Pamphlet contre un Vampire – Sophie Jomain

Aujourd’hui, on s’aventure dans la littérature pour adolescentes. Je ne colle pas trop au profil, c’est rien de le dire… Je laisse cinq minutes aux lecteurs et lectrices du blog qui ont eu la chance (?) de me rencontrer IRL pour m’imaginer en lycéenne à couettes et bien se fendre la pipe. Les autres, sortez un jokari et jouez à la baballe en attendant.

Pamphlet contre un Vampire
Sophie Jomain

Rebelle

Couverture Pamphlet contre un vampire Sophie Jomain éditions Rebelle

Or donc a long time ago in a far far away lycée parisien…
Satine Müller a écrit un pamphlet dans lequel elle déglingue les clichés sur les Dracula d’opérette. Pourquoi ce brûlot ? Pour aider sa meilleure amie Carla à décrocher des histoires de vampires cul-cul la praline. Parce qu’il faut reconnaître à beaucoup de romans contemporains sur le sujet de moins tenir du récit fantastique que de la bluette gnagnan écrite avec les pieds par des bras cassés. N’est pas Bram Stoker qui veut, hein, les cocos ?…
Pour résumer cette satire, les vampires n’existent pas et leur image littéraire n’est qu’un ramassis d’âneries. Loin du fantasme romantique, les sangsues en smoking ne sont jamais que des vieux papys sanguinaires séduisant de pauvres cruches au QI de poulpe, matures comme des enfants de quatre ans. Dixit Satine d’une façon ô combien rigolote. Et je rejoins son avis sur le caractère peu romantique des loustics aux dents longues, cf. ma chronique d’Herbert West, réanimateur, où j’aborde les origines communes du zombie et du vampire : un revenant issu du folklore, bouffeur de cadavres et de caca (glamour un jour, glamour toujours…).
Satine met son pamphlet en ligne sur un blog… qui existe pour de vrai, j’ai eu la curiosité de vérifier : leblogdesatine.skyrock.com. Succès fou du bousin dans son lycée où le pamphlet fait marrer certains… et d’autres beaucoup moins. Parce que les vampires existent dans le monde de Satine et le sens de l’humour manque à leur panoplie de super-pouvoirs. Ils sont grands, beaux, forts, intelligents, riches… et pas drôles, ce qui donne moyen envie de passer l’éternité avec.
Voilà pour les grandes lignes du démarrage de l’histoire. À charge pour vous de lire la suite dans le bouquin.

L’annonce que je m’apprête à faire ne renversera personne d’étonnement : je n’ai pas tout aimé dans ce bouquin. Ça va ? Tout le monde est encore debout ? Personne n’a tourné de l’œil ?
Logique, je n’appartiens pas au “cœur de cible” comme diraient les marketeux. Le roman comporte une grosse part de romance et moi la romance, ben c’est pas mon truc. Les goûts, les couleurs…
Niveau identification, pas mieux. J’ai autant de points communs avec une ado de seize ans que ma coupe de cheveux avec celle de la princesse Leia. Mes années lycée remontent à loin, très loin. J’ai vu s’éteindre les dinosaures, ça donne une idée de mon âge vénérable.
Cela dit, mon moi de maintenant s’est quand même un peu retrouvé dans le caractère caustique de Satine et son sens de la repartie. Elle a le mérite de n’être ni une potiche passive sortie de Twilight (Bella, si tu me lis, c’est cadeau), ni une superwoman de caricature, genre de grosbill au féminin. Pourvue d’un caractère bien trempé, Satine “en a dans le pantalon” pour citer Carla, mais elle a aussi ses failles et ses points faibles. À l’arrivée, ça donne un personnage équilibré qui tient debout (sacrée prouesse avec sa jambe cassée et ses béquilles).
Sans être le meilleur roman de Sophie Jomain ni mon préféré, Pamphlet contre un vampire aura été une petite lecture sympa, distrayante, fun et légère. Si on le replace dans son contexte éditorial, je pense qu’il assure le taf auprès du public ado visé.

Côté écriture, Pamphlet contre un vampire fait partie des premiers romans de Sophie Jomain, et cet aspect “premières armes”, on le sent bien niveau style. Le festival d’adverbes en -ment m’a souvent fait lever les yeux au ciel, comme si j’étais un des personnages du livre (ils semblent tous partager une passion pour la néphomancie vu leur manie de zyeuter en l’air). Cela dit, la fusion de mes globes oculaires lors de cette lecture en mode archéologie bibliographique n’aura pas été un vain sacrifice. Tu lis Pamphlet contre un vampire, tu lis Et tu entendras le bruit de l’eau, tu comprends la différence entre un vrai auteur et un branquignole. Jomain a beaucoup bossé sa plume au gré de ses bouquins, quand d’autres tartinent toujours les mêmes lourdeurs de débutant au bout de dix ouvrages.
Et puis Pamphlet, même avec ses défauts stylistiques, offre une réelle dynamique dans la narration. J’ai lu chaque mot avec attention, comme si je corrigeais une énorme dictée de trois cents et quelques pages, sans jamais m’ennuyer, chose rare dans cette catégorie de romans. Je me suis même marré plus d’une fois devant les répliques de Satine et certaines scènes. C’est pas tous les jours qu’on voit un vampire être défini comme une carrosserie de Porsche affublée d’un moteur de Deudeuche. Pas tous les jours non plus qu’on assiste à une scène où un Nosferatu se fait éclater les noix d’un coup de genou bien placé. Le bouquin se fixe pour objectif d’être fun et il l’est, mission accomplie.

Un point particulier a retenu mon attention. Parmi les choses que je déteste en littérature, on trouve les auteurs qui écrivent sur rien. Là tu vas me dire qu’ils racontent une histoire, tatati, tatata. Merci bien, mais si c’est pour écrire un bouquin qui se contente d’être une jolie histoire, faut arrêter tout de suite et se livrer à une autre activité (pour rester dans la catégorie “c’est vain, ça ne sert à rien”, je conseille le bilboquet).
Depuis l’invention de l’écriture, on en a écrit bien assez comme ça, suffit de piocher dans l’existant. Tu lis l’Odyssée et c’est marre, tu as fais le tour de la question “histoire” : TOUT est dedans, on n’a rien inventé depuis.
Un livre n’a d’intérêt que s’il raconte quelque chose de plus qu’Untel a fait ci, Machine a dit ça, péripéties diverses et à la fin ils vécurent heureux.
Sous ses airs légers, mine de rien, Pamphlet ne se contente pas d’égratigner pour de rire les vampires de carnaval adulés par les midinettes et les romans creux qui les mettent en scène. À travers les mésaventures de Satine, plusieurs passages évoquent le harcèlement scolaire, thème qui n’a rien d’anodin.
Dans la catégorie thématique lourde, une partie des conversations entre Satine et son amie Carla ou Hugo le pépé buveur de sang tourne autour de la façon dont se nourrissent les vampires et donc autour de la notion de rapport consenti. Une question pas souvent posée dans la littérature vampirique alors qu’elle se situe au cœur du sujet. Vous savez, le truc du vampire qui ne peut pas entrer quelque part sans y avoir été invité ? Ben voilà, consentement. La version contemporaine du vampire a abandonné cette vieille faiblesse pour la remplacer un peu trop souvent par des fantasmes douteux de domination/viol/violence/rien à foutre que tu sois d’accord ou pas (on comprend mieux le nauséabond 50 Nuances de Grey quand on sait qu’il s’agit à l’origine d’une fanfiction de Twilight qui se pose là aussi en matière de “oh, tu es beau et ténébreux, je ne suis qu’une faible femme enamourée, fais de moi ce que tu veux, je suis ta chose”).
Bien vu d’avoir abordé la question, fondamentale sur le sujet vampirique. Fondamentale aussi dans les rapports humains.

3 réflexions sur « Pamphlet contre un Vampire – Sophie Jomain »

  1. Personnellement j ai bientôt 40ans et j ai beaucoup aimé ce livre . Je l ai conseillé à la fille de 13ans !j ai beau coup ri

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