J’en avais parlé vite fait il y a trois ans à l’occasion d’un article sur les lectures de vacances, l’heure est au retour exhaustif sur une saga qui occupe une grosse place dans ma bibliothèque, m’a poursuivi une bonne partie de ma vie et me court toujours après : les Chroniques de la Lune Noire.
Trente ans que ça dure ! Trente albums en comptant préquelle, hors série et spin-off ! À la fois marathon, monstre imposant et gouffre financier, ce sont les Chroniques de la Lune Noire ! Avec en prime l’art consommé de déchaîner les passions et susciter des avis aussi tranchés que la tête de Louis XVI.
On va régler d’emblée la question fatale. Oui, la série a des défauts, qui en ont épuisé plus d’un.
Le rythme du scénario pèche souvent, traîne en longueur et on termine plus d’un album en se disant “tout ça pour ça”. Drame d’une saga qui a très bien démarré mais qui, au lieu de resserrer son propos au fur et à mesure de son avancée, l’a étiré en mode Olive et Tom (quarante pages pour te raconter un bout d’histoire qui tiendrait aussi bien en une dizaine de planches). La préquelle En un jeu cruel est bof mais quasi indispensable pour obtenir quelques bouts de réponses aux questions que la série principale n’a pas su donner. Les Arcanes ont été lancées sur le tard et leur rythme de parution n’a pas suivi celui de la série principale. Le spin-off Methraton est à éviter, catastrophique.
Cela dit, la saga reste un monument de la bande dessinée heroic fantasy, par son ampleur, sa longévité, son nombre d’albums, ce serait dommage de passer à côté. Elle offre d’excellents tomes à ses débuts et des personnages pas piqués des hannetons tout du long.
À ceux qui veulent tenter l’aventure, je conseillerais de se limiter dans un premier temps au cœur des Chroniques, à savoir les volumes 1 à 14. Empruntez les deux ou trois premiers tomes en bibliothèque pour vous faire une idée. Si vous n’accrochez pas, laissez tomber, vous n’aimerez pas la suite. Si cette découverte vous botte, procurez-vous les albums de la saison 1 et si vous n’êtes pas repus à la fin du numéro 14, vous pourrez compléter avec le hors-série (L’Empire de la Négation) et les Arcanes. Et pourquoi ensuite vous lancer dans la saison 2 ?…
Trente ans que ça dure…
Pour ma part, je continuerai jusqu’au bout. Je ne me suis pas tapé trois décennies de Chroniques pour craquer à trois mètres du bol de sangria. C’est une série que j’aime beaucoup pour ses qualités et malgré ses défauts. Au rang des qualités, l’ampleur, les batailles titanesques, l’humour potache, le côté gros bill et bourrin assumé, les personnages de Whismerhill, Pile-ou-Face, Ghorghor Bey, l’éphémère Feydreiva, Hellaynnea et Murata pour mes préférés, mais aussi Haazheel Thorn, Greldinard, Fratus Sinister, Hagendorf, tout aussi marquants.
S’ajoute un attachement tout ce qu’il y a de subjectif. Trente ans, quoi, ça crée des liens. Une BD que j’ai découverte à l’adolescence, période charnière s’il en est, il en reste toujours quelque chose. Un parfum de nostalgie…
Première fois que j’ai mis le nez dans les Chroniques, c’était en 1989, j’avais 13 ans. Plusieurs planches du premier tome avaient été reproduites en encart d’un numéro du magazine Casus Belli (fondé par le même François Marcela-Froideval en 1980). En les voyant, je m’étais dit “wow !” et j’avais foncé chez mon libraire acheter Le Signe des ténèbres. Depuis la série m’accompagne sans qu’on sache trop qui d’elle ou de moi a vu grandir l’autre.
Les Chroniques de la Lune Noire sont toujours rattachées dans mon esprit à cette époque d’insouciance, la dernière avant que ne démarre ce voyage au bout de la nuit qu’est la vie adulte pour un autiste. Le temps béni du jeu de rôle sur table, avec beaucoup d’Advanced Dungeons & Dragons, l’inspiration majeure desdites Chroniques. Ce Signe des ténèbres et les six volumes suivants font partie d’un tout lié à l’ambiance de cette période, à la construction d’un pan énorme de mon imaginaire, à la découverte d’une tripotée d’auteurs cités dans les magazines de JdR (Casus et Dragon), à l’écriture de mes premières vraies nouvelles. Toutes choses qui font encore partie de mon quotidien aujourd’hui.
D’où un rapport pas toujours très objectif aux Chroniques de la Lune Noire, très marqué par l’affectif, où l’émerveillement et la déception sont surressentis. Comme un ado, quoi.
Dans tous les cas, elle reste une série de cœur.
L’univers de la Lune noire
Opus I – Les Chroniques de la Lune Noire
0 – En un jeu cruel (2011)
1 – Le Signe des Ténèbres (1989)
2 – Le Vent des Dragons (1990)
3 – La Marque des Démons (1991)
4 – Quand sifflent les serpents (1992)
5 – La danse écarlate (1994)
6 – La Couronne des ombres (1995)
7 – De vents, de jade et de jais (1997)
8 – Le Glaive de justice (1999)
9 – Les Chants de la négation (2000)
10 – L’Aigle foudroyé (2002)
11 – Ave Tenebræ (2003)
12 – La Porte des Enfers (2005)
13 – La Prophétie (2006)
14 – La Fin des temps (2008)
HS – L’Empire de la Négation (2013)
=> Chronique de la saison 1
Opus II – Terra Secunda
15 – Terra Secunda (Livre 1/2, 2012)
16 – Terra Secunda (Livre 2/2, 2014)
17 – Guerres ophidiennes (2015)
18 – Le Trône d’Opale (2017)
19 – Une semaine ordinaire (2018)
20 – Une porte sur l’enfer (2019)
21 – Sic Transit Gloria Mundi (2021)
=> Chronique de la saison 2
Opus III – Chroniques du Trône d’Opale
Annoncé dans la liste des titres du cycle à la fin du tome 19.
Les Arcanes de la Lune Noire
1 – Ghorghor Bey (2001)
2 – Pile-ou-Face (2007)
3 – Parsifal (2010)
4 – Greldinard, Première époque (2017)
5 – Greldinard, Seconde époque (annoncé pour 2022)
=> Chronique des Arcanes
Methraton
1 – Le Serpent (2001)
2 – Le Crâne (2003)
3 – Pharaon (2006)
=> Chronique de Methraton
Romans
Novélisation par Jeanne-A Debats & François Froideval
1 – De Gueules (2021)
2 – De Sinople (2022)
=> Détournement
Aux BD s’ajoutent :
– un RTS : Chroniques de la Lune noire, 1999, Cryo Interactive ;
– un wargame avec figurines : Le Retour des Dieux, Chroniques de la Lune Noire, 2004, Ilyad Games ;
– un MMORPG au parcours chaotique : Black Moon Chronicles: Winds of War, sorti en 2002 chez Vircom, abandonné, repris en 2008 par AmalGame-Online, puis en 2012 par Bruma Studios, et semble-t-il définitivement abandonné en 2016 ;
– un MMORPG au développement nébuleux : The Chronicles of Black Moon: Battle songs annoncé comme “soon” en 2006 par Digiland Entertainement et sur lequel personne n’a jamais eu la moindre info ;
– un wargame (Ave Tenebrae, 1986) et son extension (Fiefs et Empires, 1988), seul produit dérivé que je possède.