Ninja (3) Le retour du fils de la vengeance de la mort

Voici venu le temps des rires et des chants dernier épisode de la trilogie, il est temps de parler du tournant qui s’annonce dans votre vie. Car je ne doute pas qu’à la lumière de mes exposés antérieurs, une seule idée bouillonnne désormais dans le fromage blanc qui vous sert de cerveau : devenir un ninja.

L’école des ninjas

Pour se lancer dans une carrière de ninja, deux voies s’offrent à l’apprenti MIB. Je ne parlerai pas de l’option qui consiste à pratiquer le ninjutsu dans un dōjō sérieux. Le sérieux, c’est pas du tout mon rayon…
Sachez toutefois qu’il existe des écoles enseignant les techniques ninja. Le ninjutsu, art martial à part entière comme le karaté ou l’aïkidō, a aujourd’hui pignon sur rue. Paradoxal pour des hommes de l’ombre, mais bon. Sachez aussi que ce qu’on y enseigne est très éloigné du modèle historique (on y forme peu d’espions et de tueurs à gages) et encore plus du modèle cinématographique (on est dans la vraie vie, hein). De la même façon que le kendō d’aujourd’hui n’est plus le kenjustu de jadis. Je suis bien placé pour le savoir, j’ai assez peu l’occasion de me retrouver sur un champ de bataille en pleine guerre féodale, à me battre au sabre contre des samouraïs. Sachez enfin qu’hors des frontières du Japon, pour un dōjō valable, on trouve dix pseudo-maîtres guignols. La proportion vaut pour les pratiquants dont certains n’ont pas compris que 1) cinéma = fiction ; 2) films de ninja = non-sens-fiction.

Le ninja autodidacte

Deuxième option : l’autoformation.
On peut résumer Internet à une gigantesque boîte à outils doublée d’une boîte de Pandore pleine d’œufs Kinder piégés à la nitroglycérine. Toute la connaissance de l’humanité à portée de clics, il suffit de chercher et on finit toujours par trouver (surtout si c’est débile ou du cul).
Bon, la connaissance théorique, c’est bien joli, mais comme vous le dira n’importe quel élève “m’sieur, ça sert à rien dans la vie ce qu’on apprend à l’école”. Le fait est que devant votre chasse d’eau qui fuit, Marignan 1515 ou le théorème de Pythagore n’offriront qu’un maigre recours hormis se les répéter comme un mantra en attendant l’arrivée du plombier. Par chance, le Net abonde en tutoriels, conseils et modes d’emploi (dont 90% sont de la connerie en branche, mais c’est un autre débat).
Il y a longtemps, j’avais trouvé un tutoriel intitulé “Comment devenir ninja”. Le site d’origine a disparu depuis (snif), mais j’avais gardé par-devers moi l’héritage de cet enseignement que je me propose de restituer aujourd’hui.

Tutoriel pour devenir ninja

Tutoriel pour devenir ninja

Note liminaire : toutes les citations – dont j’ai conservé les fautes d’orthographe et la grammaire approximative – sont issues du tutoriel original mis en ligne sur feu le site ausujet.com (le fils mutant de Skyblog et Wikipedia).

Introduction

L’intro pose tout de suite des bases solides. Le ninja n’est “pas seulement quelqu’un qui est vêtu de noirs, descend du plafond et découpe tout le monde en morceaux”. En effet, on aurait tort de limiter Pyjaman à ces seuls aspects de sombre écorcheur et d’acrobate tronçonneur. Non content d’être aussi des maîtres espions (ce qui constitue un indéniable plus par rapport à la description initiale), les ninjas sont aussi des “assassins” (donc quand même un peu du genre à découper des gens en morceaux) et des “guerriers spécialisés” (idem). Donc en plus de hacher menu ses contemporains, le ninja assassine et fait la guerre.
Il œuvre “à la fois pour et contre l’ennemi”. C’est un agent double. Tout le monde le sait, mais on l’emploie quand même, sans doute par goût du risque pour s’offrir un petit frisson au moment où il retournera sa veste noire et tranchera la gorge de son commanditaire dans un rire sardonique.
De nos jours cependant, le ninja étant plus ou moins obsolète, on se demande où est l’intérêt de vouloir en devenir un. Réponse édifiante : “les principes et les techniques utilisés restent précieuses pour toute personne qui veut apprendre et émuler la voie du ninja”. En clair, le ninjutsu est intéressant pour qui veut devenir un ninja. Merci La Palice.
“Vous devez remplir toutes les étapes pour devenir un maitre ninja. ” Pas de branque ou de jean-foutre, c’est du sérieux.

