Lego Icons : la forteresse de l’Eldorado 2, le retour

Set iconique d’une génération, la forteresse de l’Eldorado (6276) devait tôt ou tard bénéficier d’une réédition à la suite d’autres boîtes marquantes de la fin du siècle dernier, comme le Galaxy Explorer de 1979 (497/10497) dans la gamme Espace, le château des chevaliers du Lion de 1984 (6080/10305) et la cachette des brigands de 1988 (6054/40567) en Castle.
C’est désormais chose faite, le bastion maritime impérial est de retour !

Eldorado fortress 2023 Lego Icons 10320

Étiologie

Cette forteresse a été ma boîte préférée quand j’étais gamin. Ayant déjà récupéré la version originale l’an dernier, je n’avais pas d’attentes particulières vis-à-vis de cette réédition. Pourquoi l’acheter alors ? Parce que l’originale est bien vintage, ce qui fait son charme mais aussi ses limites. Le design est daté, limité aux formes de briques et couleurs de l’époque, loin de la variété pléthorique actuelle. L’esthétique et l’architecture Lego ont évolué depuis, avec moins d’angles et plus d’arrondis, moins de tenons apparents et plus de lissage, moins de “c’est magique” et plus de réalisme (i.e. les accès aux niveaux supérieurs étaient inexistants dans les années 80, depuis on a inventé l’échelle et l’escalier), sans parler des tonnes de nouveaux accessoires et micro-pièces pour la déco et les finitions. Comme j’avais bien envie de pondre une version un peu plus moderne tout en étant retenu par mes scrupules à bidouiller le set de ma jeunesse par peur de trop le dénaturer, acquérir cette mouture dernier cri réglait le dilemme en me fournissant une base, déjà améliorée et riche de briques récentes, sur laquelle déployer toute ma fantaisie architecturale pour pondre une version maison de ce bastion fortifié. Et sans cas de conscience, puisque pas d’attachement affectif avec cette réédition.

Eldorado Fortress Lego 6276
Version 1989

Le remake solitaire

À l’instar des précédentes Icons dans cette niche de remakes, Lego vise ma génération, des adultes quadra sur lesquels on peut pratiquer le tarif matraque en jouant sur leur nostalgie (et sur leurs disponibilités financières plus élevées que celle d’un enfant de 7 ans). Si ces boîtes permettent aussi de passer le flambeau aux plus jeunes générations qui pourront jouer avec, elles atteignent vite leurs limites, faute d’une gamme développée autour comme à la grande époque. Tu veux t’amuser avec des pirates ou des chevaliers ? Ben, y en a pas, hors sorties très occasionnelles (en Ideas la baie de Barracuda, en Creator un bateau pirate et un château). À raison d’une par an, en commençant au CP tu possèderas de quoi jouer à l’heure d’entrer en maison de retraite. Pas faute pourtant d’une grosse demande de la clientèle en Pirates et Moyen-Âge et ce depuis des années, mais Lego fait la sourde oreille et préfère se lancer dans des projets merdiques, moches et sans intérêt comme Vidiyo, DOTs, BrickHeadz, Dreamzzz, des tripotées de casques à la con de Star Wars et de super-héros DC/Marvel, plus encore quelques machins éphémères qui ont foiré si vite que j’en ai déjà oublié les noms.
Perso, une gamme plus étendue pour le jeu, je m’en fous un peu, puisque je ne joue plus aux Lego comme à l’époque de mes 7 ans. Mais me contenter d’être un adulte nostalgique qui pose ses sets officiels sur une étagère pour ne faire que les épousseter une fois de temps en temps ne m’intéresse pas non plus. J’aimerais bien une gamme plus développée comme source de briques, de figurines et de petits bâtiments à intégrer dans une construction maison de plus grande envergure, ce genre de choses. Plus ou moins ce que j’ai fait avec ma Batcave : partir de mon stock de figs et véhicules pour bâtir mon propre diorama mêlant boîtes officielles, MOD et MOC en profitant de la richesse de l’univers Batman dans le catalogue de Lego.
En attendant une hypothétique reprise de la gamme (qui n’aura jamais lieu, parce qu’on n’a pas eu de renaissance de Castle depuis un an que le 10305 est sorti, y a pas de raison que le phénix Pirates renaisse de ses cendres), on se contentera donc de ce qu’on a. Je dirais qu’avec deux forteresses de l’Eldorado, je ne suis pas sans rien non plus. À défaut de nouvelle gamme, il est facile de récupérer les notices de l’ancienne, donc de reconstruire pas mal de choses. Et je dispose aussi de quelques figurines d’avance.

Lego minifigs impériales armada pirates
Une approche assez personnelle de la notion de “quelques”.

Premier contact

Or donc, l’Eldorado fortress mouture Icons 2023 porte le dossard 10320 et affiche un tarif public de 214,99€ pour 2509 pièces, ce qui n’est pas donné mais pas hors de prix non plus pour un bastion accompagné – et c’est la grosse nouveauté du set – d’un bateau qui était absent de l’édition 1989. Il m’en a coûté 14,99€ pour l’obtenir, ce qui redéfinit la notion de soldes.
Si l’achat du château permettait l’an dernier de récupérer en prime la planque des brigands et un polybag d’accessoires pirates, rien de tout ça cette année. Pas de mini-set offert en accompagnement alors que la gamme d’origine s’y prêtait bien, vu la pléthore de petites boîtes (tour de guet, radeau, îlot…) ; pas davantage de réédition du sachet d’accessoires qui aurait pourtant été dans le ton. La boîte brute avec rien d’autre, Lego a l’art de chérir ses VIP.

