Terreur in the pocket (3)

De la terreur plein les poches, troisième épisode du dossier, un volet qui claque et pas à cause du vent.

Collection Terreur Pocket Francis Paul Wilson Graham Masterton Koji Suzuki Dean Koontz

Mort clinique
F. Paul Wilson

Pas de fantastique au menu de ce Mort clinique qui relève du thriller médical, efficace et pas mal fichu dans l’ensemble, même si…
Un institut recrute les meilleurs étudiants pour leur assurer gratos une formation de médecin. Au terme de leur cursus, les toubibs vont pour la plupart aller soigner les pauvres. C’est beau ! Beau comme dans l’adage “si c’est trop beau pour être vrai, c’est que ce n’est pas vrai”. Il y a bien sûr une embrouille derrière, qu’on devine très vite : les nécessiteux “soignés” servent de cobayes pour tester à leur corps défendant des traitements et faire ainsi progresser la médecine (ainsi que le portefeuille des labos pharmaceutiques).
Wilson livre un bon thriller avec ce qu’il faut d’indices, investigations, tension, coups fourrés, coups de théâtre, coups sur la tête. Efficace dans la gestion de la recette. Même si – on y revient – pas très inventif à rester dans les clous sans jamais s’écarter des codes du genre.
Le postulat de ne recruter que la crème des étudiants tient moyen debout : vu le but final de l’opération, n’importe quel disciple d’Hippocrate pas trop regardant ferait l’affaire. On regrettera aussi la facilité de la machine à laver le cerveau sortie tout droit d’un roman de SF (genre dans lequel Wilson a écrit). Il aurait été mille fois plus intéressant de mettre en scène un endoctrinement des apprentis médecins pour amener un questionnement sur l’éthique, le coût humain du progrès scientifique, les inégalités d’accès aux soins et de traitement selon qu’on soit plein aux as ou pauvre comme Job, le capitalisme médical, l’argent engrangé sur le dos des malades dont l’essentiel finit dans la poche d’actionnaires plutôt que dans le financement de la recherche. Là non, on a des méchants qui sont méchants et qui le restent, les gentils pareil de leur côté. Du noir, du blanc, monolithiques et invariables du début à la fin, sans cette zone de gris propice à susciter la réflexion. Sur les questions humaines et éthiques, on se situe donc loin, très loin d’un Spinrad avec son Jack Barron et le secret de l’éternité.
Reste un bon roman de divertissement pour une lecture pépère en pilote automatique… dont le souvenir se délitera petit à petit, parce que bien sur le moment mais pas impérissable sur le long terme.

Transe de mort
Graham Masterton

Un Masterton moyen, si on veut bien m’excuser le pléonasme. Loin d’être le pire, c’est déjà ça, il aurait pu être bien meilleur, comme à peu près tous les bouquins du gonzier.
On achète Masterton pour les scènes gore, seul point sur lequel il se défend en écriture. Ici, elles sont peu nombreuses en regard des 450 pages. À la place, on voyage beaucoup. C’est sympa, mais on n’était pas venu pour l’exotisme du Québec ou de Bali, à plus forte raison sous forme d’images d’Épinal. Nan, parce que Bali et l’hindouisme vu par Masterton, dans le genre approche superficielle et premier degré des “mystères de l’Orient”, ça se pose là, avec un bon siècle de retard tant la vision est datée. Quant au voyage vers l’au-delà, plutôt que suivre les pas de Randolph Clare, héros à la petite semelle, les amateurs de mondes oniriques inaccessibles aux mortels préféreront les pérégrinations du Randolph Carter de Lovecraft.
Sur la question du deuil qui frappe le personnage principal, Masterton m’a – fait rarissime – surpris en bien. Comme quoi, quand il range son côté bourrin, il peut dire des choses intelligentes et bien les dire. Bon après, égal à lui-même, sitôt qu’il a achevé la construction psychologique de son héros tragique, il la démolit en l’amourachant illico de sa secrétaire, torpillant du même coup le fondement de son histoire : avec un deuil aussi expéditif, la transe de mort, la fameuse, n’a plus lieu d’être et la suite du roman ne sera donc qu’une gigantesque incohérence dépourvue de sens.
Des idées intéressantes, une réalisation bancale. Masterton, quoi.