Étape 1

“Décidez d’une série d’idées, de morale et de philosophies que vous pouvez vraiment utiliser comme guide pour vivre”. Plutôt que vous inspirer d’une philosophie ninja qui a pourtant plusieurs siècles d’existence et dont quelques rares traités nous sont parvenus, choisissez des préceptes arbitraires qui vous arrangent.
Ensuite, “décidez ce que vous voulez faire en premier : vous maintenir en vie, maintenir votre famille en vie, choisir un seigneur, devenir un paria dans votre clan ninja” (clan dans lequel vous êtes seul, ce qui pose un sérieux problème pour s’auto-exclure, mais on n’est plus à ça près).

Enfant ninja
Exemple de mauvais choix : l’enfant ninja CRS chemise noire mussolinienne

Étape 2

“Ne divulguez jamais que vous êtes un ninja.” Étape des plus simples a priori puisqu’il suffit de fermer la bouche. Pourquoi garder le secret ? Parce que “personne ne vous fera confiance”. Pas faux. Un type viendrait m’avouer qu’il est aspirant ninja sur la base de ce tuto, j’aurais vite fait de lui offrir une chemise à manches longues du genre qui se boutonne dans le dos.

On entre dans le vif du sujet avec le dress code. Il est conseillé de ne pas s’habiller “de manière stéréotypés comme les autres ninjas”. Pour le cas où vous ne résisteriez pas à l’appel du pyjama noir, “si vous portez des vêtements de ninja, l’idée est de ne jamais laisser personne vous voir avec ceux ci”. Mieux vaut en effet qu’on ne vous croise pas dans le métro ou au bureau vêtu comme pour carnaval, sauf à prétexter que vous vous rendez à un bal masqué (à huit heures du matin, on vous croira…). Quant à entrer dans une banque avec une cagoule sur la tête, ma foi, à vos risques et périls… Seul cas où cette tenue pourrait passer, vous appartenez au GIGN. Mais alors pourquoi vouloir être ninja puisque vous avez déjà l’entraînement martial, les armes, la cagoule et le droit de la porter sans passer pour un clown.

Ninja bondage latex
Exemple de costume ninja pas stéréotypé.

Étape 3

“Apprenez à vous déplacer furtivement.” Ma foi, c’est de bon conseil pour un ninja, rien à redire.
“Devenez adeptes de l’invisibilité sociale et physique et du silence total.” En soirée, soyez LE convive chiant. Ne parlez jamais, n’engagez pas la conversation, ne répondez pas si on vous adresse la parole. Devenez transparent, invisible même, en allant vous cacher dans les toilettes. Encore mieux, barrez-vous sous prétexte de fumer une clope, excuse que vous mimerez puisque vous ne devez pas parler. Ou ne venez pas, carrément.
Internet est votre sensei dans ce domaine. Il saura faire de vous un un otaku puissance 1000, le pur nolife. Rien de tel pour favoriser l’invisibilité sociale avec les vraies gens. Supprimez également vos comptes WoW, Facebook, Twitter, MSN, Instagram, Minitel, Tinder, TikTok, Tic Tac, katakte, takate, kakatak, kagate-kata, ratakak-mik.

Kaamelott Arthur Perceval
“Il faut plus que vous parliez avec des gens.”
(Kaamelott, Tel un Chevalier)

“Fondez vous dans le décor, et n’attirez pas l’attention sur vous-même en aucune façon.” Ou réincarnez-vous en plante verte, ça revient au même.
A contrario, “parfois, cela signifie être quelqu’un de sociable et amical car dans le monde moderne, une personne qui boude tranquillement dans son coin éveille suspicion et est soigneusement surveillée.” Ne boudez pas, malheureux, ou vous deviendrez les suspect n°1 et Big Brother déploiera les grands moyens pour vous tenir à l’œil !

