Olangar, Une cité en flammes – Clément Bouhélier

Olangar, Une cité en flammes
Clément Bouhélier
Critic

Olangar une cité en flammes Clément Bouhélier éditions Critic

Quatrième de couverture :
La menace d’une nouvelle guerre gronde aux portes d’Olangar.
Furieux de la pollution qui touche leur fleuve sacré, les elfes sont sur le pied de guerre. La Chancellerie charge deux nains, Kalin et Nockis, de trouver les preuves qui permettraient de maintenir la paix.
Pendant ce temps, dans l’arrière-pays, d’insaisissables incendiaires frappent au hasard, ne laissant dans leur sillage que des cadavres brûlés. Quand la province d’Enguerrand est touchée à son tour, la jeune suzeraine Evyna n’a d’autre choix que de revenir à la capitale pour mener l’enquête et arrêter les tueurs.
Elle ignore que, très loin de là, son ancien compagnon d’armes, l’elfe Torgend, a décidé de quitter son exil forcé sur le continent des orcs et de regagner lui aussi le royaume.

Nous voici de retour à Olangar, cinq ans après les événements relatés dans Bans et barricades. À l’époque, la ville était en proie à un incendie social ; aujourd’hui elle est “une cité en flammes”. Dans un cas comme dans l’autre, il ne faut pas grand-chose pour bouter le feu aux poudres, ce qui me fait dire que la municipalité olangarienne devrait avoir pour priorité numéro un de se doter d’un corps de pompiers d’élite.
Cinq ans d’écart, le laps de temps permet à l’eau de couler sous les ponts à défaut d’éteindre les incendies. Ce lustre est une idée lumineuse pour dissocier les barricades d’alors des flammes de maintenant et raconter deux histoires indépendantes. Plus ou moins. J’entends par là qu’on peut lire et comprendre Une cité en flammes sans avoir lu Bans et barricades, qui développent chacun son intrigue propre. Mais ! Il serait dommage de passer à côté de l’excellent diptyque qui ouvre la saga Olangar et permet de mieux saisir ce deuxième épisode, rapport aux bases déjà posées de l’univers et de certains personnages qu’on retrouve.

Une cité en flammes vérifie-t-il le principe des suites qui seraient toujours moins bonnes que l’œuvre fondatrice ? Pour ceux que ce vain débat intéresse, il est résumé dans le film Scream 2. Dans le cas qui nous occupe, on s’en fout.
Si vous avez lu et aimé Bans et barricades, vous aimerez Une cité en flammes, les deux titres proposent la même qualité d’écriture de haut niveau. Et si vous n’avez pas lu Bans et barricades, pareil, qualité identique sauf que vous n’avez pas de point de comparaison. Fuyez, pauvres fous, en direction de la librairie la plus proche pour réparer cette lacune !
Pour ma part, je garde une préférence toute subjective pour le premier tome de Bans et barricades, liée à la découverte de l’univers, découverte qui s’estompe par définition au fur et à mesure que l’environnement devient de plus en plus familier. Mais bon, ce classement personnel ne se dessine qu’une fois la lecture terminée. De la première à la dernière page d’Une cité en flammes, le plaisir de lire a été au rendez-vous et ce fut une vraie joie de remettre les pieds dans le monde de Bouhélier.

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Qui dit suite dit grande question de la continuité et du renouvellement, conserver l’esprit tout en racontant autre chose. Soit le problème de la plupart des sagas actuelles qui mettent trop souvent les mêmes personnages face aux mêmes problématiques en ne changeant d’un volume l’autre que l’apparat des péripéties.
Ici, continuité assurée à travers l’univers bâti par Bouhélier, soit une fantasy qui s’offre un grand écart entre le Moyen-Âge, ses arcs, ses épées, et la Révolution industrielle, toute de vapeur et de poudre à canon. L’auteur continue à se réapproprier avec brio les archétypes de fantasy. Après les nains industrieux de Bans et barricades, c’est au tour des elfes, que l’on sait proches de la nature. La vision proposée ici est éloignée – et c’est tant mieux – des blondinets babas cools en collants verts, plantés dans les forêts à écouter les arbres pousser. C’est la plus grande force d’Olangar : apporter quelque chose à l’édifice de la fantasy au lieu de se contenter de refaire du Tolkien et du AD&D. En plus, ce quelque chose se tient et fait sens. Soit, à travers les elfes, nains et orcs, une démarche similaire à celle d’Anne Rice avec la figure du vampire : réinventer le mythe tout en se montrant respectueux de son essence1.
Niveau thématique, on se situe à la charnière continuité/renouvellement. On retrouve le même esprit procédant d’une volonté de raconter davantage qu’une gentille histoire avec des elfes et des nains. Plutôt que de n’écrire sur rien, Bouhélier transpose dans son monde les problématiques du nôtre. La question environnementale des elfes prend le relais des revendications ouvrières des nains. À la quête de pouvoir et de profits des puissants succède… ah ben non, ça, c’est toujours là, le même leitmotiv que dans la vraie vie, parce que la marche du monde, quel que soit le monde, dépend toujours des appétits de quelques-uns qui entraînent tous les autres dans la course à l’abîme. Bref. Autour de l’environnement, du rapport à l’autre, du pouvoir politique, de la pauvreté, des conflits sociaux ou encore du terrorisme, Une cité en flammes évoque des sujets très en phase avec les préoccupations de notre temps (même si, d’une certaine façon, elles le sont depuis l’aube de la civilisation). Autant de thèmes présentés avec assez d’intelligence pour dépasser la stricte actualité sans se périmer en même temps qu’elle, et avec assez de pertinence pour que l’ouvrage reste un roman d’imaginaire (fantasy, évasion, tout ça, tout ça) et pas un manifeste d’opinion mal camouflé.
Le cœur du propos tourne autour de l’opacité et de l’absence de contrôle des groupes industriels à qui on signe des blanc-seing pour leurs activités. Du moment que le moment rentre dans les caisses, ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent, osef. Et les conséquences… osef aussi. Jusqu’au jour où elles finissent par vous rattraper. Parce qu’elles finissent toujours par vous péter au nez. C’est pas Lafarge et son financement de Daech qui diront le contraire…

Évasion, grand spectacle et réflexion, Olangar, Une cité en flammes, c’est de l’excellente littérature de genres, qui mérite pour le coup un pluriel avec sa fantasy mâtinée de steampunk, de polar à enquête, de thriller politique, de cape et épée. “Il faut de tout pour faire un monde” chantaient Arnold et Willy au début des années 80, Bouhélier l’a bien compris et a su faire de son univers une réussite sur tous les tableaux.
Entre terrorisme, destruction de l’environnement, argent-roi, corruption et luttes de pouvoir, on est bien content qu’Olangar relève de la fiction. Imaginez un peu que tout ça arrive pour de vrai dans le monde réel…

(Ce roman a été récompensé par un K d’or.)

1 À l’opposé du spectre du renouvellement intelligent par Anne Rice, on trouve Twilight qui passe le vampire à la moulinette du grand n’importe quoi pour le transformer en boule à facettes.

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