Jurassic Park – Michael Crichton

Michael Crichton, comme Robert Ludlum ou Graham Masterton, fait partie de ces auteurs surcotés, dont on se demande toujours comment leurs bouquins ont pu se vendre sur la base d’un festival de clichés et d’incohérences, d’une narration mécanique et prévisible, d’une maîtrise inexistante du rythme entre longueurs et frénésie, et d’un style qui se contente d’aligner des mots de la façon la plus neutre possible et où chaque phrase pourrait donc être de la main de tout le monde et n’importe qui.
Jurassic Park, c’est tout le cocktail condensé dans un seul bouquin. Pas mauvais mais loin d’être bon et à peine moyen.

Jurassic Park
Michael Crichton

Pocket

Couverture roman Jurassic Park Michael Crichton Pocket

Réglons d’emblée le cas du film éponyme réalisé par Steven Spielberg en 1993 : il est bien meilleur que le roman. Autant dire que si vous avez vu la version ciné, dispensez-vous de son ancêtre de papier. Et si vous prévoyez de lire le bouquin avant de mater le film, bah gagnez du temps en vous posant devant l’écran.
Après, le film n’est pas exempt de critiques non plus, avec ses personnages Bisounours, sa happy end et son absence de questionnement sur quoi que ce soit. M’enfin, il fonctionne comme divertissement et a le mérite de ne pas être ennuyeux, bien rythmé d’un bout à l’autre.
Spielberg a su bien réinterpréter l’œuvre originale, en s’autorisant pas mal de modifications, surtout au niveau des personnages et de leurs relations (i.e. dans le film, John Hammond est un pépé sympathique qui veut offrir du rêve et de la joie aux enfants, alors qu’il est un vieux con cupide dans le bouquin). Il a aussi sabré certaines scènes, qui finiront recasées plus tard soit par lui-même dans Le monde perdu (assez moyen), soit par Joe Johnston dans Jurassic Park 3 (nase).
Notez que la franchise n’est dans son ensemble pas bien terrible. Mis à part le premier, la qualité part vite en sucette dès le second pour disparaître au troisième. Quant aux trois Jurassic World qui prennent le relais, comment dire ?… Tellement en-dessous de tout qu’on manque de mots pour exprimer à quel point ils sont à chier.

Seul point où le roman se montre meilleur que le film : il prend plus de temps pour installer son contexte. Bon alors chez Crichton c’est trop, mais chez Spielberg c’était carrément pas assez pour ne pas dire torché (ben oui, pourquoi perdre du temps à mettre en place un récit quand l’objectif est de faire son cake avec ses effets spéciaux ?).
Le plus gros défaut du bouquin, c’est de se paumer dans de longs passages dont on n’a rien à foutre, soit plus ou moins la moitié des pages. En vrai, Jurassic Park, c’est une grosse nouvelle augmentée de tout un baratin explicatif pour atteindre le format d’un roman.
Sauf que c’est chiant.
Comme disait Arthur à Perceval, “On bite rien et en plus on s’en fout ! Vous vous lancez trop dans les explications”. Alors qu’un bon auteur, lui, il va pas te bassiner avec des pleins chapitres d’exposés paléontologiques, graphiques, tableaux et tout l’arsenal universitaire. Déjà, il va faire court, parce qu’il n’écrit pas un traité de paléontologie et se limitera à ce qui va nourrir son histoire. Il trie. Il ne balance pas toute sa masse documentaire pour montrer qu’il a bien travaillé. Et surtout, sa doc, il l’incorpore à son récit, il ne te la colle pas en mode magistral dans la bouche de tel personnage, procédé qui pue l’artifice grossier estampillé “JE LE METS LÀ POUR QUE LE LECTEUR IL COMPRENNE BIEN”. On le voit tellement que le personnage ne parle pas à un autre protagoniste mais s’adresse en vérité au lecteur qu’on dirait une note de bas de page qui aurait glissé dans le corps du texte.
Donc Crichton, qui ne sait rien faire de tout ça, te déverse des brouettes d’info. C’est du remplissage, long, qui ne sert à rien, dans une histoire qui n’avance pas.
On en dira autant des explications pseudo-scientifiques. Si Crichton a au moins fait l’effort d’avoir voulu les rendre vraisemblables, il se tire une balle dans le pied en s’étalant dessus comme un malade. Sauf que plus tu en dis, plus tu risques de sortir des conneries, surtout quand de base les explications sont bidon. Que tout soit du flanc ne pose pas problème, c’est de la SF, donc comme son nom l’indique de la fiction, on a le droit. Mais l’édifice ne peut tenir debout que si tu ne te lances pas dans une construction en mode gratte-ciel. Pour rester crédible, faut rester vague. Dès lors que tu rentres dans les détails sur des pages et des pages, tout ne peut que s’effondrer sous le poids du n’importe quoi. Et en plus là aussi, c’est ennuyeux parce que trop long pour ce que ça raconte.
Pour couronner le tout, Crichton en reste à un questionnement très basique sur la science, la génétique, les savants fous et apprentis sorciers, rien qui dépasse le niveau du philosophe en herbe livrant une dissertation superficielle et pas très inspirée. En ce qui concerne l’industrie du divertissement, les parcs à thème et l’emploi d’êtres vivants comme attractions, zéro pointé.

Le résultat donne un roman creux qui souffre de gros problèmes de rythme, avec un démarrage à deux à l’heure qui n’en finit pas de t’expliquer des trucs et des machins inutiles, pour enfin entrer très tard dans l’action proprement dite… qui ne casse pas tant de briques non plus au final. Si chaque scène prise en tant que telle fonctionne, on n’en dira pas autant de leur enchaînement, mécanique, prévisible, structuré et formaté comme un scénario de blockbuster, calibré au poil de fion donc sans surprise. Avec en prime le lot de clichés habituels, genre l’histoire se déroule sur une île, donc y a une tempête qui se prépare pour empêcher tout le monde de se barrer. L’éternelle tempête qui bloque les personnages sur l’île de tous les dangers, oh ben ça c’est original…

Donc ben, regardez le film plutôt.

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