Étape 4

“Développez et conservez un corps de ninja.” Sous son pyjama ou son déguisement, au-delà de son invisibilité physique et sociale, à quoi ressemble un corps de ninja ? “Entrainez votre endurance, agilité, votre force et votre flexibilité” (l’auto-fellation est conseillée dans ce dernier cas). “Votre corps est un outil – aussi longtemps qu’il peut exercer les fonctions d’un ninja, il est un outil précieux.” Au-delà de la date de péremption des fonctions de ninja, vous pouvez envisager l’euthanasie.
Mais n’en faites pas trop ! “Devenir trop apte peut être quelque chose de contre productif, surtout si vous vous démarquez comme étant la seule personne mince ou musclée dans la pièce.” C’est vrai, ça. Perso, dès que je vois un type musclé, je me dis : ah, lui, je suis sûr que c’est un ninja infiltré dans la pièce. Démasqué !

Étape 5

“Sachez comment vous échapper.” Conseil utile lorsque l’ambulance vous aura embarqué vers une cellule capitonnée.
En toutes circonstances, “lorsque vous entrez dans une pièce, soyez toujours conscient de toutes les issues possibles, et planifiez à l’avance pour la façon dont vous pouvez créer une diversion si nécessaire”. Sortez de chez vous en passant par la fenêtre avec un grappin et une corde. Grugez la file d’attente à la boulangerie grâce à une subtile diversion en lançant pétards et bombes fumigènes, puis fuyez en laissant derrière vous de fausses empreintes de tigre – connu pour abonder en milieu urbain – afin de leurrer vos poursuivants (pensez à appuyer fort pour imprimer le macadam). N’hésitez pas à déployer les grands moyens pour fuir “aussi anonymement que possible” (sinon, la cagoule suffit, je dis ça, je dis rien).

Étape 6

“Apprenez et pratiquez la voie du ninja (ninpō, 忍法) et les ninjutsu (忍術, techniques du ninja).” Fini la rigolade, on apprend les techniques ninja. Jusqu’à maintenant, on apprenait quoi alors ?…
S’ensuit une liste longue comme le bras, truffée d’erreurs (confusion entre naginata et kusarigama par exemple), et surtout vous devrez tout apprendre tout seul. Il manque les tutos connexes pour apprendre chacune des 18 techniques mentionnées, parmi lesquelles on citera l’équitation (discrète en milieu urbain du XXIe siècle) et le raffinement spirituel (que l’auteur du tuto a dû zapper au cours de sa propre formation). Si vous parvenez à apprendre les techniques de fabrication d’explosifs (en autodidacte, je le rappelle), d’usurpation d’identité ou encore d’intrusion (par exemple dans la salle de bain de votre voisine pendant qu’elle prend sa douche), sans finir entre deux gendarmes, nul doute que vous atteindrez les sommets de l’art ninja.

Étape 7

“Apprenez à contrôler les gens et à manipuler les événements non pas par la force, mais par des mots et des actions.” Vous êtes un ninja moderne (mais qui se promène à cheval) donc apte à vous passer du bourrinage d’antan. Mieux vaut être un salaud manipulateur qu’un salaud d’assassin.

Kunoichi ninja girl
Quand un article est long, il faut maintenir éveillée l’attention du lecteur. La rhétorique est une option. L’autre option, c’est ça.

Étape 8

“Nourrissez votre esprit.” Conseil contradictoire avec le fait de lire le tutoriel incriminé, qui revient à gaver votre esprit de mort-aux-rats.
“Avec la connaissance vient le pouvoir et cela peut vous aider à devenir plus ingénieux et aussi à vous aider à vous fondre plus facilement dans le décor.” On y revient toujours à se fondre dans le paysage. Mais grâce à la connaissance, j’ai un doute. Pas sûr que lire L’Encyclopédia Universalis permette de devenir furtif. Ou alors en se cachant derrière les épais volumes de ladite encyclopédie, à la limite.

Étape 9

“Apprenez à ne rien laisser vous distraire. Un ninja doit être calme et concentré, car si quelque chose est autorisé à devenir une distraction, il pourrait probablement être amener à se faire capturer, être blessé ou même tué.” La moindre distraction et vous êtes foutu. Vous vous installez dans votre canapé en position du lotus pour mater tranquille un film de Godfrey Ho et paf ! le chien game over ! Une horde de sbires moustachus débarque pendant cet instant de distraction et vous fait votre affaire.

