SFFF (4) Fantasy

Sylvanas Coursevent pour la Horde
Pour la Horde !

La fantasy est un genre enfantin, pas sérieux pour deux sous, où s’ébattent des licornes à paillettes, des elfes “petits avec de grandes oreilles” (Bill Baxter) et des kékés en robe qui exhibent leurs boules de feu.
Voilà. Je pense qu’on a fait le tour du sujet. Merci de votre attention.

Le meilleur conseil que je puisse te donner en matière de fantasy, c’est de prendre la page Wikipedia sur le sujet avec des pincettes, si possible celles avec le bonus +3 contre les erreurs, approximations, raccourcis, postulats discutables.
La palme de l’ânerie revient à la définition du genre pondue par je ne sais quelle obscure commission du patrimoine et publiée au Journal officiel. Le terme anglais fantasy se voit francisé en “fantasie”. Vive la prononciation phonétique… Maille tailor iz ritch. Il s’agit d’un “genre situé à la croisée du merveilleux et du fantastique, qui prend ses sources dans l’histoire, les mythes, les contes et la science-fiction”.
Positionner un genre par rapport à deux autres qui sont flous, faut pas s’attendre à du précis. D’autant moins que la définition ne définit rien, faute de lister les éléments qu’on trouve à cette fameuse “croisée”. Partir de rien pour n’arriver nulle part, v’là le programme…
Pire, opérer une distinction entre fantasy et merveilleux, quelle idée de blaireau ! Note que cette fantaisie (oh, oh, oh), je la croise souvent ici et là, assortie d’une mise en garde : Achtung! ne confondez pas les deux… et point. Détailler les différences ? les motifs de confusion ? Non ?…
Pire tout pire, comme on dit chez les brigands du DL, la “fantasie” (rires) est niée en tant que genre, limitée à un patchwork d’emprunts à tout et n’importe quoi, rapiéçage de bric et de broc sans spécificité propre. Vis-à-vis de la SF, bonjour le contresens, ce serait plutôt l’inverse. Pour l’histoire, le fait que la majeure partie du genre se déroule dans des mondes où le niveau technologique est comparable à notre Moyen Age n’a rien stricto sensu d’une source historique. Vision fantasmée et fictionnalisée du passé, oui, recyclage de la trame historique, non. Et ainsi de suite sur chaque point : du pur nawak.
La définition est à chier de A à Z mais a le mérite de donner une assez bonne idée de la façon dont l’intelligentsia françoise perçoit la fantasy : un sous-genre nasebroque et méprisable juste bon pour les doux rêveurs. Note que la remarque vaut pour toute la SFFF et le “de genre” en général (polar, romance et autres).

WoW Keep calm and lok'tar ogar

La définition qui, sans être 100% satisfaisante, me convient le mieux est celle d’André-François Ruaud dans Cartographie du merveilleux.
“La fantasy est une littérature fantastique incorporant dans son récit un élément d’irrationnel qui n’est pas traité seulement de manière horrifique, présente généralement un aspect mythique et est souvent incarné par l’irruption ou l’utilisation de la magie.”
La version de Ruaud contient sa part de flou  : “généralement”, “souvent”, on n’est pas le champ lexical de la certitude arrêtée. Et c’est très bien, parce que ce choix laisse une marge de manœuvre indispensable dans le cas d’un genre vaste, protéiforme, évolutif dans le temps. Dans l’intro de son bouquin, Ruaud a aussi le bon goût de ne pas marquer de distingo avec le merveilleux.
Après, comme Anne Besson, je suis plus dubitatif quant à voir dans la fantasy une “littérature fantastique”. J’y vois un cousinage horizontal plutôt qu’une filiation verticale. La fantasy n’est jamais que la désignation moderne de ce que le merveilleux recouvrait avant le XIXe siècle.
En version moins universitaire et plus parlante : la fantasy est un récit où les éléments surnaturels ou irrationnels pour nous sont admis comme normaux par les personnages. La magie fait partie des lois naturelles. (Plus ou moins, hein, je suis conscient des limites de ma définition.)
Après, comme pour la SF, il y a une question de feeling qui dépasse les seuls éléments de décor, une appréciation à la louche de la quantité de merveilleux et de son usage. Tu peux remplacer les chevaux de Le bon, la brute et le truand par des licornes, le film restera un western, il ne basculera pas dans la fantasy (et tu finiras dans un asile de fous avec des idées pareilles).

Advanced Dungeons and Dragons
Là, évidemment, c’est juste des gus à cheval, ça ne fait pas très magie, mais y en a, comme la pomme !

