Une grande histoire d’amour qui a commencé au collège. J’achetais (et chouravais) des tonnes de livres dont vous êtes le héros. Jusqu’au quiproquo fatal : La Puissance des Ténèbres. Un nom qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille, les ténèbres n’amènent rien de bon… Paru chez Folio, il ressemblait de loin à un LDVELH standard, à un détail près : il s’agissait d’un jeu dont vous êtes le héros. Exit les paragraphes numérotés, bienvenue les règles, les classes de personnage, les plans… Direction Les Terres de Légende, le Dungeons & Dragons du pauvre.
Ensuite il y en eut d’autres, bien d’autres, beaucoup d’autres. Ceux de la photo, ceux des potes aussi (Stormbringer, Bloodlust, Loup-Garou, Nephilim, Scales, Warhammer, Miles Christi…). Les abonnements à Casus Belli et Dragon Magazine, les figurines, l’engrenage, quoi…
Trente ans de jeux de rôle et rien que des bons souvenirs. Les après-midi, soirées, nuits entre potes autour d’une table et d’une poignée de dés… La découverte d’univers par paquets de mille à travers une ludothèque communautaire : Machin achetait tel jeu, Untel un autre, bibi un troisième, on variait les plaisirs… L’apprentissage de la coopération et de l’équilibre groupe/individu, chaque joueur apportant ses idées et chaque personnage ses compétences, le tout au service d’un objectif commun… Une excellente école d’écriture en tant que maître de jeu (scénario, personnages, décors, rythme, balance action/réflexion/dialogues)… Un apport phénoménal en terme de culture générale (AD&D m’a rendu incollable sur l’armement médiéval, Capitaine Vaudou sur l’histoire et la géo des Caraïbes au XVIIe s., sans compter la masse de vocabulaire anglais acquise grâce aux suppléments non traduits).
Je suis tombé dedans en grande partie à cause de la littérature (Jules Verne, Tolkien et les mythes grecs surtout). Un peu le cinéma aussi. Je pense à un Noël du siècle dernier, l’âge obscur d’avant l’Internet. J’étais tout gamin, Conan le barbare a été diffusé sur TF1, Antenne 2 ou FR3, les seules chaînes à l’époque. M’a beaucoup marqué… Tu me diras, Conan, c’est une adaptation de Robert E. Howard, donc de la littérature quelque part.
Rien d’étonnant, beaucoup de jeux de rôle ont été inspirés par les littératures de l’imaginaire… ces mêmes JdR qui ont à leur tour inspiré de pleins wagons d’auteurs. Les passerelles abondent dans un sens comme dans l’autre. Je ne compte plus le nombre de bouquins ou d’écrivains que j’ai découverts, parce que j’avais mis un pied dans le JdR. Des jeux qui m’ont amené à des bouquins qui m’ont entraîné vers d’autres jeux qui m’ont ouvert de nouvelles portes littéraires et je pourrais continuer cette phrase encore vingt lignes.
Citations en exergue des chapitres de règles, interviews et critiques dans la presse spécialisée, il défilait sous mes nœils émerveillés plus de noms chaque mois que de chômeurs dans une agence Pôle Emploi.
À mon tour aujourd’hui de transmettre la bonne parole à travers quelques conseils de lecture liées à mes activités de rôliste. Liste toute personnelle, sélective donc non exhaustive, elle vaut ce qu’elle vaut.
Si tu es plutôt SF, comme je n’ai joué qu’à Star Wars, les références seront sans rapport :
– Isaac Asimov : cycle de Fondation
– Pierre Bordage : trilogie Les Guerriers du Silence
– Robert Heinlein : Étoiles, garde-à-vous !
– Frank Herbert : cycle de Dune
– Fred Saberhagen : cycle Les Berserkers
Si tu es du genre cyberpunk (Shadowrun) :
– Philip K. Dick : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Blade Runner) et l’intégrale des nouvelles en 4 volumes chez Denoël
– William Gibson : Neuromancien
– Neal Stephenson : Le samouraï virtuel
Si tu es heroic-fantasy (AD&D, Warhammer, JRTM) :
– James Barclay : Chroniques des Ravens
– Froideval : BD Les Chroniques de la Lune Noire
– Robin Hobb : L’Assassin Royal
– Homère : Odyssée
– Robert E. Howard : cycle de Conan
– Jean-Philippe Jaworski : le Vieux Royaume (Janua Vera, Gagner la guerre et Le sentiment du fer)
– John Lang : Le Donjon de Naheulbeuk (les trois premiers tomes, le quatrième est très moyen)
– Fritz Leiber : Cycle des Épées
– George R. R. Martin : Le Trône de Fer (fleuve dense, prenant au début et chiant à la longue)
– J. R. R. Tolkien : les Terres du Milieu (Bilbo le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux et Le Silmarillion)
– Chrétien de Troyes : cycle arthurien
– Roger Zelazny : Les Princes d’Ambre
– Tu peux y ajouter un paquet de mythes grecs, pleins de héros, de monstres et d’objets magiques (Héraklès, Thésée, Persée, les Argonautes, Bellérophon, Méduse, Pégase…) et un autre paquet de romans inspirés de la mythologie (comme la trilogie Phitanie de Tiphaine Croville).
Si tu es plutôt dark fantasy (Stormbringer, Bloodlust) :
– Glen Cook : cycle de La Compagnie Noire
– Michael Moorcock : cycle d’Elric
– Michel Robert : cycle de L’Agent des Ombres
Si tu aimes frissonner (L’Appel de Cthulhu) :
– Howard Phillips Lovecraft : L’Appel de Cthulhu, Le cauchemar d’Innsmouth, Les montagnes hallucinées, La couleur tombée du ciel, les nouvelles avec Randolph Carter (dans les recueils Démons et Merveilles, Les Contrées du Rêve ou La quête onirique de Kadath l’inconnue). Si tu la trouves, jette-toi sur l’intégrale en trois volumes chez Robert Laffont.
Si tu préfères les univers historiques teintés de magie, de SF et/ou d’aventures (Capitaine Vaudou, Légende des Cinq Anneaux, Miles Christi) :
– Stéphane Beauverger : Le Déchronologue
– Laurent Whale : Les pilleurs d’âmes
– Thomas Day : La voie du sabre et L’homme qui voulait tuer l’Empereur
– Tim Powers : Sur des mers plus ignorées et Les voies d’Anubis
– Homère : Iliade
– Christophe Lambert : Zoulou Kingdom et Le Commando des Immortels
– Robert Louis Stevenson : L’île au trésor
– Jules Verne : L’île mystérieuse, 20000 lieues sous les mers, Cinq semaines en ballon, les trois quarts de sa biblio en fait.
Si ton truc, c’est les vampires (Vampire : Mascarade, Vampire : Dark Ages) :
– Anne Rice : les trois premiers tomes des Chroniques des vampires (Entretien avec un vampire, Lestat le vampire, La reine des Damnés). Les suivants sont ennuyeux ou répétitifs.
– Morgane Caussarieu : Dans les veines et Je suis ton ombre
Si tu aimes les foires aux monstres (tu joues à l’ensemble de la gamme World of Darness de White Wolf) :
– Une bonne partie de l’urban fantasy de ces dernières années a pillé sans vergogne WoD, ses affrontements lycans-vampires, ses nosferatus qui croisent des démons et des changeurs de forme. En général, c’est de la merde (Twilight pour ne pas le citer).
– Patricia Briggs : cycle de Mercy Thompson (pas transcendant mais divertissant)
– Sophie Jomain : série Felicity Atcock (qualifiée de girly par l’auteur donc plutôt destinée à un public féminin)
Si tu aimes le mélange des genres (univers aux multiples réalités à la Torg ou JdR génériques comme Gurps et Simulacres) :
– Philip José Farmer : La Saga des Hommes-Dieux et Le Fleuve de l’Éternité
Si tu kiffes les affrontements manichéens décalés (INS/MS) :
– Glen Duncan : Moi Lucifer
– Orcus Morrigan : Manhattan Carnage
Je pourrais citer encore plein d’autres bouquins et auteurs, pas forcément liés à un jeu (ou en tout cas pas un auquel j’ai joué), mais que j’ai découverts dans Casus, Dragon, Chroniques d’Outre Monde, Jeux & Stratégie. À ce train-là, la moitié de ma bibliothèque y passerait. Les Van Vogt, Gaiman, Pratchett, Vance… leur nom est légion. Jusqu’aux titres les plus improbables comme Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes de Robert Pirsig.
Une réflexion sur « Jeu de rôle et littérature »