Le couvent infernal – Ignacio Noé & Ricardo Barreiro

Le couvent infernal
Ignacio Noé & Ricardo Barreiro

Dynamite

Après Vices et novices de Pitek, on s’offre une nouvelle retraite religieuse au Couvent infernal, une BD érotique de Noé et Barreiro avec du mythe de Cthulhu dedans, mais pas que, les sources d’inspiration de cet album étant nombreuses, du Nom de la Rose à L’Exorciste en passant par le hentai démonico-tentaculoïde (très Bible Black spirit avant l’heure).

Le couvent infernal Ignacio Noé Ricardo Barreiro Dynamite

En 1951*, des nonnes découvrent une porte secrète dans les tréfonds de leur couvent. En l’ouvrant, elles libèrent Belzébuth et c’est une tout autre ambiance qui s’installe en ce lieu de recueillement. Fini de prier, l’heure est à la sodomie avec le démon, au broutage de minou et aux cierges plantés dans l’oignon.

*Et pas 1851 comme dit la quatrième de couverture : on peut voir une voiture p.51 et un avion p.60. Certaines versions de la BD mentionnent la bonne date dans le cartouche de la première case p.1.

Une première moitié d’album excellente qui prend le temps d’installer les lieux, l’ambiance, le personnage de la mère supérieure (stricte en apparence mais très portée sur la masturbation), le mystère de la porte et son ouverture, le tout avec un petit parfum lovecraftien, comme en témoignent les mentions de Shub-Niggurath, d’Azathoth et du Necronomicon.
Le tiers suivant est trop rapide. Plutôt qu’une influence pernicieuse progressive qui permettrait de voir petit à petit les nonnes virer nymphomanes et caser quelques petites saynètes olé-olé – ce qui est le principe de ce genre de littérature –, Belzébuth se lance cash dans une orgie XXL et ce qui aurait dû être le climax ne sera au final qu’une scène de gaudriole vite expédiée et frustrante à la lecture.
Ensuite, le scénar part en roue libre et sent l’impro autant que la précipitation. Le segment avec les exorcistes aurait gagné à être développé, à montrer les nonnes faisant bonne figure pour donner le change, à instiller les soupçons chez les exorcistes. Non, le passage est hyper frontal, les nonnes leurs sautent dessus, leur siphonnent le chapelet et l’affaire est vite torchée. S’ensuit un chapitre hors sujet avec un couple de jeunes mariés qui débarquent au couvent. Utilité zéro, neuf pages gâchées qui auraient été mieux employées à construire la montée en puissance de la dépravation au sein du couvent après la libération de Belzébuth.
Quant à la fin, expédiée aussi en quatrième vitesse, et on ne sait trop que penser du comique qu’elle renvoie : intentionnel ou involontaire ? Perso, le commando de choc de Templiers parachutistes armés de lance-flammes m’a plutôt fait marrer qu’autre chose, zéro pour la tension dramatique. Des Space Marines envoyés par le Vatican, pourquoi pas, sauf que si l’outrance était voulue pour créer un effet comique, le résultat se révèle trop en décalage avec toute l’histoire qui précède, certes teintée de pas mal de notes d’ironie mais pas d’humour à proprement parler.

Lecture en demi-teinte, donc. On sent que le duo Noé-Barreiro est rodé aux histoires courtes à destination des magazines et beaucoup moins au format long. Format long qui est aussi publié par ces mêmes magazines en feuilleton, commandé par petits bouts tous les mois, avec souvent pour résultat des œuvres où l’histoire part a) d’une bonne idée mais b) sans ligne directrice claire, et où le scénariste improvise au fur et à mesure en fonction de l’inspiration du moment, qui doit couvrir x pages pour le prochain numéro. D’où l’impression générale de récit décousu, à sketches, avec des segments pas assez développés, d’autres sortis de nulle part, et des fins pliées à la va-vite pas souvent à la hauteur des attentes. Contrainte éditoriale qui a façonné les auteurs et se ressent à plein sur l’écriture du Couvent infernal et c’est dommage parce qu’on sent que le scénariste et le dessinateur ne manquent ni d’idées, ni d’inspiration, ni de références. Captifs de leur expérience du court, ils ne maîtrisent pas le format long, l’album d’un bloc, avec un début, un milieu et une fin qui se tiennent. Après, c’était aussi leur premier album, ceci explique cela, la mouture originelle comporte toujours des défauts.
Reste une BD au style graphique accrocheur, qui vaut surtout pour sa première partie très réussie et, en imaginant soi-même un autre scénar, pour ce qu’elle aurait pu être dans sa seconde moitié.

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