Astuces

Parmi les nombreuses astuces à la con indispensables qui complètent le tuto, on apprend que la voie du ninja partage ce point commun avec mon organe caudal antérieur d’être longue et dure. “Ne vous attendez pas à devenir un vrai ninja en une semaine” mais dix minutes suffisent pour lire le tuto. “C’est comme à l’école, nous commençons à 5 ans et lorsqu’on termine ses études secondaires (le lycée), on a encore l’option d’aller plus loin.” Les italiques sont d’origine dans le texte, car au-delà du lycée s’étend la Terra incognita, une destination au-delà de l’imagination qui mériterait une série dans la veine de Star Trek ou Stargate. La fac, pardon, la fac

“N’utilisez pas vos compétences de ninja pour faire de la violence gratuite!”
Faites-vous payer ! Ce n’est pas plus moral, mais ça rapporte.

“Rappelez-vous que le type de ninja que vous voyez dans les films et à la télévision sont souvent pratiquement impossible à devenir. Les ninjas dans les films et dans la réalité sont très différents.”
Je crois qu’il va falloir ajouter une troisième catégorie : les ninjas de tutoriels.

“Au cours de votre formation, il n’y a rien de mieux que de faire un vrai test réel, cependant, si vous tentez de vous enfuir, d’affronter et / ou de combattre les forces de polices ou de vous engager dans toute autre activité criminelle pour tester vos compétences en ninjutsu: il faut être vraiment prêt à accepter les conséquences de vos actions.”
Rien ne vaut un bon vieux test pour vous frotter à la dure réalité d’une vie de ninja (ou la réalité tout court) en vous lançant à corps perdu dans des actes crapuleux ou en vous fritant avec la maréchaussée. Prenez d’assaut un commissariat, chargez en solo une compagnie de CRS, testez les mérites du shuriken face aux armes à feu. Si vous ne finissez pas plus troué qu’une passoire à thé, vous aurez l’occasion de déployer vos talents de furtivité dans des douches carcérales jonchées de savonnettes qui ne demandent qu’à être ramassées.

Un K à part savon Fight Club
La savonnette, un objet anodin qui peut vous en apprendre très long (mais moins que le type juste derrière vous).

Commissions

Le tuto se complète par la liste des “choses dont vous aurez besoin”.
Outre un “entraînement en arts martiaux”, il vous faudra aussi des courts de self-défense, kung-fu, judo et karaté en plus. Je pensais que le kung-fu, le judo et le karaté étaient des arts martiaux, mais en fait non, puisqu’ils sont classés à part. Viennent se greffer la course et le “parkour”, discipline de djeunz qui n’a rien à voir avec le SMS en dépit de sa désastreuse orthographe et vous transformera en yamakasi accompli, donc susceptible de finir dans un Besson, destin tragique propre à refroidir les ardeurs des apprentis ninjas.

Étrangement, la musculation ne figure pas au programme alors que la liste d’équipement nécessite des muscles herculéens. On se demande d’ailleurs l’intérêt de trimballer un arsenal digne de la Troisième Guerre mondiale en plus de vu la quantité délirante de techniques à mains nues déjà nécessaires.
Shurikens, dague, nunchaku, bokken, katana, sabre japonais (un katana donc), sabre ninja (des fois que les deux autres sabres ne suffiraient pas et tomberaient à court de munitions), ninjatō (qui en japonais signifie… sabre ninja). Sacrée quincaillerie à promener sur son dos, surtout si on veut se déplacer discrétos. Après, quatre sabres peuvent sembler excessifs, mais imaginez que le général Grievous lise le tuto, hein ?

General Grievous Star Wars
Quatre bras, quatre chocolats.

Maintenant vous savez comment devenir un ninja. Dommage que je n’ai pas conservé in extenso le texte original de ce tuto, parce que c’était du super lourd. M’enfin, vous avez ici l’essentiel sur la base des renseignements que j’avais glanés jadis quand j’hésitais entre une carrière de ninja ou de reine du bal.
Lancez-vous, accomplissez votre destin ninja et surtout n’oubliez jamais : si c’est sur Internet, c’est que c’est vrai !

Si c'est sur Internet c'est que c'est vrai
Publié le Catégories Gros dossiers

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *