Critiques express (80) Jeux de plateau Games Workshop

Suite du premier volet consacré aux jeux qui ont marqué ma jeunesse, on s’attaque aujourd’hui à un morceau de choix, Games Workshop, dont les produits auront imprimé leur griffe dans mon imaginaire.

Figurines Citadel Heroquest Warhammer

Les années 80-90 auront été l’âge d’or de GW au moins en termes de sorties de jeux. Le wargame avec figurines Warhammer Battle naît en 1983, le jeu de rôle situé dans le même univers suit en 1986 et la déclinaison futuriste Warhammer 40,000 voit le jour l’année suivante. Tous les supports y passeront jusqu’à nos jours inclus : wargames à diverses échelles, figurines, JdR, jeux de plateau, jeux vidéo, film (l’inénarrable Ultramarines), série, artbooks, aides de jeu, magazines (White Dwarf et le défunt Héraut Citadel), romans…
Le milieu des années 80 pose les bases, la fin de la décennie et les années 90 voient une floraison de jeux qui ont marqué toute une génération, au point pour certains d’être encore pratiqués aujourd’hui alors que l’éditeur a jeté l’éponge depuis un bail. Ils ont fait date, parce qu’ils osaient quelque chose : les affrontements titanesques d’Epic (1988), les explorations de vaisseaux abandonnés de Space Hulk (1989) pas du tout plagié d’Alien et Aliens mais un peu quand même, les combats navals de Man O’War (1993), les escarmouches de Necromunda (1996), les batailles spatiales de Battlefleet Gothic (1999). On a bien eu depuis une réédition de Necromunda mais elle n’a pas l’air plus emballante que ça ; Legion Imperialis est un Epic limité à l’Hérésie d’Horus, donc tintin pour un tas de factions aux abonnés absents ; Kill Team a l’air de pas mal marcher mais la complexité de ses règles est un repoussoir. Bref, à l’heure actuelle, le catalogue de Games manque de jeux simples et accessibles qui permettraient de capter un jeune public pour ensuite l’orienter vers 40K, AoS ou Old World.
Toujours est-il qu’en ces temps jadis du siècle dernier, je voyais défiler tout ça dans Casus Belli et Dragon Magazine. Spectateur mais pas que, puisque j’ai eu l’occasion de pratiquer quelques jeux de plateau que Games Workshop a développés en partenariat avec MB : HeroQuest (1989), Space Crusade (1990) et Seigneurs de guerre (1992).

Seigneurs de guerre Lords impériaux MB Games Workshop

Seigneurs de guerre

Seigneurs de guerre propose une version ultra allégée de Warhammer Battle. Les règles simples le rendaient accessible à n’importe quel gamin et les parties étaient épiques. Épiques parce qu’aléatoires vu que la victoire tenait davantage du bol aux jets de dés que de réelles capacités stratégiques. On y a joué avec mon frère, mais pas tant que ça au final, vu qu’on était déjà depuis un moment sur Battle, qui offrait une plus grande profondeur de jeu. La boîte de base et ses deux extensions, Les Maraudeurs du Chaos et Les Lords Impériaux, avaient surtout été achetées pour la masse phénoménale de figurines qu’elles contenaient : environ 150 figs plastique pour beaucoup moins cher que leurs équivalents métal. Rien qu’un canon, trois cavaliers et une ou deux unités de piéton au catalogue Citadel coûtaient aussi cher que toute l’armée fournie dans Seigneurs de Guerre. Aujourd’hui, il ne m’en reste que l’emballage vide des Lords Impériaux, ainsi que la totalité des figurines, qui servent à me refaire la main sur la peinture après plus de vingt-cinq ans de pause.

Heroquest MB Games Workshop

HeroQuest

Un jeu d’aventure simple, version plateau des Livres dont vous êtes le héros, dans un esprit porte-monstre-trésor de Donjons & Dragons. Un must ! La boîte était très fournie, entre le plateau de jeu, les pions, les cartes, les éléments de décor, l’écran du maître de jeu, une grosse trentaine de figurines plastique Citadel. Le jeu a eu un suivi par le biais de plusieurs extensions qui ajoutaient des accessoires, des scénarios et des figurines (Karak Varn, Le Retour du Sorcier, Les Sorciers de Morcar). Il n’y a que le Kit Forteresse que je n’ai pas acheté dans la gamme, puisqu’il ne présentait pas d’intérêt. C’est le seul jeu de l’époque à avoir traversé les années sans encombre et que je possède encore dans son intégralité, là où les version boîte de Battle V3, 40K V2, Seigneurs de guerre et Space Crusade ont morflé entre les mains de mon frangin quelques années après et ont vu une bonne partie de leur contenu dispersé aux quatre vents et perdu pour toujours…
En tout cas, souvenir de belles parties en groupe et, en solo, de sessions de peinture qui ont beaucoup fait pour ma réputation d’ermite troglodyte, vu que je peignais l’été dans le sous-sol de mes parents pendant que les autres jouaient dehors au soleil.
J’ignore ce que vaut la réédition de 2020 par Hasbro/Avalon Hill. Je suppose que côté lore, toute référence à l’univers de Warhammer a été gommée, puisque GW ne participe pas à l’opération. De mémoire, elles n’étaient pas légion dans le version d’origine de toute façon.

Space Marines WH40K Lego Games Workshop
Quelques figurines de Marines rescapées de Space Crusade, mélangées à de l’Adeptus Arbites et des Lego.

Space Crusade

La réédition d’HeroQuest en 2020 avait permis de rêver à un retour possible de Space Crusade qui avait cartonné en son temps. Ça n’arrivera pas. Les marques appartiennent à Hasbro, les univers à Games Workshop. Rééditer HeroQuest sans se préoccuper des Albionais de GW était faisable, suffisait de supprimer, renommer, redesigner tout ce qui faisait un peu trop Warhammer (fimirs, patelins nains qui s’appellent tous Karak-Kekchoz, figurines de mercenaires que leurs uniformes et armures identifient comme des Impériaux). À l’arrivée, un univers de fantasy générique et pas d’emmerdements avec Games sur la question des droits. Pour Space Crusade, autre paire de manches. Si on vire tout ce qui rappelle 40K, il ne reste rien. Alors, oui, on peut imaginer un autre univers générique avec de la SF, des orcs de l’espace, des elfes de l’espace et des space soldiers, space fighters ou space warriors, du moment qu’ils ne s’appellent pas Space Marines, mais ce serait perdre toute la popularité du 41e millénaire, en plus de risquer de gros problèmes juridiques. Autant dire qu’à moins d’une entente entre les deux entreprises ou d’un achat de licence, deux options peu probables, on peut oublier une seconde naissance pour Space Crusade.

À l’époque de sa sortie, j’avais sauté sur le jeu. À choisir, j’aurais préféré Space Hulk, l’autre gros titre sur le sujet, mais pas moyen de mettre la main dessus. Parce que c’était une autre chanson que maintenant pour trouver les produits. Attention, séquence Préhistoire…
Aujourd’hui, tu veux acheter un jeu, l’affaire roule toute seule. Grâce à Internet, tu as accès à la planète entière, tu peux le commander n’importe où dans le monde, peu importe que la boutique se situe aux antipodes de chez toi. Ou tu peux l’acquérir d’occasion sur un site de vente d’objets de seconde main, par le biais d’un groupe Facebook ou dans les rubriques d’annonces des forums. Ou direct sur le site de Games si tu as du pognon à perdre, vu qu’ils vendent leurs propres produits plus cher que les autres revendeurs. Peut-être aussi qu’un magasin Games Workshop est installé dans ta ville ou à proximité.
En 1990, Internet n’en est qu’à ses balbutiements. Donc t’oublies les achats dans des patelins exotiques du bout du monde et sur le site de la maison-mère. Quant à l’occasion, elle se limite au mieux à un pote qui revend ses affaires. Avant même de commander, faut déjà savoir que les produits existent. Et là encore, pas d’Internet pour connaître l’actu des sorties, fallait se contenter des revues papier comme Casus (financé en bonne part par Descartes Éditeur) ou Dragon (magazine qui appartenait à Hexagonal), qui n’avaient pas la place pour parler de tout, qui n’en avaient pas forcément l’envie non plus pour ne pas se tirer une balle dans le pied en faisant la pub d’éditeurs concurrents. En plus, ces revues paraissaient tous les deux mois, autant dire que l’actu pouvait dater quand tu finissais par l’apprendre. Les magasins, pas mieux, on était loin du maillage actuel. Je vous parle d’un temps où il y avait en tout et pour tout dans l’Hexagone UN magasin Games Workshop. L’Unique. La boutique Citadel à Paris. Donc à 200 bornes de chez moi. Les magasins spécialisés wargames-JdR-jeux-de-plateau-figurines n’étaient pas légion et se concentraient à 99% dans la capitale, le reste réparti dans quelques grosses villes avec une forte population étudiante, le public cible de ces hobbies. Le plus proche de chez moi se situait au Furet du Nord à Lille, où Jeux Descartes avait posé ses valises. Distance : 140 kilomètres, ce qui relativise pas mal la notion de “plus proche”. On serait plutôt sur le moins éloigné. Quand tu habitais une petite ville, si tu voulais un jeu, c’était une quête !
Aujourd’hui, j’ai une boutique spécialisée à dix minutes à pied de chez moi, histoire de faire marcher le commerce local. Et pour le reste, Internet, dont on ne remerciera jamais assez l’inventeur. Comme quoi, c’était pas mieux avant, mais pas du tout.

Or donc, Space Crusade avait été acheté en 1990 lors de LA virée annuelle à Lille, avec crochet par Jeux Descartes. J’avais lu un article à son sujet dans Casus Belli, qui m’avait conquis. À juste titre, le jeu était excellent avec ses escoudes de Blood Angels, Imperial Fists et Ultramarines grenouillant dans des épaves de vaisseaux spatiaux. J’ai eu les deux extensions, Mission Dreadnought et L’attaque des Eldars, mais la quasi-totalité du jeu et de ses éléments ont été paumés par mon frangin et tout ce qu’il me reste aujourd’hui, c’est la moitié des figurines. Triste… Vu le prix de la boîte et de ses add-on sur les sites d’occasion, je ne vais surtout pas le racheter au prix d’un rein, à plus forte raison pour ne rien en faire à l’arrivée, puisque je n’ai pas de partenaire de jeu à ce jour.
En tous les cas, ça fait quand même de beaux souvenirs de parties prenantes et spectaculaires, et dans ma collection de figurines, ça n’en donne que plus de valeur sentimentale à celles qui ont survécu au passage du temps et à ses aléas.

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