La majorité du genre relève du médiéval-fantastique. Contexte inspiré du Moyen Age, avec des débordements sur l’Antiquité (Pyramides de Terry Pratchett) et la Renaissance (L’Empire dans Warhammer). Reprise des mythes anciens, greco-romains et germano-scandinaves en tête. Magie dans des proportions variables, allant de pas grand-chose (Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski, La maîtresse de guerre de Gabriel Katz) au festival ininterrompu (Chroniques des Ravens de James Barclay). Créatures fabuleuses, souvent issues de la mythologie, des contes de fées, du folklore. Et par-dessus, beaucoup d’inventivité ou de clichés selon les auteurs. Depuis Tolkien et son Seigneur des Anneaux, un paquet d’univers sont surpeuplés d’elfes et de nains qui se détestent. On croise aussi une tonne de barbares musculeux repiqués du Conan de Robert Howard, dont les textes, soit dit en passant, se situent loin de l’image bourrine, décérébrée et cliché que beaucoup en ont. Duos de héros que tout oppose pompés sur Fritz Leiber, légions d’antihéros qui traîne toute la misère du monde (l’Elric de Moorcock a eu beaucoup d’enfants), princesses et héroïnes dont la couverture vestimentaire est inversement proportionnelle au tour de poitrine… Comme quoi écrire de l’imaginaire ne rime pas toujours avec faire preuve d’imagination…

L’autre gros versant en nombre d’œuvres, plus récent, est celui de la fantasy contemporaine. (Le contemporain est récent, merci La Palice.) Je préfère cette appellation à urban fantasy, moins satisfaisante. Le fait que la majorité de la population vive en ville à l’heure actuelle ne justifie pas de considérer urbain et contemporain comme synonymes, sous peine de confusions rigolotes. Confer la légende urbaine de la dame blanche… un esprit qui apparaît sur les routes de campagne. La campagne, moi j’aurais vu ça rural, mais bon…
Pas mal d’aventures de Fafhrd et du Souricier Gris (Fritz Leiber) se déroulent en ville, comme un paquet de volumes du Disque-Monde (Pratchett), sans relever de l’urban fantasy (tout en admettant que Leiber a eu une grosse influence sur le genre…). Un comble quand on sait à quel point les cités de Lankhmar et d’Ankh-Morpork constituent des personnages majeurs, au même titre que les héros de chair et de sang qui en arpentent les ruelles. A l’inverse, dans la série Mercy Thompson de Patricia Briggs, qui se déroule de nos jours, un paquets de scènes se déroulent en forêt, dans la cambrousse, dans des baraques isolées au milieu de nulle part, de l’urban fantasy à la campagne.
Donc contemporain, ce sera très bien et plus propre. Anne Rice est une source indirecte d’une bonne partie de cette veine. Ses Chroniques des Vampires ont inspiré le jeu de rôle Vampire : la Mascarade (White Wolf), lequel s’est décliné ensuite avec des loups-garous, momies, démons, mages, fantômes, fées, le tout formant le Monde des ténèbres. Les affrontements whitewolfiens entre lycans et nosferatus ont enfanté le film Underworld, qui a à son tour accouché d’une veine d’épigones pas toujours inspirés (Twilight et compagnie) mais qui ont eu le mérite d’installer pour de bon les vieilles créatures dans le monde moderne.
Je citais le jeu de rôle, mais l’idée d’une somme contemporaine regroupant l’ensemble des mythes, du folkore et du bestiaire était dans l’air du temps des années 90. Côté télé, on retrouve un cocktail assez proche du Monde des Ténèbres dans la série Buffy. Le chaudron de l’imaginaire continue de bouillonner dans Supernatural depuis une décennie, série devenue avec le temps une encyclopédie de la fantasy et du fantastique, bref du surnaturel (avec un titre pareil, vaut mieux).
La fantasy contemporaine emprunte beaucoup au fantastique (le surnaturel n’est pas la norme admise du monde) tout en restant de la fantasy (parce qu’admis ou pas, le surnaturel est là et imprègne le monde). Je mentionnais Felicity Atcock dans l’article précédent sur le fantastique, la remarque vaut pour la saga Harry Potter. Les magos de Poudlard vivent dans un univers de fantasy, les moldus dans celui du fantastique.

