genre, devenir une gentille soubrette soumise, avant de rejoindre le camp des dominatrices. Seul son prénom ne change pas, pour le reste il/elle aura traversé toutes les cases de l’équiquier.
Les planches sont en couleurs, dans des tons “calmes”, pas agressifs ni criards, ce qui en fait un album à l’esthétique reposante quand son contenu l’est, lui, beaucoup moins. La fin est peut-être un peu rapide, je pense que le personnage aurait gagné à voir son parcours étalé sur deux tomes (transition/soumission, confirmation-domination). La suite des aventures de Dominique se trouve dans Transfrancisco.
Soumise Anna L. se penche sur le cas d’Anna, modèle qui va se confier aux bons soins d’une maîtresse pour révéler sa nature de soumise et devenir Annal. De la couleur toujours, à l’aérographe, ce qui donne à l’album un style très particulier. Je ne suis pas trop friand de la technique, question de goût. En tout cas, il est indéniable que Duvet maîtrise l’engin et que le résultat a un cachet bien à lui.
Sluts en stock permet de retrouver Christine, héroïne de L’initiation de Chris et lectrice dans Le journal d’une soubrette. Duvet aime bien entrecroiser ses œuvres et c’est un procédé que j’aime beaucoup, puisqu’il permet de bâtir un univers complet à partir de tranches narratives éparses. Récit sympa à suivre, mais j’ai eu du mal à accrocher au dessin (surtout les visages).

Transfrancisco Xavier Duvet Tabou Fondation Expansion

TransFrancisco
1 – Fondation
2 – Expansion

Tabou

Deux tomes pour une série qui en mériterait davantage…
On retrouve les personnages de Discipline, à commencer par maîtresse Dominique. Elle débarque aux États-Unis dans Fondation et commence à creuser son trou (et pas que le sien) en tant que “dominatrice transsexuelle française”, je la cite. On la suit dans ses hautes oeuvres tout le long de l’album et elle ne s’ennuie pas (du coup, nous non plus).
Expansion, le second volume, s’ouvre sur une scène de transition (façon polie de dire qu’il s’agit d’un bout d’histoire raccroché au reste mais sans grand rapport sur le plan narratif – mais comme il s’agit d’un excellent passage pour tout fan de super-héroïnes, on est content). Le havre de liberté sexuelle baptisé Transfrancisco naît lors d’une ellipse narrative et le reste de l’album sera consacré à la visite guidée des lieux et de ce qu’ils ont à offrir.
Les protagonistes en prennent plein les fesses et le lecteur plein les yeux du début à la fin, avec un Duvet qui assure.

Dominations Educations saphiques Femmes de caractère Xavier Duvet

Dominations
1 – Éducations saphiques
2 – Femmes de caractère

Autoédité

J’ai récupéré les deux volumes à l’occasion d’une souscription sur Ulule pour soutenir le projet.
Deux histoires au menu d’Éducations saphiques, la première très soft, la seconde un peu moins sans non plus atteindre des sommets hardcore. On est clairement, comme le titre l’annonce, dans l’éducation qui suit la découverte des penchants des protagonistes : l’idée est de démarrer en douceur, pas de partir cash sur du double fist anal. Le récit colle donc à l’ambiance (et vice-versa), le contrat du titre est rempli.
Femmes de caractères annonce dès son titre qu’on passe un cran au-dessus. Les histoires y sont plus brèves mais plus nombreuses, ce qui permet de voir ce que donne Duvet sur du format très court. Et ça fonctionne bien. On a en plus l’occasion de retrouver brièvement le personnage de Catlady, ce qui vaut tout l’or du monde (à quand un nouvel album qui lui serait consacré ?).

Huit jours pas semaine Chris Betty Xavier Duvet

Huit jours par semaine / Chris & Betty
Autoédité

Ce double album fonctionne comme un 69 : tête-bêche. Par-devant, vous avez Huit jours semaines (relation lesbiennes BDSM), vous le retournez, vous le prenez par-derrière, vous avez Chris & Betty (un homme soumis par sa femme et travesti jusqu’à la féminisation).
Dans les grandes lignes, c’est le double album de la synthèse. Huit jours semaines se situe dans l’esprit des deux tomes de Dominations et du doublé Les soumises/Les maîtresses, quand Chris & Betty suit la lignée de la série Féminisation. Si on aimé ces titres, on aimera celui-ci, et vice-versa.
Je l’ai lu en étant surtout guidé par mon intérêt pour les mécanismes de narration. Il s’agit à une teub près des mêmes planches qui ont servi pour les deux histoires. Et les deux récits qui en résultent sont très différents. En changeant l’ordre de certaines planches, en réécrivant les dialogues, on obtient deux œuvres cousines qui ne racontent pas du tout la même chose (ce qui fait qu’on se demande pourquoi les bédéistes s’enquiquinent à produire de nouveaux albums de A à Z alors qu’ils pourraient faire toute leur carrière avec un seul, comme certains l’ont fait avec un seul tube en musique, i.e. Born to be alive). Moi qui me passionne pour les techniques narratives, j’ai trouvé la démarche très intéressante à décortiquer.

Couverture artbook Dark Ladies Xavier Duvet

Dark Ladies
Autoédité

Un artbook de 80 pages avec, comme on s’y attend, des dessins et des illustrations dedans tout du long. L’artbook n’est pas mon genre de prédilection, parce que c’est joli, certes, mais c’est tout. Une fois qu’on l’a passé en revue, on n’y revient pas. Rares sont ceux à aller plus loin que la seule galerie iconographique et raconter quelque chose de l’illustrateur, ses influences et inspirations, ses techniques, la façon dont il conçoit, construit et représente son univers…
Cela dit, Dark Ladies, tout muet qu’il soit, est magnifique à travers ses illustrations noir et blanc de pin-up, tout en cuir et latex, cuissardes et talons aiguilles, bas nylon et encre de Chine. Un régal pour les yeux.

Vulverine plug anal X-Men DTC Comics

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2 réflexions sur « L’univers fétichiste de Xavier Duvet »

  1. De rien, c’était un plaisir. Je me suis dit que tant qu’à parler d’un univers qui sort des sentiers battus, autant le faire en suivant la même optique. 😉

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