Interview mot compte double avec pour invité un auteur auto-édité : Stéphane Melin.
L’auto-édition, je médite un article sur le sujet depuis un petit moment. Sauf que mon expérience dans ce domaine remonte, elle, à un long moment. Réminiscences du lycée où je faisais figure de précurseur avec le combo traitement de texte / imprimante quand la concurrence en était encore au stylo à bille et à la photocopie baveuse. ‘Fin bref, on reparlera une autre fois de mes aventures littéraires…
En attendant, place à un gars qui connaît le sujet, Stéphane Melin auteur de la série de romans L’Appel des Éléments, qui compte à ce jour deux tomes (L’Appel et Le Soulèvement).
Un K à part : Première question, bateau, ta vie : t’es qui ? tu fais quoi ? c’est quoi ton numéro de CB ?
Stéphane Melin : Bonjour, je m’appelle Stéphane… (Bonjour Stéphaaaane !!!) Alors en vrai, je dois avoir dans les 25-37 ans environ. Je suis taxi-ambulancier, ça me permet d’assurer ma pitance et celle de ma maisonnée, et parfois j’ai le sentiment d’être un peu utile aux personnes que je transporte. Je suis à la colle avec une personne du sexe opposé, Céline (pour des raisons que la raison ignore) et autour de moi gravitent mes deux électrons libres, Julien et Solène (11 et 6 ans respectivement). Étant donné que je ne suis pas très grand et pas trop enrobé, on a déjà fait le tour du proprio.
K : Seconde partie canonique, ton œuvre. Comment en es-tu venu à l’écriture ?
SM : Ça remonte au siècle dernier (1992 si je déraille pas trop). Ma professeure de français me donne la passion de la rédaction, et par la même occasion, me propulse en finale régionale des Dicos d’Or. J’ai donc très tôt le goût de la langue et je passerai beaucoup de temps à écrire des poèmes (aux filles souvent, à mon moi intérieur parfois). Et puis au lycée, j’ai eu une nouvelle professeure (au décolleté affolant mais chut) qui m’a poussé encore plus loin. Elle a orienté mes lectures et j’ai découvert l’imaginaire grâce à elle (le conte pour enfants Tistou les pouces verts, la très étrange Métamorphose de Kafka, 20.000 lieues sous les mers…).
J’ai eu comme tout ado, ma période dark, avec des écritures parfois décousues, mais qui me permettaient de verser sur papier ce que j’avais en tête.
Puis au fil de mes lectures, j’ajouterai Robillard, Hobb, Moorcock, l’inénarrable Tolkien, qui eux, vont vraiment me faire basculer vers la fantasy.
K : Présente-nous ta série L’Appel des éléments. L’histoire, l’univers, les personnages, le genre…
SM : C’est l’histoire de la viiiie ! Non, plus sérieusement, difficile de ne pas spoiler (paraît qu’on peut aussi dire divulgâcher), mais j’ai pris un décor qui ressemble un peu à ma Franche-Comté natale, avec de jolies plaines, quelques forêts, de beaux vallons, j’ai rajouté une chaîne de montagnes pour séparer la Province du reste du monde, un petit volcan pour faire joli et hop, on peut poser les personnages. Abel , c’est un héros calme, sensible, un peu comme moi et je me suis beaucoup investi dans sa création. S’il ne paraît pas très profond au début, il faut garder en tête que la saga tient en 3 tomes. Il va s’entourer de personnages-amis qui ont tous un petit quelque chose de moi (ou de personnes qui me sont chères, comme Vincent, mon défunt meilleur ami, à qui le livre est dédié). Ils vont évoluer dans ce décor au fil de la quête et découvrir que l’ennemi est un petit malin qui a pris soin de parsemer le chemin d’embûches en tous genres (des embûches avec des griffes, des crocs, des sortilèges…). Pour moi, la fantasy, c’est l’imaginaire. Mais comme c’est mon roman, c’est mon imaginaire que j’ai utilisé (enfin celui que j’aime parcourir).
K : Avec son groupe de héros, ses quêtes, ses combats et sa magie, L’Appel se positionne en heroic fantasy classique. Tu aurais pu écrire un autre style de fantasy ou même autre genre (polar, romance, SF…). Qu’est-ce qui t’a amené sur ce type d’univers et de récit ?
SM : De par mon statut de geek assumé et gamer assidu, les nombreux mondes de World of Warcraft, The Elder Scrolls, Secret of Mana, Avatar le dernier maître de l’air, Saint Seiya, je vais encore pousser plus loin mon envie de créer mon propre monde. Et un jour, c’est le déclic avec cette chanson du groupe Hybrid Higher than a Skyscraper qui va me faire imaginer une scène de combat (celle du chapitre 14), la saga était lancée…
Évidemment, comme je suis un vrai rôliste, je ne me voyais pas mettre un héros seul sur la route. Je fonctionne avec la recette Tank-Heal-DPS (Cast et CaC). Des rôles bien définis qui collaient parfaitement avec les quatre éléments. J’ai toujours aimé les jeux avec ces écoles de magie. J’aurais pu partir sur de la high fantasy, mais c’est, j’estime, un travail de très longue haleine, comme le monde de Tolkien.
Loin de moi l’idée de vouloir faire une fantasy fast-food, l’idée première était de livrer mon monde, avec mes codes, et que le lecteur ne soit pas non plus noyé dans des termes incompréhensibles, ou avec des intrigues inextricables.
K : Pour la suite, le tome 3 est en cours de rédaction si j’ai bien compris. C’en est où ?
SM : Eh bien c’est en bonne voie, dirai-je. Quelques petits soucis d’inspiration certains soirs, mais j’avance prudemment. Je ne voudrais pas foirer le final par précipitation. Petite exclusivité, le tome 3 se nommera Le déferlement, directement en lien avec l’introduction d’une autre musique de Hybrid I won’t back down (si vous êtes curieux, écoutez les sifflements au début, et imaginez le ciel).
K : Comme dans les interviews, on aime bien se projeter toujours plus loin dans les plans sur la comète, une fois L’Appel bouclé, tu as déjà des projets d’écriture en vue ?
SM : Des tonnes de projets !!! J’ai déjà lancé l’écriture d’un roman fantasy répondant au nom de code provisoire de Paladins avec cette fois un héros seul. Dans Le Soulèvement, j’amène un nouveau personnage qui aura peut-être ses aventures, mais j’en suis encore au stade des hypothèses. Je kifferais faire un polar, mais c’est un lourd travail de documentation en amont et mon boulot ne m’en laisse, pour le moment, pas le temps.
K : On en arrive au dossier brûlant. L’auto-édition, c’est venu comment ? Pourquoi pas le circuit traditionnel ?
SM : Évidemment, comme tout nouvel auteur avec un roman encore tout chaud, j’ai bombardé les boîtes mails des ME traditionnelles… J’ai essuyé beaucoup de refus. J’ai eu quelques propositions pas très honnêtes (le participatif, CEY LE MAL !!!), on m’a aussi proposé de m’éditer dans une collection Jeunesse, offre que j’ai préféré décliner (ceux qui ont lu le livre sauront pourquoi). Alors du coup, j’ai commencé à me renseigner sur l’auto-édition et j’ai franchi le pas, non sans peur.
K : J’ai été surpris en bien par L’Appel et sa très bonne tenue éditoriale. Niveau couverture, typo, mise en page, correction et finitions, tu as placé la barre très haut. Du travail de pro. Justement parce que tu t’es entouré de professionnels.
SM : En effet, dans mes recherches sur l’auto-édition, j’ai assisté à de véritables massacres oculaires. Tant sur le plan des couvertures que sur le plan de la mise en page. Je ne parle pas de la correction, ça collerait des migraines à Pivot (d’ailleurs mettre Pivot sur pivot, aujourd’hui, ça serait rentable pour fournir de l’électricité). Comme j’ai une certaine considération pour mes lecteurs (qui me le rendent aujourd’hui), j’estime que ce n’est pas avec des économies de bouts de chandelle qu’on remporte le succès d’estime (jolie répétition !!). J’ai donc fait appel à des professionnels, car malgré mon niveau plus que correct en français, Martine “Un mot par un autre” a décelé plusieurs loupés !! Pour la couverture, je ne voulais pas un truc trituré via Photoshop, je voulais une vraie couverture. (NdK : Tu sais ce qu’il te dit, Photoshop ? :p ) Et pour L’Appel, Sylvie “Miesis Illustrations” a donné un très bon boulot. C’est à regret que nous n’avons pu collaborer sur le second tome, mais Vincent “PtitVinc Digital Painting” a pris la relève, au pied levé, et avec brio. C’est à eux que je dois le premier contact avec le public, car il est entendu que c’est la couverture qui attire le lecteur. Et foirer sa couverture, je pense que c’est un peu foirer ce premier rendez-vous.
Pour la mise en page, je travaille depuis le début avec Copy Media, une société d’impression. J’ai pu faire confiance à Julia dès mon premier appel. Elle a eu beaucoup de mérite avec mes différents mails, mes petites exigences, mes corrections de dernière minute. Mais voilà, c’est une super équipe et je les remercie pour leur prestation.
C’est tout un apprentissage que de décider ce qu’on veut sacrifier financièrement pour avoir une qualité optimale. On peut jouer l’économie, c’est sûr, mais on prend le risque de ne pas être suivi par le public.
K : Et derrière ? Sans appui d’éditeur pour la com’, la promo, les dédicaces, les salons, pas trop compliqué pour un auto-édité au niveau de la visibilité ?
SM : Quand j’ai lancé L’Appel, je n’ai pu compter que sur mes quelques abonnés de la page Facebook et mes proches. Bien vite, j’ai tissé des contacts avec les médias locaux (spéciale dédicace à Émilie Tisserand de la Presse de Vesoul, grande passionnée) et après une séance dédicace un peu vide (par manque de bagout, de communication, et puis parce que la première fois c’est rarement la panacée !!), j’ai vraiment démarré. J’aimerais remercier tout particulièrement l’équipe de l’Espace Culturel de Vesoul qui m’a assuré une rencontre avec le public en plein boum de Noël.
Et puis il y a la Librairie Comtoise, une librairie vésulienne indépendante, qui privilégie les artistes locaux. Grâce à elle, j’ai touché des lecteurs vraiment passionnés. C’est aussi à elle que je dois ma présence au Salon du Livre de Vesoul (qui se tiendra le 13 octobre 2018), puisqu’elle en est l’organisatrice et que malgré mon statut d’auto-édité, elle m’a donné ma chance.
K : Pour la fin… je te laisse le mot de la fin (parce que je ne suis que bonté d’âme, générosité, bienveillance, perfection et modestie).
SM : Eh bien pour terminer, j’aimerais dire que l’auto-édition a mauvaise presse, à tort. Comme toujours c’est la majorité bruyante qui produit le plus d’ouvrages donnant cette fâcheuse réputation. Pourtant, si on frogne un peu dans les méandres du web, on trouve de sublimes pépites ! Des noms qui me viennent, Bouffanges (qui gère l’IndéPanda), Frédérique Jansois, et quelques autres, mais je ne peux lister tout le monde.
Dans mon parcours autodidacte, j’ai rencontré des acteurs du monde littéraire qui m’ont donné foi en ce que je faisais. Des auteurs qui ont pris le temps de me lire et de me donner un avis, des chroniqueurs (dont toi) qui ont fait un beau travail de critique et de mise en avant.
C’est donc avec une joie immense que je continuerai à écrire mes histoires, peut-être pas toujours en fantasy, et même si je ne suis pas le futur Chattam, je suis très content de pouvoir partager mes mondes avec mes lecteurs.
Et pour finir, j’aimerais te remercier de m’avoir donné la parole au travers de cette interview. Bon courage pour la mise en page, parce qu’avec mes pavés, tu vas galérer !
Sympa cette interview ! 🙂 Le roman a l’air chouette.
Je réfléchis justement à un concept d’échange avec des personnalités du monde livresque (auteur, illustrateur, éditeur…) pour mon blog. A l’occasion, je te demanderai ton avis ! 😉
Oui, si besoin, surtout, n’hésite pas. 😉