Dark Water
Koji Suzuki

En entrant chez Pocket, Kōji Suzuki a perdu le macron sur son prénom. Mais bon, un macron en moins, ça ne va manquer à personne.
Dark Water (le livre) est un recueil qui s’ouvre sur Dark Water (le texte) et se poursuit avec six autres nouvelles. Si on s’attend, en ouvrant ce bouquin, à lire le roman Dark Water qui a été adapté au cinéma sous le même titre, faut pas s’étonner de ne pas y trouver son compte et d’être déçu, vu que ce roman n’existe pas. La version ciné de Nakata (2002) a été pas mal rallongée sur la base d’un récit d’une quarantaine de pages.
Ces nouvelles ont toutes pour point commun non pas les sombres toilettes – ça, c’est Toire no Hanako-san – mais l’eau. Angoisse feutrée, terreur tranquille, sans monstres qui bondissent de sous le lit ou du placard, l’idée maîtresse de Suzuki n’est pas de montrer l’horreur ni de se lancer dans une débauche de surnaturel mais d’explorer l’humain à travers les personnages (caractère, émotions, réactions) et les situations auxquelles ils sont confrontés (enfermement, conflits familiaux, violences domestiques, solitude, déclin urbain). Ça change des hordes de démons furibards se livrant aux fantaisies outrancières les plus gore à base de démembrement, giclées sanglantes et vide narratif abyssal. Ici, on donne dans l’horreur psychologique, le récit à ambiance, avec ce rythme lancinant fréquent dans la littérature et le cinéma japonais.

Le masque de l’oubli
Dean R. Koontz

Ce court (une chance !) roman de même pas 250 pages met du temps à démarrer (un comble !), ce qui fait que ça se termine sitôt que ça se met en branle. Une éjaculation narrative précoce, en somme.
Déjà vu, grosses ficelles, longueurs, fin expédiée, événements prévisibles, personnages stéréotypés et sans profondeur, écriture bâclée, scénario format timbre-poste, mauvais dialogues, rythme chaotique, tous les défauts possibles et imaginables réunis en un seul texte, encyclopédique à sa façon.
Rien à sauver de cette Bérézina qui ferait passer celle de Napoléon pour une promenade champêtre à la coule.

Fièvre de glace
Dean R. Koontz

Un bon début, un long milieu tout mou, une fin expédiée et décevante. Le gâchis typique à la Koontz…
Le roman part d’une idée pleine de promesses. Jim Ironheart (Jacquot Cœur-de-Fer, donc) est un super-héros ordinaire, capable de pressentir que des gens vont mourir. Il intervient pour les sauver. Même idée générale que la série télé Demain à la une qui verra le jour quelques années plus tard, le journal et le chat en moins. On pense aussi à Dead Zone de Stephen King (et non, je ne ferai pas de jeu de mot sur le singe King Koontz).
D’où vient ce pouvoir ? Modestie théocratico-américaine oblige, Jimmy pense être un ange gardien du Seigneur, rien que ça, mais en vrai il n’en sait rien. Toujours est-il qu’il y avait là matière à raconter. Au plan narratif sur la nature, l’origine et le but de cette capacité ; au plan thématique sur la notion de destin, sur les grands pouvoirs qui impliquent de grandes responsabilités. Que Jim sache à l’avance lui donne le pouvoir d’intervenir, est-ce que ça implique de devoir le faire, est-ce que ça lui en donne le droit ? Sur ces trois questions centrales du pouvoir, du devoir et du droit, on n’aura pas de réponse, parce que c’est du Koontz et le gars n’a pas bâti sa réputation sur sa capacité à se fouler niveau questionnement.
Le démarrage prometteur part en vrille – et en longueurs – quand Jim rencontre Holly Thorne, une reporter au nom biblique (holy thorn, référence à la couronne d’épines du Christ) fascinée moitié par les sauvetages à répétition du bon samaritain et moitié par ses yeux bleus qui brûlent d’un feu glacial. D’où le titre original Cold fire qui n’annonce en vérité qu’un coup de foudre au premier regard. Et c’est parti pour une bluette à deux ronds cinquante entre Barbie et Ken Jim et Holly. Tout ce foin initial pour raconter à l’arrivée une romance…
Le dénouement relève de l’ode au LSD avec un complexe du messie (ça, OK), un dédoublement de personnalité sorti de nulle part (!), un livre pour enfants qui fait office de Necronomicon du pauvre (!!), un moulin (?), un alien (??) qui sort d’un bassin au son des cloches (?????????), qui n’est en fait pas un extraterrestre (!?!), une thérapie express de deux minutes trente (!!!) et hop, happy end, tout est réglé, Jim et Holly partent dans le soleil couchant pour vivre heureux et avoir beaucoup de marmots.
Jamais vu des révélations autant à côté de la plaque par rapport à l’histoire qui précède. Jamais vu une fin aussi nawak et nanarde, elle vaut le coup d’être lue. Au douze millième degré.
Si vous êtes lecteur, fuyez ce bouquin. Si vous êtes auteur, lisez-le comme manuel de tout ce qu’il ne faut pas faire pour ruiner de bonnes prémices avec un développement mollasson et hors-sujet, et une conclusion sous acide qui vous ridiculisera à jamais.

Collection Pocket Terreur

De la terreur à en retapisser son bénard

Publié le Catégories Critiques express

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