Livraison carton commande Lego
Eldorado fortress 1989 versus carton 2023

À réception de la commande, je me dis que si la nouvelle version tient plus ou moins dans les dimensions de l’ancienne, ça fait quand même un très, très grand carton, qui promet autant de vide que de contenu.
Note pour les gens du marketing de Lego : les boîtes énormes sont contre-productives, elles ne génèrent qu’un sentiment de frustration pour le client qui se sent floué en voyant la construction finale bien petite en comparaison de son emballage XXL.

Eldorado fortress Lego Icons 10320 boîte

À l’ouverture, la boîte a de la gueule, même si elle aussi aurait gagné à être plus petite, son contenu ne la remplissant qu’aux trois quarts. Autant dire qu’ajouté au différentiel du premier carton, on m’a livré un tiers de vent.

Emballage Lego poupées gigognes

Dans la boîte, ça ne surprendra personne, des sachets pleins de briques. S’ajoutent une petite pochette avec les voiles du bateau et une beaucoup plus grosse contenant quatre livrets d’instruction. Au moment d’organiser les sachets, je me rends compte qu’ils appartiennent à deux groupes différenciés par leur police de caractère mais numérotés pareils. Alors peut-être que ça aura du sens par la suite (spoiler : non), mais sur le moment, quand tu vois deux sachets n°6, tu sens surtout que ça va être la prise de tête pour t’y retrouver après. En bonus, l’éternel sachet sans numéro, ce qui s’explique par… ben on sait pas, en fait. Juste y a des sachets avec des numéros et un qui n’en a pas. Parce que.
Note pour les gars de Lego : vous commencez à 1 pour le premier sachet et vous continuez la série jusqu’à épuisement du stock, sans vous arrêter, sans en omettre, sans revenir en arrière, sans utiliser deux fois le même nombre et ce sera plus simple pour tout le monde.
Bon ben jusqu’ici, une jolie boîte et tout le reste du packaging est à chier, comme bien souvent.

Baseplate Eldorado fortress 2552px3

Alors la boîte, outre la présence d’un bateau, elle t’annonce direct un autre gros changement par rapport à l’original : exit la plaque de base qui était un des marqueurs d’identification de la forteresse version 1989. Pas un mal, parce que ce socle était une fausse bonne idée. La pente, lisse, était un espace perdu faute de pouvoir y faire tenir les figs qui glissaient dessus dans une ambiance de gag à la Benny Hill. Quant au trou central, les deux tiers étaient inaccessibles parce que recouverts par le sol de la cour et bloqués par un pilier de soutènement. Ne restait au final qu’un espace rikiki dans lequel on pouvait glisser un coffre au trésor et basta. Après, c’est sûr qu’elle avait une certaine allure et sa forme surélevée cadrait bien pour une place-forte conçue de façon à surveiller l’océan alentour.
Au revoir la plaque, bonjour les briques. Ce qui explique la différence de nombre de pièces entre la version originale (environ 500) et son remake (2000 de plus). Bon, ça m’a quand même un peu fait peur, parce que je me suis dit que le plus gros des briques risquait de finir dans le socle, comme c’est le cas sur les sets du 40e anniversaire de Star Wars (75329, 75330, 75339, 75352 et 75353), des boîtes vendues dans les 80-90€, au nombre de briques surgonflé entre 600 et 1000 pièces dont les deux tiers passent dans le support, soit un diorama à 30€ sur une base à 60€ qui pourrait tenir en une seule pièce à 1€ (la 30072).
Donc là, deux craintes : 1) l’ennui de cramer des heures à ne bâtir qu’un socle de luxe, 2) un bastion résumé in fine à 500 briques comme son ancêtre et vendu au prix du platine (vu que t’achètes la forteresse pour la forteresse et pas ses fondations, ça ferait une facture disproportionnée de 220 balles les 500 briques dignes d’intérêt).
Par chance, ce ne sera pas le cas, on y reviendra en temps utile.

Eldorado fortress Lego pirates 10320 sachets briques

Oh ! mon bateau

N’ayant eu aucun des navires sortis à l’époque, je décide de commencer par la coque de noix pour rattraper mon retard.
Perso, histoire d’équilibrer les forces en présence, j’aurais plutôt mis un bateau pirate vu que les Impériaux ont déjà leur forteresse bardée de canons. Même si la boîte est d’abord destinée aux adultes nostalgiques, on n’est pas éternels et un jour ou l’autre, on sera trop vieux pour ces conneries voire morts. Renouveler le cheptel des clients en créant une nouvelle génération de gamins accros qui seront nos remplaçants de demain aurait été malin de la part de TLG. Sauf que là, va acheter ça à tes gosses qui ne pourront pas créer de vrais affrontements entre flibustiers et Impériaux. Les batailles vont tourner très court… Après, y a toujours moyen de repiquer le petit drapeau à tête de mort sur la barque des pirates pour convertir le voilier en le hissant en haut du mât.

Allez, on se lance dans le montage à défaut de l’abordage !
Le livret indique de prendre le sachet n°1, je le fais. Puis je me rappelle que les numéros sont en double, donc à tout hasard, j’embarque l’autre n°1 aussi. Bien vu, il faut les deux. Pourquoi ne pas avoir tout mis dans un seul grand emballage au lieu de deux moyens, on ne sait pas. Pourquoi, si les sachets vont ensemble, les numéroter en utilisant des polices de caractères différentes comme s’il ne fallait pas les mélanger ? Mystère… Faut aussi une pièce du sachet anonyme. Pourquoi ne pas l’avoir glissée dans un des sachets n°1 ? Si c’est pour en avoir plusieurs et que ça ne suffise toujours pas, quel intérêt ?
Bref, je démarre l’assemblage… pour bloquer assez vite. Après avoir, tel un David Vincent de la brique, cherché en vain des éléments sur lesquels jamais je n’ai mis la main, je repasse le reste en revue… pour découvrir un troisième sachet n°1 !
Vraiment, faut revoir la numérotation, les gars… Ou les instructions, dont l’iconographie ne représente qu’un seul sachet n°1.

