Critiques express (27) Megamix estival

On fait péter la boule à facettes et la boîte à fumée pour un grand numéro de DJ littéraire sous le flamboyant soleil de l’été ! C’est parti pour un megamix improbable de tout et n’importe quoi, où le pire côtoie le meilleur et vice-versa.
Ce maxi-single comporte cinq titres, deux faces A, deux faces B et même une face C, un peu comme un disque mais en forme de pentaèdre (donc pas un disque en fait).
Cartographie du merveilleux (feat. André-François Ruaud)
Dunkerque sous le signe d’Othmane (feat. Jean-Pierre Bocquet)
La Belle est la Bête (feat. Sophie Jomain)
Aware ! (feat. Nicolas Garreau)
L’avocat, le nain et la princesse masquée (feat. Paul Colize)

Couverture Cartographie du merveilleux André-François Ruaud Folio SF

Cartographie du merveilleux
André-François Ruaud

Folio

Je l’avais cité à l’occasion de ma série d’articles sur l’urban fantasy, je reviens dessus aujourd’hui.
L’ouvrage se divise en deux parties : 1) un historique de la fantasy, 2) un guide de lecture comportant une centaine de titres commentés.
L’historique est bien fichu et retrace l’évolution du genre des origines à plus ou moins nos jours en passant en revue ses nombreuses branches sans se perdre dedans. Passionnant à lire avec pour seul regret que l’ouvrage n’ait jamais été mis à jour. Il date de 2001, juste avant la sortie de La Communauté de l’Anneau au cinéma, et s’arrête donc à cette date. Il n’y a plus qu’à espérer un patch correctif qui intègre les évolutions majeures de ces vingt dernières années.
La deuxième partie m’a moins emballé vu que j’ai lu la totalité des œuvres citées par Ruaud, donc pas appris grand-chose. Comme tout listing, celui-ci comporte une part de subjectivité, avec des propositions de titres parfois inattendues et des trous qui le sont tout autant. L’écrasante majorité des ouvrages présentés est anglo-saxonne, dont une partie non traduite, ce qui la rend inaccessible au grand public et pose la limite de ce guide.

Couverture roman Dunkerque sous le signe d'Othmane Jean-Pierre Bocquet Ravet-Anceau

Dunkerque sous le signe d’Othmane
Jean-Pierre Bocquet

Ravet-Anceau

Pas grand-chose à dire sur ce roman ni bon ni mauvais, qui n’imprime pas le cerveau plus que ça. La preuve, je l’ai lu y a quelques mois, j’ai oublié de le chroniquer, c’est dire s’il m’a marqué. J’en ai même oublié l’essentiel de ce qui se raconte dans ce polar régional. J’en garde le vague souvenir d’une histoire capillotractée de tueur en série et d’un style que d’aucuns qualifieraient de littéraire et que j’avais trouvé surtout académique et soporifique.

Sophie Jomain nouvelle numérique La Belle est la Bête

La Belle est la Bête
Sophie Jomain

Il s’en trouve toujours pour dire que l’autoédition est un monde de bras cassés pétris d’amateurisme. Preuve que non avec la nouvelle La Belle est la Bête. Sophie Jomain est auteure professionnelle et le travail sur cette nouvelle a mobilisé un correcteur professionnel et une illustratrice professionnelle.
Il s’agit à la fois d’une réécriture moderne du conte La Belle et la Bête et d’une réédition de la nouvelle, déjà parue dans l’Artbook raconté, une anthologie présentée et illustrée par Le Monde de Fleurine en 2013 chez l’éditeur La porte littéraire. Notez que cette version 2020 de la nouvelle est aussi une réécriture, Jomain ayant remis l’ouvrage sur le métier. Dans sa mouture revue et corrigée, elle a su intégrer ce qu’elle a acquis en écriture tout en conservant la fraîcheur et la spontanéité du premier jet. Un très bon résultat !

Couverture Aware JCVD Jean Claude Van Damme Nicolas Garreau O2 Publishing

Aware !
Nicolas Garreau

O2 Publishing

Alors ça c’est le genre de bouquin ni fait ni à faire que t’offrent à Noël les gens qui n’ont pas d’idée de cadeau, à l’instar d’un Vie de merde, qui porte bien la deuxième moitié de son titre.
Aware ! La compile intégrale des vraies perles de Jean-Claude V.D. est un recueil des envolées azimutées de Jean-Claude Van Damme paru en 2003. À l’époque, les émissions de télé françaises se passaient le relais pour inviter l’acteur belge avec un seul but : le piéger pour le tourner en dérision. Et faut reconnaître que l’ami JCVD marchait à fond dedans, répétant à qui voulait l’entendre qu’il était aware et développant sa philosophie de la vie avec ses mots à lui, dans un franglais décousu. Au-delà de l’absurdité apparente de ses citations, il est question de conscience, de faire partie d’un tout dont chaque élément est interconnecté aux autres. Dans la bouche d’un moine bouddhiste zen, ces propos sonneraient très sérieux. En version Van Damme, qui plus est dans un contexte biaisé par le côté speed, superficiel et cynique de la télé, la sagesse se dissout dans le nawak.
Si vous tombez dessus, passez votre chemin. Pas tant à cause du contenu que de la démarche même du bouquin : tourner en ridicule quelqu’un qui n’a rien demandé. Si c’est ça qu’on attend d’un livre, autant arrêter de lire. Si c’est tout ce qu’on est capable de produire comme “auteur” (appellation imméritée vu le peu de travail d’écriture nécessaire à ce produit), vaut mieux arrêter d’écrire.

Couverture L'avocat le nain et la princesse masquée Paul Colize Pocket
Je n’avais ni avocat ni nain ni princesse masquée, j’ai fait avec les moyens du bord.

L’avocat, le nain et la princesse masquée
Paul Colize
Pocket

Un roman “pour le fun”, dixit Colize. En équivalent cinéma, ce serait comme si L’Homme de Rio se faufilait entre Le Septième Sceau et Lost Highway.
Comparé aux très noirs Un long moment de silence, Concerto pour 4 mains ou Back up… Bah non, en fait, je ne vais pas comparer. Rien à voir dans la démarche comme dans les enjeux ou le ton. Ce serait dommage de ne voir dans L’avonain masqué (je condense) qu’un Colize mineur au regard de sa biblio, alors qu’en soi il offre un moment de lecture agréable.
Cette comédie policière d’aventure, émaillée de références cinématographiques, propose une histoire sans prise de tête mais traitée avec intelligence. Le lecteur mobilise ce qu’il faut de neurones en laissant reposer les autres, bref du pur divertissement. Qui ne rime pas avec abrutissement. Enfin si, ça rime en poésie, mais là non. La littérature de divertissement n’est pas qu’étrons bancals et incohérents rédigés dans un style de collège. On peut le faire avec soin, rigueur et élégance, la preuve.
Ce roman n’a aucune autre prétention que de faire passer un moment de détente au lecteur et il atteint son but. Un amuse-gueule à glisser comme une bouffée rafraîchissante entre deux poids lourds.

Une réflexion sur « Critiques express (27) Megamix estival »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *