Au-delà de la fantasy urbaine stricto sensu abordée dans les épisodes précédents, le combo ville et fantasy se retrouve partout en imaginaire à des degrés divers. En dresser un inventaire serait aussi long que vain. Je me contenterai donc de proposer quelques conseils de lecture, avec renvoi aux chroniques associées quand il y a lieu. Ces livres, je les ai beaucoup appréciés et ces lectures doivent une bonne part de leur caractère marquant à leur décor urbain. En bonus, pour clore notre voyage, je citerai quelques localités qui sont autant de poids lourds dans mon imaginaire, en débordant du cadre littéraire pour englober le jeu de rôle et le jeu vidéo.
Des livres…
Olangar, bans et barricades (Olangar et Frontenac), Clément Bouhélier
De la fantasy avec des elfes, des orcs, des nains… et de la Révolution industrielle. C’est pas commun, très inventif, riche d’un discours sur l’abrutissement par le travail (Frontenac) et sur l’exploitation des travailleurs (Olangar). Un des meilleurs ouvrages dans le thème, sinon le meilleur.
Les Scarifiés (Armada), China Miéville
On part à la découverte d’une ville flottante mi-steampunk mi-fantasy, constituée de plein de bateaux arrimés les uns aux autres. Riche mais long (j’ai bien dû m’y reprendre à trois reprises pour le terminer) mais riche.
Wastburg (Wastburg), Cédric Ferrand
C’est parti pour la visite d’une cité où il se passe des choses pas catholiques. Mention très bien pour la construction maligne du récit : chaque chapitre fonctionne comme une nouvelle, l’ensemble forme un roman.
Le Cycle des Épées (Lankhmar), Fritz Leiber
Beaucoup de nouvelles de ce classique de la sword & sorcery se déroulent dans la cité de Lankhmar. Pour moi, un incontournable, vu comment le gars Leiber a pesé sur les villes de fantasy : la guilde des voleurs, c’est lui qui a commencé.
Garrett, détective privé (Tonnefaire), Glen Cook
Les codes du polar des années 50 dans un univers médiéval-fantastique et une ambiance douce amère, j’adore ce mélange des genres qui fonctionne très bien.
Les Voies d’Anubis (Londres), Tim Powers
“Il faut de tout pour faire un monde” chantaient Arnold et Willy. Ça tombe bien, dans Les Voies d’Anubis, il y a de tout : de la magie égyptienne, du voyage dans le temps, de l’uchronie, de la ville et même un clown.
Sénéchal (Lysimaque), Grégory Da Rosa
Far far breton, a long time ago… J’avais rencontré Grégory Da Rosa aux Halliennales. Session 2017, ça ne va rajeunir personne. En cette époque reculée, l’Internet tournait en 56k grâce à des turbines à vapeur, l’armée teutonne campait aux abords de Verdun, les diplodocus gambadaient dans les verts pâturages, nous étions jeunes, beaux et insouciants. Bref, c’était il y a longtemps. En tout cas à l’échelle des temps éditoriaux, qui voient mourir la plupart des bouquins dans les deux semaines suivant leur sortie.
Sénéchal propose un huis-clos à l’échelle d’une ville assiégée, voilà du peu commun. Le triptyque est inventif, pêchu, malin et stylé, was anders? comme dirait l’acteur allemand Georg Klooney.
… et des villes
Si je ne devais retenir qu’une poigné de villes à m’avoir marqué plus que les autres, qui m’ont fait voyager ou qui ont pesé lourd sur mon imaginaire, lesquelles seraient-ce ?
Hum…
Le binôme Castle Rock et Derry
Les puristes vont gueuler. En même temps, ils passent leur temps à ça, c’est leur rôle. Alors OK, avec Stephen King, on sort de la fantasy pour se situer plutôt dans le fantastique et l’horreur. C’est en effet le cas si tu prends chaque œuvre individuellement. Si tu considères l’ensemble, faut quand même admette qu’on parle de deux patelins chargés bien comme il faut niveau surnaturel. Tout mis bout à bout, tu te retrouves avec un plein monde irrationnel planqué sous le Maine. On est loin d’une région gouvernée par un cartésianisme tranquille. ‘Fin bref, j’aurai passé pas mal de temps dans ces deux localités pleines de trucs chelous. Au-delà des histoires qui font peur, Castle Rock et Derry racontent l’Amérique, la société, la mentalité des petites villes, l’enfance…
Laelith, la cité du Roi-Dieu
Cette ville médiévale-fantastique est née dans les pages du magazine de jeu de rôle Casus Belli au milieu des années 80, puis les articles ont été regroupés dans un numéro hors-série en 1991. Ville de fantasy classique – prévue au départ pour AD&D donc bien classique, quoi – mais bien fichue et bourré de bonnes idées quant aux détails. Je ne sais pas ce que valent les éditions ultérieures – je n’ai pas entendu beaucoup de bien de la version Laelith, 20 ans après –, toujours est-il que celle-ci mérite le détour si vous êtes rôliste (ou auteur de fantasy). J’y ai passé des heures, aussi bien dans le cadre des scénarios de JdR qu’à arpenter ses rues par la pensée pour le plaisir de l’évasion.
Ankh-Morpork
Incontournable mégalopole du Disque-monde imaginée par Terry Pratchett, Ankh-Morpork est le théâtre d’une fantasy barrée, drôle, inventive et intelligente, une des meilleures saga du genre et de loin. Parmi les différents fils qui composent les Annales du Disque-Monde, ma préférence va à celui du Guet, marqué par le roman policier (tiens donc, comme par hasard…). Suivre les pas de Samuel Vimaire dans les rues d’Ankh-Morpork, réfléchir avec lui aux problèmes de son monde et du nôtre (racisme, violence, pauvreté, oppression, esclavage…) et se marrer devant son équipe de bras cassés. Quand on est fatigué de la fantasy qui se prend trop au sérieux, rien ne vaut quelques vacances à Akh-Morpork.
Fossoyeuse, Orgrimmar, Pitons du Tonnerre et Lune d’Argent
Les villes de la Horde dans World of Warcraft (période pré-Cataclysm) furent ma maison pendant plusieurs années.
Alors, Fossoyeuse fut la découverte avec mon tout premier perso, un mort-vivant. Une ville pleine de zombies, de chairs putréfiées, de miasmes. Mon arrivée là-dedans reste un de mes meilleurs souvenirs du jeu. C’était juste wow ! Dans tous les sens du terme.
Orgrimmar, ensuite, capitale de la Horde et siège du trône de notre bien-aimé Thrall, j’en ai exploré le moindre centimètre carré. Tous jeux vidéo confondus, Orgri reste LE décor dans lequel je me suis le plus immergé et senti comme chez moi.
Pitons, enfin, si elle ne m’a pas autant marqué que les deux précédentes, a toujours eu une place à part à cause de son ambiance nature, tribale, zen. Le coin reposant, loin de l’agitation.
Et Lune d’Argent, même si on n’y passait déjà pas des masses de temps dans les premiers niveaux et encore moins voire plus du tout par la suite, ben j’aimais quand même y repasser jouer les touristes à l’occase, parce que Silvermoon a de la gueule aussi.
Pour la Horde !
Dossier urban fantasy / fantasy urbaine :
– Épisode 1 : définition et classification
– Épisode 2 : une longue genèse
– Épisode 3 : naissance et évolution
– Épisode 4 : d’autres villes, ailleurs en fantasy