Construction du bateau pas bien difficile, sympa pour une moitié, répétitive pour l’autre. Logique, l’engin est symétrique, un côté fait redite avec son vis-à-vis.
Des choix de coloris assez inattendus en 2023. Autant le rouge ou le noir pour figurer le bois dans les années 80 quand il n’y avait pas de marron ou très peu et plutôt pour les accessoires que les éléments de construction, d’accord. Autant maintenant… Un gouvernail rouge vif, voilà quoi… Idem la pièce dans laquelle s’enclenche la barre. C’est l’impression qui prédomine pendant la construction et saute aux yeux à la fin : les teintes pas toujours dans le ton. Pire, le jaune pique les yeux tellement il n’a rien à foutre là.
Si l’univers Lego Pirates n’a pas vocation à représenter la réalité historique, il s’en inspire. Du XVIe siècle pour son versant Armada avec ses soldats à morion, du début XVIIIe pour ses pirates à la Barbe-Noire et du début XIXe pour ses troupes impériales à shako. Les voiliers noir et blanc font plutôt deuxième moitié du XIXe siècle, ici on s’attendrait plutôt à du tout bois. Pour le blanc et le rouge, la couleur chocolat classique (red brown) aurait été au poil. Le noir, on peut le conserver pour éviter le bloc monochrome marron mais une partie aurait gagné à être en ton foncé (dark brown). Et virez-moi ce jaune !
Donc bateau qui rend bien dans sa ligne mais dont l’esthétique laisse perplexe.
On regrettera la fragilité côté proue où l’assemblage gréement et bastingage tient à pas grand-chose et se démonte dès qu’on le manipule, l’absence d’armement, limité à un sabre, ainsi que le fanion random au lieu d’un drapeau homogène avec celui du fort, à canons entrecroisés et fleurs de lys.
Et j’aimerais bien qu’on m’explique comment, à l’arrière, le fanal fait pour brûler à la fois dans la lanterne ET en-dehors. Je rappelle qu’à l’époque on s’éclaire à la flamme, que celle-ci est donc en roue libre et que feu + navire en bois = gros problème.
M’enfin, ces réserves de détail mises à part, on obtient un esquif correct, qui demandera un peu de bidouillage derrière pour corriger les défauts d’équipement et, dans une certaine mesure, de coloris.

Eldorado fortress Lego navire impérial
Version de la boîte

Après modifications rapides en attendant de revenir plus tard dessus, voici L’Indestructible !
En temps normal, je ne suis pas trop porté sur les noms ronflants, mais là pas moyen de passer à côté. Le jaune dégage, le blanc visible sur l’intérieur du bateau est camouflé, le fond de cale passe en marron, idem le plancher du château arrière où je lisse quelques éléments dans la foulée (plancher, rambarde arrière), barre refaite avec en prime une boussole qui traînait dans mon stock, quelques pétoires pour la puissance de feu, changement de drapeau (calé tant bien que mal sur le mât, vu que la pièce est une rescapée des années 80 et ses clips sont pétés), avant renforcé parce que je le trouvais trop ouvert aux quatre vents et aux paquets de mer. Et bien sûr une figure de proue ! Sauf qu’étant pauvre en torses de rab, et une fois éliminés ceux à motifs hors sujet et dans des couleurs pas pertinentes, il n’en restait qu’un à peu près dans le ton : celui de Robert Parr, alias monsieur Indestructible, d’où le nom de baptême du vaisseau. Le logo fait tache, mais je le remplacerai plus tard par un torse rouge à motif drapé de garde impérial Star Wars… ou peut-être que je le laisserai pour la déconne.

Lego vaisseau impérial customisé
Version bricolée

Mi-fig mi-raisin

On notera dans cette première fournée de personnages que le capitaine pirate a disparu, emportant avec lui sa jambe de bois, son crochet, son bandeau sur l’œil et son bicorne à tête de mort. Vu que le thème s’appelait Pirates, pourquoi avoir supprimé son représentant le plus emblématique ? Si aujourd’hui la boîte appartient à la gamme Icons, le résultat est le même : la représentation du personnage sous forme d’archétype et sa popularité auprès des gosses faisaient de lui une figure iconique.
Grosse faute de goût et choix insensé de Lego que d’avoir sabré cette fig, remplacée par une pirate. Il fallait conserver le capitaine et son acolyte, et ajouter la pirate en bonus, une lame supplémentaire n’étant pas de trop pour affronter les Impériaux renforcés d’un navire. En plus, cette disparition fait perdre au gouverneur son ennemi juré, ce qui n’a aucune espèce de sens.

