Je vous mets la couv’ histoire de coller une illustration, mais je n’ai pas lu cette pièce. Pour moi, lire du théâtre a autant de sens que bouquiner un script de film comme s’il s’agissait d’un roman, à savoir aucun. Le théâtre, c’est un art de la scène, fait pour être interprété et vu, pas lu. Après, si c’est votre truc de lire du théâtre, sachez qu’il existe une version papier d’“Art”disponible en librairie. Pour ma part, la pièce n’étant pas montée par chez moi, je me suis rabattu sur la magie d’Internet pour la voir en streaming.
Serge achète un tableau. Blanc. Avec du blanc par-dessus. Pour deux cent mille francs. De l’art contemporain, donc, avec cette éternelle question : c’est de l’art pour de vrai ou du foutage de gueule ? Et le prix ! Pour un tableau blanc ! L’avis de son pote Marc, c’est que Serge s’est fait enfler et a acquis une merde hors de prix qui n’a rien d’artistique. Au milieu de cette polarité marquée aux extrêmes débarque Yvan, l’élément neutre, trop occupé par son mariage à venir pour avoir quelque chose à secouer du tableau.
Voilà pour l’argument de la pièce.
Le casting : Pierre Arditi, Fabrice Luchini, Pierre Vaneck. Trois pointures pareilles, qu’est-ce que tu veux ajouter derrière ?…
Le texte, ben mes aïeux, voilà un bail que je n’en avais pas entendu un qui sonne aussi juste ! Drôle souvent, amer parfois, percutant toujours.
Il est question d’art, on s’en doute, et surtout de relations. Au-delà de cette histoire de tableau blanc à la con, sur quoi repose encore l’amitié entre les protagonistes après quinze ans ? Là est la question, comme disait l’autre.
Ce tableau est révélateur des non-dits (pas pour rien s’il est blanc, ce tableau) entre les trois amis. Il y a des tas de choses qu’on n’exprime pas à ses potes. Parfois pour de bonnes raisons. Tact, diplomatie, pudeur, ne pas se montrer blessant, prendre sur soi des petites frictions ou des petites vexations parce qu’on se dit que ça ne vaut pas le coup de se friter pour si peu. Et puis d’autres fois, pour de mauvaises raisons, par lâcheté, par hypocrisie, par facilité du mensonge. Et un beau jour, quand tout ça arrive sur le tapis après des années d’accumulation, on se rend compte que l’amitié n’est qu’un contrat social. Artificiel, comme tout contrat. Et vide de sens.
Les trois gugusses finiront par sauver leur amitié en bousillant l’objet de la discorde et en partant au resto bras dessus bras dessous. Sauver ? Pas tout à fait. Nulle happy end après ce qui a été dit. Ils ne sauvent que les apparences, bien conscients que tout lien entre eux ne tient que par la force du mensonge.