Dans le système littéraire, les crimes textuels sont considérés comme monstrueux et impardonnables.
Sur Un K à part, les auteurs qui enquêtent sur ces crimes sont membres d’une unité appelée Esprits imaginatifs.
Voici leur histoire…
Entretien avec une vampirette :
Morgane Caussarieu
L’imaginaire, ça représente quoi pour toi ?
L’imaginaire, pour moi c’est avant tout le fantastique, à la rigueur le post-apo et la SF. Je n’aime l’imaginaire que lorsqu’il est crédible, logique, prouvé dans la diégèse. Je n’ai jamais été très portée sur la fantasy – le seul livre de fantasy que j’ai aimé, c’est L’Histoire sans fin, justement parce qu’on installe un régime de croyance en suivant cet enfant dans notre réalité qui accède petit à petit au monde féérique par la lecture. C’est un motif que j’avais repris dans mon deuxième roman, Je suis ton ombre, lorsqu’un enfant perturbé trouve dans une vieille ferme abandonnée le journal intime d’un vampire et pénètre ainsi dans son passé étrange, il y a trois cents ans, à La Nouvelle-Orléans.
J’ai beaucoup écrit sur les vampires, car ils représentent une sexualité autre, un mode de vie autre. L’imaginaire, c’est avant tout, je pense, faire l’expérience d’une nature différente de la nôtre, de sens et d’un regard non humain. C’est cela qui m’intéresse, plus que de montrer un monde qui n’appartient pas aux mêmes lois que cette bonne vieille Terre.
Mes vampires sont aussi une façon de parler de la marge, des exclus, ou de problèmes comme l’addiction. Mais je n’écris pas que de la littérature de l’imaginaire, et mon nouveau roman, Techno Freaks, traite ces thématiques sans passer par le biais du surnaturel. Dans ce roman qui se passe dans la moiteur kétaminée des clubs techno berlinois, je décris un univers réel, mais tellement particulier et loin de la vie lambda, que beaucoup de lecteurs m’ont dit avoir eu l’impression de lire de la SF. Comme quoi j’ai beau écrire à présent aussi de la blanche, l’imaginaire me rattrape.
Quand tu écris de l’imaginaire, tu essayes de mettre quoi dedans ? Et quand tu en lis, qu’est-ce que tu en attends ?
Quand j’écris de l’imaginaire, j’essaie d’y mettre tout ce que je ne ferai pas moi dans la vraie vie. C’est une sorte d’exutoire à ma violence intérieure, je crois, pour rester cette gentille fille. Peut-être un moyen de réaliser des fantasmes aussi : qu’est-ce que ce serait que d’être un homme ? Qu’est-ce que ce serait que de boire du sang, ou d’être capable d’hypnotiser des gens ? Écrire, faire parler des personnages, c’est devenir quelqu’un d’autre, se mettre à la place des autres (à part dans l’autofiction) mais en imaginaire, on peut faire agir et faire parler quelqu’un qui a des pouvoirs, ou des pulsions que soi-même on n’a pas. Je crois que c’est ça que je trouve intéressant.
Mes romans mettent en scène des créatures qui n’existent pas, mais je mets un point d’honneur à les ancrer dans notre réalité, (c’est d’ailleurs un des fondements même du fantastique, un élément irréel qui s’insinue peu à peu dans le quotidien). Je tente de faire en sorte que mes vampires fictionnels existent réellement pour le lecteur, en m’appliquant sur les petits détails, en soignant leur personnalité pour les rendre très humains dans leurs défauts, et en les ancrant dans des contextes concrets et qui parlent au lectorat français, comme les Landes (Je suis ton ombre), ou la ville de Bordeaux (Dans les veines). Mes vampires, bien que plus puissants, ressemblent à des serial killer, et doivent affronter les conséquences de leurs actions, recherchés par la police. J’évite d’écrire de l’urban-fantasy ou de la bit-lit, parce que je trouve que justement, la surabondance de créatures surnaturelles piétine totalement la crédibilité de l’ensemble. Un vampire, pourquoi pas, un loup-garou, allez, à la rigueur, mais des fées, ne poussons pas !
C’est pourquoi même dans Rouge Toxic, mon roman YA qu’on pourrait presque étiqueter bit-lit – tant mes inspirations assumées tendent vers Buffy, ou vers le pastiche de Twillight – je m’en tiens seulement aux vampires et la belle n’aura pas à partager son cœur entre la bête à crocs et celle à poils.
Et pour répondre à la deuxième partie de la question, quand je lis de l’imaginaire, c’est pareil. Je veux que ça me fasse rêver, que ça me fasse vivre une vie autre, mais pour que ça fonctionne, faut que j’y crois. Un livre d’imaginaire qui je trouve fonctionne bien à ce niveau là et que j’aimais beaucoup enfant, c’est Les fourmis de Bernard Weber.
Ah, Les fourmis, toute ma jeunesse aussi… L’œuvre d’imaginaire qui t’a le plus marquée ?
Des fleurs pour Algernon (NdK : de Daniel Keyes).
(Propos recueillis dans le cadre du mois de l’imaginaire. Morgane, un grand merci et méfie-toi des gentils vampires !)
Morgane Caussarieu at home : Les gentils vampires n’existent pas
Sur Un K à part :
– chronique de Chéloïdes ;
– chronique de Dans les veines ;
– chronique de Rouge Toxic ;
– chronique de Techno Freaks.
Esprits imaginatifs, épisode 1/4 : Patrick Mc Spare
Esprits imaginatifs, épisode 2/4 : Morgane Caussarieu
Esprits imaginatifs, épisode 3/4 : Anthelme Hauchecorne
Esprits imaginatifs, épisode 4/4 : Tiphaine Croville
Chouette ce retour de Morgane ! Il faut que je chope ses autres ouvrages, je n’ai lu que Chéloïdes ! 😀
Ils sont très bons aussi. Commence par “Techno Freaks” si tu veux rester dans la lignée de “Chéloïdes” ou “Rouge Toxic” si veux attaquer ses vampires en douceur. 😉