Aujourd’hui, on va parler d’un de mes films préférés : Les sept samouraïs.
L’histoire d’une poignée de guerriers embauchés en 1652 par des villageois pour affronter une horde de bandits.
Derrière ses allures de western de l’Est, Les Sept Samouraïs est un film complexe (phrase bateau qui n’avance à rien mais qui ne mange pas de pain). On peut le ranger dans les films d’action, les drames ou encore le chanbara. S’ajoute une dimension sociale interne au film et un écho politique externe, lié à sa sortie en période d’après-guerre (1954), qui renvoie à la fin du pouvoir militariste et à la transition vers la démocratie.
Le scénario paraîtra aujourd’hui des plus classiques : la petite bande de preux chevaliers face à la meute innombrable des méchants. Un thème qui a fait les beaux jours du western et de L’Agence Tous Risques, et sauvé du chômage scénaristes hollywoodiens et maîtres de jeu en panne d’inspiration. Le film aura droit à sa version américaine en 1960 avec Les Sept Mercenaires de John Sturges. Bon western mais sans la profondeur du film de Kurosawa, dissoute en traversant le Pacifique comme tout ce qui ressemble à un neurone à l’approche d’Hollywood.
Parmi les choses marquantes du film, signalons la scène de la bataille finale, monument d’anthologie ; ainsi qu’une BO excellente (alors qu’en général, je suis plutôt sourd à la musique pendant un film).
Derrière la défense du village opprimé, on trouve plusieurs trames narratives. L’une tourne autour du personnage de Katsushiro, le plus jeune de la bande, qui connaîtra le passage à l’âge d’homme (premier amour et premier combat). L’autre autour du “clown” Kikuchiyo, rōnin perdu entre son ascendance paysanne et ses ambitions de samouraï. Les deux renvoient toujours à un aspect social : une femme du peuple peut-elle être la femme d’un samouraï ? un paysan peut-il devenir un guerrier ? qu’est-ce qui fait la valeur d’un homme : sa naissance ou ses vertus ?… Il va de soi que le film est à voir en version longue, le sens de l’œuvre variant selon les coupures opérées par les différentes versions tronquées. Ainsi en version longue, l’image des paysans, par exemple, n’est pas glorieuse du tout, du tout.
Par-dessus ces fils conducteurs majeurs viennent se greffer plusieurs filins qui font de chaque personnage une entité à part entière, et contribuent à la richesse du film.
À titre d’exemple, Kyuzo, incarné par Miyaguchi Seiji.
Il représente l’archétype du samouraï idéal, mister Bushidō, loin du guerrier baba cool et flower power que laisserait supposer cette photo. Loquace comme un bouquet de marguerites, tout à fait zen, une parfaite maîtrise de soi et du sabre, toujours à s’entraîner pour arriver à la “perfection parfaite” (c’est comme la perfection mais en mieux). La scène du duel qu’il livre est exemplaire de sobriété et d’efficacité. Bref, un samouraï comme on n’en fait plus et comme on en a peu fait dans la réalité. Le mythe incarné, inspiré par rien moins que Miyamoto Musashi. Voilà donc un personnage plutôt en retrait, mais qui, en quelques passages à l’écran, marque vraiment la pellicule.
Personnification d’un âge d’or samuraï, la mort de Kyuzo est très significative : un coup de mousquet. Ou comment le progrès technique balaye l’ancien âge. La comparaison vaut pour Bayard en France : même art de vivre chevaleresque, même façon de mourir. (Et de rien pour le spoil.)
Et c’est ce que raconte le film : la fin d’une époque. Très bien résumé dans la dernière phrase… que je vous laisse le plaisir de découvrir.