J’ai commencé toutes les chroniques Hollywood Buvard en annonçant “pour le meilleur et pour le pire”, vu la qualité à géométrie variable des titres abordés.
Là, non.
Y a que du pire.
Security
(Alain Desrochers, 2017)
C’est l’histoire d’Antonio Banderas (mais ça pourrait être n’importe quel autre acteur, ça marcherait aussi) qui incarne un énième vétéran d’élite à la retraite recyclé dans un boulot pépère, ici veilleur de nuit dans un centre commercial (ce qui a le mérite d’être moins débile pour un ancien militaire que Steven Seagal en cuistot dans Piège en haute mer et en pompier dans Terrain miné, Bob Odenkirk en employé de bureau dans Nobody ou encore Denzel Washington en vendeur de matériel de bricolage dans Equalizer).
Tony va traverser le film en dézinguant des méchants mercenaires tout du long, héros indestructible (donc sans intérêt) qui prend à peine une égratignure, une vraie statut de marbre, avec à peu près la même palette de jeu, à savoir afficher en permanence la même gueule monolithique.
Un film raté alors qu’il aurait pu, à défaut d’une grande originalité, être au moins potable et prenant. Mais non.
L’équipe de gardiens se résume à une poignée de silhouettes, donc on voit pas trop l’intérêt de faire figurer d’autres personnages si c’est pour qu’ils soient translucides. Les ressources matérielles et tactiques du centre commercial sont à peine exploitées, donc on voit pas non plus l’intérêt d’avoir choisi ce lieu si c’est pour ne pas en tirer parti.
On a des méchants de carnaval, censé être des professionnels mais qui arrosent au fusil d’assaut comme des amateurs en vidant des chargeurs de cinq cents cartouches à l’aveuglette (des pros avec armes réalistes, quoi…).
Des fusils de Tchekhov modèle obusier de 150 mm te préviennent avec la subtilité d’une explosion atomique de chaque élément qui va servir par la suite. Au moins, le spectateur a le temps de s’y préparer, mais ça rend le film un tout petit peu beaucoup prévisible.
Les scènes d’action sont filmées en mode le plus basique qui soit, sans que jamais la mise en scène ne parvienne à les rendre épiques.
Quelconque et insipide Die Hard du pauvre…
The Beekeeper
(David Ayer, 2024)
Encore un agent-spécial-machine-à-tuer à la retraite, lui, il est apiculteur. Jason Statham apiculteur, jamais j’aurais cru voir ça dans ma vie. Maintenant que c’est fait, je regrette.
Or donc, c’est l’histoire de Jason Statham qui fait du Jason Statham, comme il a toujours fait depuis une vingtaine d’années : traverser le film en dézinguant des méchants mercenaires tout du long, héros indestructible (donc sans intérêt) qui prend à peine une égratignure, une vraie statut de marbre, avec à peu près la même palette de jeu, à savoir afficher en permanence la même gueule monolithique. (Oui, c’est la même phrase que dans la critique du dessus, mais c’est tellement le même film…)
Pur produit calibré avec tous les ingrédients du genre : des corrompus, des méchants, des mercenaires, du FBI, un programme secret de la CIA… Le cahier des charges accouche d’un machin sans âme à un point rarement atteint. Tout tombe à plat, même les punchlines sont insipides.
La métaphore d’une société comparée à une ruche foire dans les grandes largeurs. Déjà, parce que le concept est développé autour de la ruche en elle-même et de son fonctionnement en autonomie (donc sans la présence d’un apiculteur). Ensuite, parce que le procédé est juste très grandiloquent pour (mal) masquer la maigreur d’une énième histoire de vengeance consistant à tuer tout le monde. Enfin, parce que Statham apiculteur. Le gars, pour protéger la ruche, c’est le genre à cramer toute forme de vie dans un rayon de 100 bornes, donc condamner la ruche. ‘Fin voilà, c’est le club secret des apiculteurs réunis autour d’une métaphore foireuse, mais ça pourrait aussi bien être des philatélistes ou les adorateurs de la grande marmotte bleue, ce serait aussi creux.
On ne peut même pas dire que le film en mettre plein la vue, faute d’une mise en scène qui ne se contenterait pas de poser la caméra dans un coin et tourner sans se fatiguer.
De l’action non-stop et pourtant on s’emmerde du début à la fin.
John Wick, John Wick 2 et John Wick Parabellum
(Chad Stahelski, 2014, 2017 et 2019)
C’est l’histoire de Keanu Reeves, tueur à gages retraité et veuf, dont on a tué le chien. Pour se venger, il va tuer cinquante, cent gangsters russes dans le premier film, des Italiens par dizaines dans le second, un peu de tout dans le troisième (mais avec une dominante asiatique quand même, histoire de poursuivre sur la petite touche xénophobe l’air de rien). Le gars, on nous le vend comme un héros, alors que c’est un criminel, assassin de métier, bourrin au dernier degré, avec zéro sens des proportions et aucun respect de la parole donnée. John Wick, un parfait connard, dont les aventures racontent une apologie décomplexée de la violence extrême.