Kate Beckinsale en latex dans Underworld

Pour les sous-genres, je vais faire léger. Ils s’appuient sur des critères différents de l’un à l’autre (le nombre de personnages principaux, la tonalité, l’époque, l’ampleur du récit…), autant dire que chaque œuvre peut relever de deux, trois, quatre étiquettes. La tendance a été à la multiplication ces dernières années au point d’arriver à du grand n’importe quoi.
Quand j’ai lu Le Seigneur des Anneaux il y a une trentaine d’années, la trilogie appartenait à l’heroic-fantasy, comme les trois quarts de la fantasy. Aujourd’hui, il faudrait, paraît-il, le classer en high fantasy, pour en arriver à l’énormité suivante trouvée sur Wikipedia : “l’heroic fantasy ne peut pas se mêler à la high fantasy qui est son opposé”. Parce que maintenant, pour l’héroïque, faut être tout seul, à la limite deux. Au-delà, en bande, ça devient high. Bonjour le contresens sur le terme héros, qui ne désigne pas un solitaire mais un personnage qui accomplit des actions héroïques. Ils ne font pour ainsi dire que ça, dans le SdA, de l’héroïque. En plus, virer d’un genre un de ses titres fondateurs…
Donc là, c’est le nombre de personnages qui compte. Mais pas toujours. En dark fantasy, ce sera la tonalité (sombre, donc, pour les pas doués en anglais), en fantasy historique, l’époque, mais attention à ne pas changer le cours de l’Histoire, sinon tu écris de la fantasy uchronique (parce que mettre de la fantasy dans l’histoire, c’est pas déjà uchronique de base, peut-être ?). Avec un peu d’imagination, tu peux te lancer dans un roman de dark heroic low urban fantasy romantico-uchronique… et couvrir à peine 10% des sous-sous-sous-genres.
Autant la multiplicité d’étiquettes en SF couvre des catégories avec des contenus différents, avec pertinence au moins pour les grandes lignes, mais en fantasy, les critères sont… trop larges ou trop pointus, arbitraires, redondants… en un mot fantaisistes.

Pégase licorne

Si tu ne sais pas trop par où commencer, quelques pistes selon ce que tu veux trouver dans un récit de fantasy :
– de l’héroïque : Conan (Robert Howard), Bilbo le hobbit et Le Seigneur des Anneaux (Tolkien), le Cycle des Epées (Fritz Leiber), La maîtresse de guerre (Gabriel Katz) ;
– du pas trop magique : Gagner la guerre (Jean-Philippe Jaworski), Wastburg (Cédric Ferrand) ;
– du très magique : Harry Potter (J. K. Rowling), Chroniques des Ravens (James Barclay), L’assassin Royal (Robin Hobb) ;
– du sombre : Elric (Michael Moorcock), L’Agent des Ombres (Michel Robert), La Compagnie Noire (Glen Cook) ;
– de la fantasy avec de l’histoire autour : Les Hauts-Conteurs (Patrick Mc Spare et Olivier Peru) ;
– de l’historique avec de la fantasy dedans : Le châtiment des flèches (Fabien Clavel) ;
– du jeunesse et du mythologique : Phitanie (Tiphaine Croville) ;
– du avec de la romance : Felicity Atcock (Sophie Jomain) ;
– du avec des images : Les Chroniques de la Lune Noire (Froideval) ;
– de l’oriental : La Voie du Sabre (Thomas Day) ;
– de l’inclassable (à la fois urbain, contemporain, folklorique, punk, celtique) : Âmes de Verre (Anthelme Hauchecorne) ;
– de l’humoristique : Les Annales du Disque-Monde (Terry Pratchett) ;
– du qui fait réfléchir : voir Hauchecorne et Pratchett ;
– du à l’ail : tu me prends pour Jean Lefebvre ?

Le bric-à-brac de l’imaginaire :
SFFF (1) Metal hurleur ;
SFFF (2) Science-friction ;
SFFF (3) Plastique fantastique.

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2 réflexions sur « SFFF (4) Fantasy »

  1. Bonjour,
    J’ai découvert votre site par un heureux hasard.
    Je n’aime pas tellement la fantasy. Mais j’adore Tolkien et deux auteurs que votre article ne mentionne pas : Tanith Lee « le dit de la Terre Plate », démons et érotisme garantis, et les aventures de Bartiméus de Jonathan Stroud (la trilogie et le solo avec Salomon). Classé je me demande bien pourquoi dans la littérature jeunesse. Les deux protagonistes humains sont jeunes d’accord mais Bartiméus est immortel, il n’y a pas de stupide « romance » et les commentaires du djinn sur les magiciens humains sont à méditer.
    Bonne continuation
    Anne

  2. Merci pour les références complémentaires. Tanith Lee, ça fait un (très long) moment que je n’ai pas replongé le nez dedans. Jonathan Stroud, faudra que je jette un oeil.

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