En 1995, SPSR (Sans Peur et Sans Reproche) sort Miles Christi, un jeu de rôle aussi riche qu’exigeant qui propose d’incarner des Templiers grenouillant en Terre Sainte pendant la période des croisades.
Ce jeu reste un de ceux où je me suis le plus marré.
Comme son titre l’indique, Miles Christi glisse le joueur dans la peau d’un soldat du Christ. Le système se base sur un jeu classique de 54 cartes, mais les règles sont surtout là parce qu’il en faut pour résoudre certaines actions. Le cœur du propos, c’est le rôle. Ça semble évident pour un jeu de rôle, mais beaucoup de licence ont perdu de vue le concept en le confondant avec un jeu de simulation à coups de règles ultra pointues, certes précises et réalistes, mais avec un impact contre-productif en termes de narration et d’immersion.
J’y avais joué peu de temps après sa parution avec un groupe de potes de fac et prépa, j’avais adoré. Majorité d’historiens dans notre bande, on ne pouvait qu’adhérer à un jeu offrant un contexte historique aussi fourni – même si, on appréciera l’ironie, on avait de l’antiquisant, du moderniste et du contemporanéiste mais aucun médiviste dans le lot.
L’essentiel du bouquin de base sert à brosser le décor, le contexte, la vie du Templier au XIIe siècle dans le royaume de Jérusalem. Bien fichu, très documenté, de l’excellent boulot. On peut le jouer en pur historique, ou comme c’est prévu, fantasy historique, à savoir qu’en plus de la réalité de l’époque se greffe le surnaturel (miracles, démons, possession, sorcellerie…). À noter que sans même jouer à Miles Christi, le bouquin est utilisable comme supplément “croisades” pour tout jeu se déroulant à la même époque du genre Vampire: Dark Ages. Et rien n’empêche, moyennant un gros boulot de recherche, de transposer certains éléments pour faire jouer des Templiers ailleurs, l’ordre ayant essaimé à travers toute l’Europe, ou pour utiliser d’autres ordres comme les Teutoniques.
De mémoire, le personnage se définit par trois traits. J’avais choisi fanatique, intolérant, illuminé. Soit le pur fou de Dieu comme on n’a surtout pas envie d’en croiser. Un rôle de composition (en vrai, je suis un athée jemenfoutiste).
L’intérêt et la difficulté viennent de concilier les trois facettes du perso. Le Templier est un moine-soldat, avec d’un côté des commandements religieux, de l’autre les obligations du code de chevalerie, et au milieu les règles de l’ordre. En gros, les dilemmes, c’est la paix de Dieu versus l’épée dans ta gueule, le vœu de pauvreté versus ton rang de naissance noble, ce genre de choses. Et comme si c’était pas déjà assez compliqué, faut encore ajouter le versant humain. On n’est jamais qu’un homme, susceptible d’erreur, de tentation, de péché…
Si on s’en tient à ce que dit le bouquin de règles, Miles Christi est injouable. Au-delà de l’incarnation du perso dans la partie, faudrait aussi qu’en tant que joueur on s’adresse aux autres en continuant à tenir le rôle même hors scénar. T’es à court de clope ? Faudrait demander à ton “doux seigneur frère” de te dépanner d’une tige. T’as envie de chier ? Faudrait signaler à tes “beaux doux frères” que tu t’absentes de la table de jeu pour démouler un cake. C’est juste intenable. L’idée d’une immersion totale peut sembler sympa sur le papier, mais en pratique, ça devient vite relou, contre-productif aussi à cause des anachronismes au détour de chaque échange entre joueurs. Quand ta phrase par une appellation médiévale et finit par Curly ou Coca, voilà quoi… On avait donc assoupli ce carcan pour éviter le nawak et les crises de fou rire à répétition.
Pour le reste, très fun à interpréter, à toujours devoir faire des choix cornéliens et finir en porte-à-faux quoi qu’il arrive, qu’on parte dans une direction, l’autre, ou qu’on essaye de ménager la chèvre et le chou. Du vrai rôle.
Je suis l’auteur de « Le Gardien du temps ».
Le héros voyage dans le temps dans un but strictement égoïste : il veut juste améliorer sa vie et rectifier ses erreurs passées. Mais tout ne se passe pas comme il le veut…
Il est sur Amazon : https://www.amazon.fr/dp/B0DWXLH86C
Est-il possible de vous passer un exemplaire pour avis ?
Merci,
Bien cordialement
Claude Koenig