La fig qui commande le vaisseau montre que le recrutement impérial s’est élargi aux femmes. Je ne doute pas que les puristes d’un autre siècle hurleront au scandale, au complot woke, au tout fout le camp et au c’était mieux avant, comme ç’avait été le cas l’an dernier avec le château du Lion et ses femmes en armure. Alors ça m’avait pas choqué pour le château-fort, parce qu’on était en 2022 pas en 1950 et que les conneries sexistes, c’est bon, on a eu la dose. Parce que des guerrières dans un cadre médiéval, y en a pas eu beaucoup mais y en a eu (Jeanne d’Arc, Jeanne Hachette, Tomoe Gozen…). Et parce que Castle n’a de toute façon jamais eu pour but de proposer une reconstitution historique fidèle de la réalité : il s’agit d’un univers fictif. Pis les mecs qui braillent que les meufs casquées, c’est pas historique, vous trouvez peut-être que les dragons et les magiciens de la gamme, ils sont historiques ? Là-dessus, silence des gonziers, alors que bon…
Des Impériales, ça m’a pas davantage choqué cette année pour les mêmes raisons.
Pirates incluait déjà au début des années 90 quelques personnages féminins côté pavillon noir, héritières des célèbres Anne Bonny et Mary Read, et celle fournie ici a carrément plus la classe que ses ancêtres de ma jeunesse. Trente ans plus tard, les voici désormais aussi parmi les rangs des troupes impériales. Et pour ceux qui seraient tentés de se plaindre en sortant que c’est pas historique, bah en fait si. On a des sources documentées sur la présence de femmes engagées dans les armées d’Ancien Régime, certes sous une fausse identité masculine donc beaucoup moins flag’ que les visages Lego très genrés, mais y en a eu (cf. Sylvie Steinberg, La confusion des genres, Le travestissement de la Renaissance à la Révolution). Et la gamme Pirates, c’est aussi un univers fictif (parce que dans la réalité, on n’a jamais vu cohabiter des Français du XIXe, des Espagnols du XVIe et des pirates du XVIIIe).
Et pour ceux qui voudraient donner un visage 100% masculin à leur forteresse, OK, c’est un choix perso de diorama. Il suffit de remplacer quelques têtes de personnages et ça se fait en silence.
Perso, je vais les conserver. Même si l’idée de départ de mon diorama à venir s’orientait plutôt sur un casting avec que du bonhomme, au moins en apparence (après tout, on ne sait pas ce qui se cache sous l’uniforme, si ça se trouve c’est peut-être que des meufs grimées en mecs, cf. Le régiment monstrueux de Terry Pratchett), tant qu’à avoir une version modernisée, autant donner dans le moderne.

Le vraie hic de la fig impériale (et ce sera le cas de ses collègues qu’on assemble au fur et à mesure qu’on progresse dans les différentes parties de la forteresse), c’est la tampographie de son torse, dont la couleur laisse à désirer avec ses airs d’imitation cheapos made in China. De mon temps, les Impériaux avaient un torse blanc imprimé de bleu. Aujourd’hui, c’est l’inverse, sauf que Lego ne sait pas imprimer en blanc. C’est ballot. Alors autant le blanc translucide tirant vers le grisâtre ne gêne pas par exemple sur le bandeau des figurines Batman, à moitié camouflé qu’il est par le masque du Chevalier noir, autant là le rendu est bof, avec une espèce de blanc bleuté qui donne l’impression d’avoir récupéré des minifigs d’occase déjà usées, aux couleurs passées. Pour une marque qui se veut de la maquette de luxe à exposer, le compte n’y est pas.

Soldats impériaux Lego 1989 2023
Version 1989 versus version 2023

L’attaque du fort

Après cette mise en bouche, l’heure de s’attaquer au fort a sonné !
Je prends un livret un pif (vu qu’ils ne sont pas numérotés ni distingués entre eux, ce qui n’aurait pourtant pas été une mauvaise idée, je dis ça, je dis rien), puis les sachets de briques qui vont avec (soit trois n°6 et un seul n°7 – à ce stade, j’ai cessé de chercher la moindre logique dans la répartition des éléments).
Là où la version vintage se montait tout d’un bloc sur sa base rocheuse, ici on se lance dans une construction modulaire. Si vous avez un seul gamin, vous pourrez jouer avec lui au maître-chanteur dans le même esprit qu’à Noël : s’il est sage, un livret d’instructions et les sachets afférents pour s’amuser le week-end, soit quatre semaines de paix royale. Si vous avez jusqu’à trois gamins (quatre avec le bateau), vous répartissez notices et briques et chacun pourra bâtir son petit bout du bastion, sans bagarre comme c’est le cas avec une construction unique où ils veulent tous poser la même brique au même endroit en même temps avec force chamailleries. Et si vous êtes adulte, vous pourrez reproduire ce schéma à l’identique pour peu que vous disposiez de trois potes fans de Lego.
Bonne nouvelle concernant le socle qui ne se limite pas à un empilement de briques juste pour gonfler leur nombre et le prix du set : il renferme des mini salles.

Avec ce duo de modules, on obtient en premier lieu une tour pourvue d’une pièce d’artillerie (amovible et montée sur roulettes, des fois qu’on veuille la déployer ailleurs, ce qui est bien vu). Au niveau intermédiaire qui correspond au rez-de-chaussée de la forteresse, un sac et un tonneau qui figurent sans doute la réserve de vivres. Dans les entrailles du bâtiment, une cave avec un coffre, des tonneaux de pinard et une tache de vin par terre (j’aime beaucoup ce genre de petits détails).
Belle allure dans l’ensemble, même si je ne suis pas convaincu par le choix d’une mer en bleu flashy Friends, que j’aurais plutôt vu en bleu moyen classique. Si l’ancien fortin affichait des remparts tampographiés de quelques briques apparentes pour montrer l’effritement de l’enduit, on n’en trouve pas dans ce remake. Dommage, parce que ces pièces avaient de la gueule tout en cassant la simple bichromie blanc/jaune de l’édifice, et de belle façon avec leur joli motif. Ici, Lego s’est embarqué dans un choix dépourvu de sens comme d’esthétique pour un résultat qu’on qualifiera, en se montrant indulgent, de hideux au dernier degré. Ça et là, on doit positionner des plates 1×2 bordeaux et arrondies. Des briques avec des bords ronds ! D’où vous sortez ces affreux machins ? Pourquoi ? Comment ?… C’est très vilain, au point que j’en ai remplacé une partie en cours de construction par du simple blanc ou jaune selon les emplacements. Quant aux rares endroits où j’ai conservé la teinte, puisqu’elle pouvait passer pour de la charpente ou de la maçonnerie, j’ai mis l’équivalent en plates droites, avec des beaux angles droits comme des vraies briques de l’IRL.

Eldorado fortress Lego tour cave

L’autre partie est une plateforme qui accueille la table de la soldatesque. Je l’avais d’abord pris pour un ponton, il s’agit de la cour centrale de la forteresse (mais selon l’agencement final des sections, elle peut aussi servir de débarcadère).
Ici, l’édifice se cherche un peu, entre d’un côté son positionnement plutôt orienté maquette pour adultes qui ont été gamins dans les années 80-90 et de l’autre quelques fonctionnalités de jeu quand même, inutiles pour une simple exposition sur une étagère mais qui amuseront les mômes. Ainsi le sol de cette cour est équipé d’une tirette sur un côté qui permet d’ouvrir une trappe et envoyer une figurine à la flotte. Plouf.

Eldorado fortress Lego table soldats

Livret suivant, on démarre pépère avec une petite section souterraine en arche, surmontée de la réserve de munitions (boulets, sac de balles et tonneau de poudre), elle-même rehaussée d’une tour supportant la grue de la discorde.
Cette grue ne m’emballait pas dans la version d’origine, trop encombrante pour ce que c’était faire : soulever un simple coffre que deux bonshommes peuvent porter. Dans cette version remasterisée, elle est plus détaillée… et encore plus massive. D’après la notice, on pose le coffre dans la nacelle, et dans le coffiot on met deux pistolets. Un engin pareil pour transborder deux pétoires, v’là le sens de la mesure…
Sinon, en soi, la machinerie est bien rendue, mais vraiment, j’arrive pas à me convaincre de la pertinence de sa présence. Quitte à installer quelque chose de maousse au sommet de cette tour, je reste persuadé qu’un canon de marine aurait été plus approprié. Ce que je ferai par la suite.

Eldorado fortress Lego grue

L’étape suivante est plus copieuse avec plusieurs petits bouts souterrains juxtaposés et la prison par-dessus.

Eldorado fortress Lego socle falaises rochers

Dans les entrailles du fort, une salle au trésor, avec coffre, lingots et de sac de pognon, mais pas de retour des piécettes dorées de mon enfance. On y accède via une trappe dans la cour… qui est hors de portée de la grue avec son bras trop court pour déposer son chargement direct dans l’orifice, un défaut déjà présent dans l’édition originale.
Plus loin, dans le prolongement de l’arche perdue sous la grue, un compartiment contient un squelette de pirate. La dépouille restera bloquée là ad eternam, faute d’accès pratique pour la retirer et la remettre. Dans le cadre d’une exposition, pas grave, mais pour jouer, relou. C’est le drame de ce set qui oscille entre deux publics et deux usages. Je pense que dans ma refonte à venir, je bricolerai soit un accès par l’arrière avec une charnière (pas évident à caser mais a priori faisable), soit je me contenterai d’un crâne et quelques os épars fixés au sol pour récupérer la fig et l’installer ailleurs.
Enfin, une espèce de grotte donne sur la mer, avec au fond des pièces arquées pour former… un toboggan aquatique. Inattendu, mais cet agencement invraisemblable de prime abord s’explique par la prison juste au-dessus : une trappe permet au prisonnier de s’évader en sautant dans le trou pour ensuite glisser dans l’eau. Cette trappe a d’ailleurs droit à deux tiles tampographiées pour figurer des planches, la super classe (et on se pose la question de pourquoi on n’a pas le même genre d’impression pour rendre les briques apparentes où l’enduit des murs a sauté).

Eldorado fortress Lego souterrains catacombes salle trésor

Même si on note un progrès avec l’installation de grilles aux fenêtres (absentes de l’édition 1989 où le prisonnier n’avait qu’à s’enfuir en passant à travers le cadre), la prison reste, comme souvent chez Lego, un gruyère. Une première issue, classique, pourvue d’une grille. La voie souterraine que je viens de mentionner comme possibilité d’évasion. Un pan de mur est amovible, moitié pour accéder à la trappe vers le dessous et moitié pour faire comme dans les westerns, la fameuse scène où un gars à l’extérieur tire sur les barreaux avec une corde et emporte avec lui tout un pan de mur de la cellule construite en bouse séchée. En prime, le toit de la tour est amovible. Maintenir un détenu en cabane sera donc mission impossible.

Eldorado fortress Lego cellule prison

Section intéressante à construire, fun avec ses bidules mobiles et ses machins cachés. Mis à part le ratage des briques bordeaux arrondies, remplacées ici par du blanc/jaune, parce qu’elles ne rendaient rien ni en l’état ni en briques droites, cette partie est beaucoup plus réussie que la prison originale, très simpliste.

Eldorado fortress Lego tour prison

Dernier livret et gros morceau au programme : toute la partie avant avec le ponton, la pente, la tour d’angle et les quartiers du gouverneur de la place.
Une fois terminé, le socle est une bonne grosse base massive, dont les fondations sont plus pauvres que celles des autres modules. Une petite caissette amovible contient une lettre cachetée, sans qu’on comprenne trop le sens d’aller camoufler son courrier dans un endroit pareil. Du pognon, je dis pas, il serait à l’abri, mais une enveloppe ?… Ailleurs, un affleurement rocheux supporte un tonneau dans lequel on trouve quatre tiles rondes 1×1 tampographiées d’une couronne : des monnaies royales. Je les caserai ailleurs par la suite, parce qu’elles sont jolies et ce serait dommage de les laisser moisir là-dessous.
L’accès qui mène à la porte est désormais tout en briques, quelques tenons çà et là permettent d’y faire tenir des minifigs, ce qui constitue un net progrès par rapport à l’ancienne pente savonneuse. Par contre, avant de finaliser l’installation de la rampe, je conseille de mieux solidariser entre elles les plates bleu flashy juste en dessous, qui tiennent en l’état par l’opération du Saint-Esprit. Quand on manipule le bloc pendant la construction, on sent bien que le point de jonction de ces plates s’enfonce, parce que maintenu par rien.

Eldorado fortress Lego socle fondations

Le ponton frontal, je l’aurais plutôt construit en marron qu’en noir, comme l’ont fait tous les MOC sur le sujet depuis des lustres. Le choix retenu par le designer pour le coloris est conforme à l’original, donc il se tient, mais en même temps pour une version qui se veut plus moderne, on n’en est plus là. C’est le souci de ce remake qui par moments ne sait pas trop où se positionner entre tradition et modernité. On modifie la couleur de l’eau mais pas celle des boiseries, sans qu’on comprenne les raisons qui motivent le changement ou la conservation de telle ou telle teinte.
Pour éviter de tout devoir démantibuler par la suite, j’ai aussitôt testé. Verdict sans appel, le marron passe beaucoup mieux que le noir, on continuera donc la construction avec une version déjà modifiée.

C’est là qu’on voit le rapport particulier aux couleurs dans cet univers de briquettes, tant côté Lego que côté AFOL. On est plus remué par un débarcadère noir plutôt que marron, alors que la teinte n’est pas délirante. Ce genre de structure exposée aux quatre vents, à l’eau de mer et à l’air salin tourne vite au marron foncé quasi noir. À côté de ça, on trouve normaux des murs jaune canari, alors qu’un ton sable (tan) serait mille fois plus crédible. Sauf que sans le jaune, on se dirait que c’est pas ça…
Les mystères de la palette chromatique sélective…

Eldorado fortress Lego ponton

À l’entrée, les grilles sont chouettes, mais n’arrêteront personne. Les portes pleines d’antan étaient plus appropriées. Par la suite, je décalerai les grilles du côté intérieur de l’entrée et à leur ancien emplacement l’installerai des portes en chêne massif.
Un paquet de râteliers à l’intérieur de la cour permettent de fixer tout un tas de trucs : clé de l’entrée, torche, armes. Ces dernières sont fournies à foison (3 pistolets, 8 sabres, 9 fusils sur l’ensemble de la boîte), on ne manquera donc pas de matos pour équiper la troupe et avoir encore du rab à accrocher aux murs. Les soldats disposent aussi d’un âtre pour réchauffer leur marmite de soupe, un petit plus qui vient s’ajouter à la table mentionnée supra pour apporter un peu de vie à ce bâtiment militaire. Le mobilier était absent du set 6276, à l’époque, fallait le fabriquer soi-même.

Eldorado fortress Lego muraille

Au rang des imperfections, je ne reviens pas sur le foisonnement de briques bordeaux arrondies merdiques.
On notera le petit escalier qui offre depuis le ponton un accès direct à la cour via une ouverture dans le mur. Ni porte ni grille, protection zéro, v’là les poliorcètes du dimanche. Une muraille percée vaut pas de muraille du tout, il faudra donc corriger ce point faible. L’ouverture était déjà présente dans la forteresse d’antan mais surmontée d’une arche dont on pouvait remplacer un des piliers par une brique à encoches munie d’une porte pour peu qu’on possédât la pièce. Là, c’est juste un trou avec pas grand-chose autour pour appuyer la pose d’un élément de fermeture et c’est plutôt au niveau de la section adjacente de la grue qu’il faudra apporter les modification nécessaires.
L’autre gros défaut de cette section du bâtiment se situe à hauteur d’un des piliers jaunes latéraux côté extérieur, fixé sur une pauvre plate 2×2 incapable de tenir en place.
Lego aligne 70 ans d’expérience dans la fabrication de briques, les mecs ne savent toujours pas que les rapiècements de plates font les pires socles du monde, surtout en les fixant sur deux tenons seulement. Sans déc, rien qu’en posant une malheureuse plate 1×3 par-dessus, y a déjà un mieux notable. Ça reste fragile, mais tout le flanc de la forteresse n’implose pas quand tu appuies un peu fort dessus. Bref, je sens qu’il va falloir poser une deuxième couche par en dessous sur tout le pourtour de la forteresse et sur toutes les jonctions de plates pour arriver à quelque chose de costaud qui ne perd pas des bouts par-ci par-là. Entre ce pilier, le fond de la pente, les avancées maritimes sur cette section, celle de la prison et celle de la tour arrière, ça fait quand même pas mal de points à renforcer d’urgence.

Eldorado fortress Lego renforcement pilier

Dernière ligne droite, le haut de la tour centrale, l’équivalent du donjon, comprenant les appartements du gouverneur, une plateforme équipée d’un canon et l’étendard.
“Appartements” est un bien grand mot pour une toute petite salle. IRL, l’occupant des lieux finirait écrasé par le recul de la pièce d’artillerie de la tour arrière qui donne directement dessus. On comprend qu’il n’y ait pas de lit – va dormir avec un canon de 12 livres qui tonne deux mètres à côté. Au moins, le gouverneur dispose d’un bureau avec carte, bougie et encrier là son ancien logis était vide.
Au rang des bizarreries, le canon tout en haut est fixé sur son pivot là où les deux autres sont amovibles et équipés de roues. Rien ne justifie cette différence de traitement au plan technique, on a juste une incohérence inexplicable. Dans un souci d’homogénéité de l’ensemble, j’ai harmonisé le canon avec ses confrères. Encore une fois, une chance que je possédais les pièces sous le coude.

Eldorado fortress appartements gouverneur

Là où on atteint un sommet de foutage de gueule, c’est au niveau de la fenêtre du bureau. Je tombe là-dessus…

Brique maçonnerie Lego bordeaux

Bon, je connaissais l’existence de la pièce. Il y en a même plusieurs en gris clair dans la base du fort. Par contre, je n’avais pas encore vérifié si ce coloris en particulier existait. Lego me fournit la réponse : oui.
C’est de la provocation, là.
Deux briques de ce type et de cette couleur sur la fin de la construction alors qu’il a fallu pendant tout le montage supporter des foutues pièces arrondies… Pourquoi ? Qu’est-ce qu’on vous a fait ? Qu’est-ce qui vous a empêché d’utiliser la même chose pour rendre la texture brique sur les murailles de la forteresse ? D’autant que tous les MOCS sur ce sujet se servent de cette pièce dans d’autres tons (gris clair, sable foncé, orange foncé, blanc…) et que, vérification faite à l’instant sur Briclink, elle existe en bordeaux depuis 2012. Donc venez pas dire “on savait pas” ou “on n’avait pas en magasin”. Vous la connaissiez, cette brique, vous les avez vus, les MOC. Et à la fin de votre premier jet, vous avez bien dû vous rendre compte que votre choix de l’arrondi était moche, non ?
Bref, j’en prendrai quelques-unes lors d’une prochaine commande sur Bricklink, histoire de voir si le rendu tient la route. Si oui, je m’en prendrai une fournée, merci le surcoût pour finir le boulot…
Si je ne regrette pas pour autant mon achat de la forteresse, cette expérience va me rendre très attentif pour mes acquisitions ultérieures, à éplucher listes de pièces et notices pour vérifier les choix de design, avec le risque que je n’achète pas certains sets que j’aurais pu être tentés de prendre d’après photo.

Donc un finish un peu mitigé à cause de la brique de la discorde.
La touche finale rattrape un peu l’ambiance : poser le drapeau au sommet de l’édifice, ça fait un petit quelque chose.

Lego Eldorado fortress modules

On se retrouve à l’arrivée avec une ribambelle de modules. Au choix, l’assemblage classique pour former grosso modo un carré fortifié, ou une des nombreuses combinaisons qui permettent de varier les plaisirs du jeu comme de l’exposition pour partir sur une architecture en U, en L, en WTF ou en ligne comme une espèce de Grande Muraille de Chine version défense côtière.

Eldorado fortress Lego remake 2023

Posée à côté de sa grande sœur, on voit que les deux font à peu près la même taille – un poil plus grande dans le cas de la nouvelle – et restent dans le même esprit architectural général. Au moins de loin. De plus près, la différence d’âge se fait sentir en défaveur de l’ancien modèle dont le côté brut et l’absence de finitions lui font prendre un coup de vieux.

Eldorado fortress Lego 1989 2023

Verdict

Si on résume, il s’agit d’une belle pièce, avec quand même pas mal de “mais”, ce qui est bien dommage sur un set aussi iconique et sur une boîte à 200 balles.

Au rang des petites déceptions :
– Les coloris pas toujours opti (jaune sur le bateau, ponton noir, mer fluo), plutôt faciles à changer, vu que j’ai pas mal de pièces détachées en réserve, mais si je ne collectionnais pas les Lego et que j’étais juste un adulte lambda achetant le set en mémoire de mon enfance, la déception serait un cran au-dessus.
– La tampographie imparfaite des figs impériales qui m’en touche une sans remuer l’autre, parce que j’en ai déjà plein d’autres d’époque, donc quelques-unes un peu moins jolies dans le lot, je ne suis pas à ça près, mais si je n’avais que les nouvelles, ce serait la douche froide.
– Les petites incohérences (i.e. deux canons sont amovibles, pas le troisième) qui font tache sur un set dont on attend qu’il soit parfait, à hauteur des promesses avancées par la marque.

Du côté des déception moyennes :
– La disparition du capitaine pirate, encore heureux que j’avais la fig, sinon c’eût été une énorme déception.
– Quelques points de fragilité, faciles à corriger parce que j’ai les pièces, mais ce genre de faiblesse est inadmissible de la part de gens dont le métier est de construire du solide et qui ne sont pas foutus de faire tenir deux plates ensemble, alors que c’est la base dans tous les sens du terme. Pire, ce défaut a tendance à être récurrent sur les sets qui partiront quoi qu’il arrive (cf. Forest Hideout). Ça ne marche qu’un temps le mode “osef de torcher le modèle par-dessus la jambe, ça se vendra de toute façon”. Surtout couplé à une hausse vertigineuse du prix des boîtes depuis une paire d’années. Tôt ou tard, Lego paiera son dilettantisme. Il le paye d’ailleurs déjà en termes d’image quand on lit sur les forums et blogs spécialisés ce que les uns et les autres pensent de la marque, de son orientation, de sa politique de prix, des sets eux-mêmes. Là, c’est l’image, un jour viendra où ce sera le chiffre d’affaires. Entre les concurrents et les contrefaçons, les clients ont l’embarras du choix pour se procurer de la brique, avec une facilité déconcertante grâce au commerce en ligne (qu’on n’avait pas à l’époque, en 1989) et avec des marques d’excellente qualité (Cobi, par exemple). Donc les défauts structurels sur du jeu de construction, t’as plutôt intérêt à éviter si tu veux rester au top.

