Critiques express (59) Ça fait du bien là où ça fait mal

Littérature érotique

“Ça fait du bien là où ça fait mal”, le slogan de Synthol pourrait aussi être celui de ce regretté haut lieu touristique que fut le gîte de la Fistinière. Mais aujourd’hui, on ne s’aventurera pas dans l’enfilage de mains dans l’oignon pour se contenter de rester en surface avec beaucoup de pan-pan cul-cul au programme de lecture à travers trois recueils (In/Soumises, Petite dactylo, L’œillet de Louise) et un roman (La comtesse au fouet). Attention, le propos s’annonce un peu plus cru de ce que le grand public connaît du sujet à travers cette flaque de chiasse qu’est Cinquante nuances de Grey, douloureux aussi à sa façon mais sans rien d’agréable.

In-soumises contes cruels au féminin Lectures amoureuses La Musardine

In/Soumises, contes cruels au féminin
Gala Fur & Wendy Delorme (dir.)

La Musardine

Rien que des autrices au casting pour cette anthologie de 16 textes sur le thème domination et soumission. Je m’étais lancé dans cette lecture par curiosité pour le sujet que je ne pratique pas, n’étant pas le moins du monde intéressé par les jeux de pouvoir dans ma sexualité (trop anarchiste pour ça…).
Classique dans la forme, attendu dans le contenu, moins foufou qu’attendu en matière de boulard, pas aussi insoumis dans sa thématique que la mise exergue du préfixe le laissait supposer. Donc pas de quoi se rouler par terre, ça se laisse lire et s’oublie dans la foulée.

Petite dactylo Sadie Blackeyes La comtesse au fouet Pierre Dumarchay Pierre Mac Orlan La Musardine

Petite dactylo et autres textes de flagellation
Sadie Blackeyes / Pierre Mac Orlan
La comtesse au fouet
Pierre Dumarchay / Pierre Mac Orlan

La Musardine

Pierre Mac Orlan, infatigable stakhanoviste de l’écriture, aura mené deux carrières d’auteur en parallèle : l’une, respectable, le mènera à devenir membre de l’Académie Goncourt, l’autre, souvent passée sous silence (cf. sa page Wikipedia qui botte en touche à travers une ou deux vagues évocations et hop, affaire classée, on n’a rien vu), le conduira sur les chemins de la littérature érotique.
Dans cette seconde production, les choses du derrière tournent pour l’essentiel sinon la totalité autour du fouet et de la fessée.
La comtesse au fouet annonce la couleur d’entrée de jeu pour proposer un texte inspiré pour beaucoup de La Vénus à la fourrure au point d’avoir pour sous-titre roman d’une héroine de Sacher-Masoch, et dans une moindre mesure des Onze mille verges d’Apollinaire, autre auteur biclassé classique/yolo. On a donc au final une version moins éthérée, fantastamatique et onirique de La Vénus à la fourrure, plus concrète, plus crue, en restant sur ce dernier point très loin des standards actuels, vu que le bouquin date de 1908, donc un autre temps, une autre terminologie, une autre façon de décrire, plus policée, et une autre approche, très littéraire dans ses formulations. Comme la comtesse est sadique au sens plein du terme, moins dans une quête de plaisir sexuel en tant que tel que de pure domination à infliger la souffrance pour la souffrance, faut le chercher, l’érotisme, dans ce qui n’est in fine qu’un récit de torture sans rien d’excitant.
Petite dactylo et autres textes de flagellation suit la même veine : corrections, fessées, coups de fouet ou de cravache. Ça claque ! Toujours dans un style suranné sans un mot plus que l’autre ni une grossièreté, en témoignent ces gens qui jurent de façon très polie (“nom d’un petit bonhomme”, je cite) et s’auto-censurent quand ils parlent (“je vais lui fi… ses huit jours”, dixit le patron à propos de la femme de chambre ; eh oui, le verbe ficher est à cette époque un terrible gros mot que nul n’ose prononcer par peur des foudres divines). Plus détendus que La comtesse au fouet dans leur ambiance, ces trois textes se lisent pour la curiosité d’un érotisme d’un autre temps et son style à mille années-lumière de la littérature contemporaine sur le sujet.

L’œillet de Louise Robert Mérodack La Musardine

L’œillet de Louise et autres textes de soumission féminine
Robert Mérodack

La Musardine

Encore un forcené de la plume… Mérodack aurait écrit 364 romans (ou romans et nouvelles, selon les sources), information invérifiable vu qu’une bonne partie de sa bio est un mystère, entretenu par le personnage, par ailleurs plutôt discret. Dire que le gars était un passionné de BDSM tient de l’euphémisme. Niveau éditorial, il n’a gravité que dans cette thématique.
Ce volume contient L’œillet de Louise et cinq autres textes, qui mettent tous en avant la soumission féminine (et dans une moindre proportion la domination féminine, autre thème sur lequel a écrit Bobbie). Bondage, contrainte, bâillon, lavement, martinet, tout l’arsenal y passe pour explorer le sujet en long, en large, en travers et en profondeur. On ne sait jamais trop dans quelle mesure Bob raconte des fantasmes ou s’il s’inspire de ses propres expériences. On ne sait jamais non plus s’il est premier degré ou dans l’outrance, et vu que le bouquin date des années 80, ça pourrait aussi bien être l’un que l’autre, ce qui change pas mal la portée du propos (i.e. le texte La vertu des entraves, qui met en scène deux militantes MLF face à deux machos : au premier degré, ce serait une ode puante au patriarcat ; au second, la satire d’une guerre des sexes stérile entre quatre personnages plus cons les uns que les autres). Enfin dans tous les cas, ça raconte surtout du cul, souvent gras et barré, on chercherait longtemps un sous-texte.

Littérature érotique Manara Emmanuelle Sade Réage Apollinaire

N’hésitez pas à aller titiller d’autres zones érogènes du blog :
– festival de la demi-molle
– florilège Esparbec
– fantaisies inavouables
– du Média 1000 en vrac

Publié le Catégories Critiques express

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