Il va traverser un film d’abord, une saga ensuite, en dézinguant des méchants mercenaires tout du long, héros indestructible (donc sans intérêt) qui prend à peine une égratignure, une vraie statut de marbre, avec à peu près la même palette de jeu, à savoir afficher en permanence la même gueule monolithique. (Oui, c’est encore la même phrase, mais c’est encore le même film, au détail près que Keanu Reeves aligne encore moins de répliques que Banderas ou Statham qui en avaient déjà à peine pour remplir une carte postale).
Le premier opus reste regardable. En fait, c’est sa seule qualité (parce que bon, le scénar du mec qui se venge en tuant les méchants, on regarde pas ça pour l’histoire profonde que ça raconte…). Des scènes d’action lisibles comme on n’en voyait plus depuis quinze ans de montage ultra-cut épileptique et parkinsonien. Des scènes très chorégraphiées. Trop, au point que le côté ballet finit par ne plus rimer à rien. Mais bon, comme film d’action décérébré et spectaculaire, John Wick premier du nom faisait son taf.
Le chapitre deux est bof. Cette fois, John Wick veut se venger parce qu’on a brûlé sa maison. Le “scénariste” (je mets des guillemets, parce que qualifier de scénario ce copier/coller du premier me semble excessif) décide de construire son univers. Il semble aussi à l’aise avec la cosmogonie qu’avec l’originalité et la complexité d’une intrigue, il va donc tout foirer. Le monde de John Wick est régi par des règles strictes, que tout le monde enfreint tout le temps. Un monde où toute la population active exerce la même profession : tueur à gages. Donc un boulot où respecter ses engagements est indispensable si on ne veut pas finir chômeur ou mort. Personne ne respecte ses engagements. Trahisons et retournements de veste à tour de bras, la moitié du temps sans autre raison que “c’est dans le script”. Vas-y que te donne ma parole, que je signe des pactes de sang qui m’engagent corps et âme, et au moment d’honorer ma dette, je dis non. Un super syndicat du crime baptisé la Grande Table (et dirigé par un mec qui vit dans le désert et qu’on trouve juste en marchant dans le désert) chapeaute cet univers bancal et le dirige d’une main de fer. Sauf John Wick qui trahit l’Ikea du crime, sauf la guilde des mendiants qui n’est pas affiliée dans le 2 mais en fait si dans le 3, sauf les je ne sais combien de francs-tireurs qu’on croise le temps d’une scène, PNJ plus que protagonistes, qui n’en ont pas grand-chose à foutre. En termes d’autorité incontestable, on a vu mieux, on se situe plutôt sur un niveau Bayrou que Palpatine ou Louis XIV. Pas un élément de background qui ne soit contredit par une brassée d’incohérences. Alors à la base, c’est plein de petits bouts d’idées intéressants et exploitables, avec lesquels y avait moyen de construire quelque chose de chouette. Mais entre les mains de Chad Stahelski qui ne sait pas écrire – ses scénarios, quoi, c’est tous le même, qui ne tient pas sur un timbre-poste mais en un seul mot : bagarre –, le projet démiurgique était condamné à finir en soupe glaireuse.
Parabellum repousse les limites de l’intrigue boule de flipper qui part dans tous les sens sans la moindre consistance narrative. Pendant plus de deux heures, ce troisième opus en a encore moins à raconter que les deux précédents qui n’avaient déjà rien à dire.
J’ai arrêté là en faisant l’impasse sur le 4.
Fatigué des scènes de fusillade interminables qui à la longue deviennent plus ennuyeuses que spectaculaires. Fatigué des mecs qui se vident un chargeur à bout portant dans le bide sans mourir ni même être blessés. Fatigué de les voir quand même continuer à viser le ventre alors que visiblement, ça ne marche pas, et d’utiliser encore et toujours les mêmes petites pétoires qui sont de toute évidence inefficaces (passez au lance-roquettes et visez la tête, les gars, vous êtes censés être des professionnels…). Quand, à la fin du 3, John Wick tombe de plusieurs étages et survit sans un bobo, ça a été trop pour ma suspension d’incrédulité, qui n’a pas, elle, la résistance des protagonistes de cette saga creuse comme un trou de balle.
Hollywood Buvard, l’intégrale :
– épisode 1 : polars
– épisode 2 : morts-vivants
– épisode 3 : action
– épisode 4 : monstres
– épisode 5 : fourre-tout
– épisode 6 : super-héros
– épisode 7 : Asie
– épisode 8 : film noir
– épisode 9 : pan, pan !