Sur le versant des grosses déceptions :
– Les briques bordeaux de l’enfer.

Si on se penche sur les plus :
– Le soubassement n’est pas qu’un socle grâce à tous les petits recoins qui le meublent et l’habillent.
– L’équipement général du fort et les détails de la vie quotidienne des soldats (les sacs et tonneaux, la popote, le bureau du gouverneur), inexistants dans la version d’origine.
– L’amélioration de l’existant, comme la pente qui peut enfin accueillir des figs, la prison avec ses fenêtres grillagées, sa paille et ses possibilités d’évasion, les finitions de l’enceinte (lissage de la muraille et des créneaux), l’arrière plus développé avec une tourelle supplémentaire, et certains détails modernisés (les torches, par exemple, passent de très symboliques à très réalistes).
– Le bateau n’existait pas dans la version originale et, sans compenser l’absence actuelle de gamme Pirates, permet quand même d’étoffer le contenu et les possibilités.

Bilan, ben si j’avais dû me contenter du set en l’état, sans avoir du stock de briques pour apporter des corrections, et sans avoir de base prévu de le modifier pour pondre une version maison, ces déceptions plutôt mineures dans l’ensemble me seraient restées en travers de la gorge bien comme il faut.
Parce que ça fait quand même pas mal de défauts pour un set vendu comme un objet de collection, au tarif correspondant mais sans que la qualité suive dans les mêmes proportions. Ce qui penche vers le favorable doit pour l’essentiel à la comparaison avec l’ancien modèle, qui est aujourd’hui dépassé. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. La plupart des points que j’ai trouvés chouettes sur ce set ne le sont que parce qu’ils étaient absents de la version 1989. Aujourd’hui, ces points ne sont jamais que les standards des modèles Lego actuels. Les formes de briques plus variées et plus détaillées, les finitions, les tiles pour lisser, le mobilier pour décorer l’espace, c’est juste normal en fait. En soi, ce set est un Lego de maintenant comme un autre.

Lego Icons 10320 Eldorado fortress 2023

Donc y a pas photo, cette remasterisation est meilleure et bien plus riche que l’antiquité de 1989. Après, elle reste en dessous de ce que Lego aurait pu faire et de ce qui est possible en 2023, à commencer par, excusez-moi d’insister, du bois marron et des briques apparentes plus crédibles – une tampographie a existé, une pièce existe, c’était pas compliqué de faire mieux que les arrondis foireux proposés. Le set a parfois du mal à se déterminer entre l’ancien et le moderne, ainsi qu’entre les deux publics et fonctions qu’il vise (adulte/expo, enfants/jeu). En plus, j’appartiens au troisième public (adulescent bidouilleur).
Il n’en reste pas moins que le set est réussi dans l’ensemble, pas ruineux par rapport à son contenu, au temps de construction qu’il nécessite et au résultat obtenu. Il devrait pouvoir convaincre ceux qui ont connu les Lego du siècle dernier en général et cette boîte en particulier, soit parce qu’ils l’ont eue, soit parce qu’ils l’ont voulue sans jamais l’avoir. Quant à savoir s’il convaincra la génération actuelle, c’est une autre tisane. Ce set ne propose rien que Lego ne fasse déjà sur toutes ses boîtes un peu conséquentes, à savoir des tonnes de briques et plein de détails. Ni plus, ni moins. C’est plutôt au niveau du thème que la séduction opérera : les pirates, ça marche toujours.
Si vous cherchez à retrouver la forteresse de votre enfance, ce remake en reste assez proche pour que vous y trouviez votre compte. Peut-être trop proche pour ceux qui voudraient un peu plus qu’une édition actualisée. Quand on voit ce qui a été fait avec le château du Lion l’an dernier et ce qui existait en gamme Pirates dans les années 90 (en plus de l’Eldorado fortress, l’Imperial Trading Post et quelques petites boîtes de tours de guet et avant-postes), il y avait moyen de proposer une forteresse impériale inédite condensant tout ce qui était sorti sur le sujet, à la fois originale et dans les clous de l’ancien. Après, pour les rétifs à investir 200 balles là-dedans et ceux qui voudraient une bâtisse qui n’ait pas un air de déjà-vu, c’est pas bien compliqué d’en monter une soi-même : n’importe quelle construction fortifiée remplit cet office pour peu que ses murs se composent de briques jaunes et blanches.

En dépit de quelques soupirs devant certains défauts qui auraient pu (donc dû) être évités, j’ai pris plaisir à (re)monter la forteresse de l’Eldorado, plaisir quelque peu biaisé par les souvenirs d’enfance qui remontaient pendant la construction. Si je ne l’avais pas eue gamin, cette bâtisse, le montage aurait été sympa mais pas autant. En même temps, c’est la raison d’être de ce set : le souvenir.
Et comme les souvenirs ça se fabrique pour se les rappeler plus tard, je vais m’en préparer une fournée pour mes vieux jours en tripatouillant ce set qui risque de ne plus trop ressembler à ce qu’il est censé être quand j’en aurai fini avec lui.

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