La théorie du chaos – qui n’a rien à voir avec un traité de boxe –, tout le monde en a une vague idée avec la popularisation de l’expression “effet papillon” via des travaux scientifiques de renom comme Jurassic Park et Retour vers le futur. En substance, un papillon qui pète en Australie peut déclencher l’apocalypse sur Pluton par le biais d’un enchaînement complexe et exponentiel de causes-conséquences (ce qui n’est pas vraiment l’effet papillon mais c’est ce qu’en a retenu l’imaginaire collectif). Voilà pour les grandes lignes de la théorie qui, de Diderot à Lorenz en passant par Bradbury (Un coup de tonnerre), nous vaut d’être envahis de lépidoptères plus puissants qu’une horde de super-héros dopés à l’uranium enrichi.
Le vacarme du papillon
Éric Chavet
L’Atelier Mosésu
Quand je lis “effet papillon” à propos d’une intrigue de roman, je deviens méfiance et circonspection. Moitié parce que mon dossier psychiatrique porte la mention “paranoïa aiguë”, moitié parce le thème est souvent mal traité (en un ou deux mots).
Combien de fois ai-je lu des histoires où les causes-conséquences défiaient la crédibilité, la vraisemblance et/ou la logique ?… Tu sais, quand tu sens que l’auteur force pour rentrer le machin carré dans le trou rond ? Inutile de chercher une métaphore sexuelle, je te parle de ça :
Le vacarme du papillon, en dépit de son titre, lie en douceur et avec discrétion les personnages, les événements, les éléments, des temps forts aux rencontres les plus anodines.
Bien sûr, si tu t’amuses à tracer le schéma d’ensemble sur papier, tu vois l’artifice littéraire, l’édifice construit de A à Z pour coller à la théorie. Mais pendant la lecture, tu te laisses porter par le flot sans voir les sutures entre les pièces. Pas de liens superflus ou chargés exprès, pas de grosses ficelles, pas de néon pour marquer l’astuce. Jamais l’auteur n’appuie la construction pour te montrer à quel point il est malin, architecte discret qui s’efface derrière son œuvre.
J’ai déjà pas mal disserté sur la collection Parabellum (Pink Konnexion de Lucienne Cluytens, Le champ des sirènes de Claude Vasseur, Été pourri à Melun Plage de Nicolas Duplessier), le petit dernier n’a pas à rougir de la comparaison avec ses aînés.
En y repensant… Je vais carrément me reposer là tout de suite. Pause bien méritée, crois-moi. Laissons plutôt la parole au directeur de collection qui a eu le nez creux dans ses sélections.
“L’une des raisons qui m’ont poussé à accepter ce texte, c’est cette impression, dans les premiers chapitres, de lire du Frédéric Dard, époque Le tueur en pantoufles : une écriture alerte, presque guillerette, évoquant le quotidien bonhomme de truands à la petite semaine. Jusqu’à ce que le patelin laisse la place au tragique, et que la marche du monde, funeste et grotesque, enclenche tous ses rouages.
La deuxième raison, c’est l’humanité qu’Éric Chavet donne à chacun de ses personnages, aussi minimes soient-ils. De vrais portraits, touchants et en nuances, qui font qu’on n’oublie aucun de ces caractères.
Enfin, l’écriture de l’auteur est d’une extrême qualité. On sent le soin porté au choix de chaque mot, le travail d’orfèvre dans le style, des phrases pesées et repesées à la virgule près.”
Mon avis est le même. Construction excellente, personnages marquants et écriture agréable. Il a tout dit, le reste ne serait que paraphrase et fatigue inutile.