Le bazar des mauvais rêves – Stephen King

Le bazar des mauvais rêves
Stephen King
Le Livre de Poche

Couverture Le bazar des mauvais rêves Stephen King Albin Michel
En prime, je t’offre une recette de cuisine sur la quatrième !

Un recueil de nouvelles pas génialissime(s) selon que tu accordes avec l’un ou avec l’autre. Pas de nouvelle qui m’ait scotché, ça se laisse lire et je ne doute pas que j’en aurai oublié les trois quarts d’ici à quelques mois.
Aucun risque de faire de “mauvais rêves”, l’horreur pointe aux abonnés absents et beaucoup de textes ne relèvent pas du fantastique.  Certes, on peut se taper des cauchemars par le biais d’autres genres, mais quand tu vois le titre, la couv’, le nom de l’auteur et les trois nouvelles mentionnées en quatrième, tu t’attends à du fantastique et de l’épouvante.
Là où le recueil porte bien son titre, c’est au niveau du “bazar” : il n’y a aucune unité. Au mieux, quelques textes se relient autour du thème de la vieillesse et du rapport familial entre l’ancienne et la nouvelle génération. De fait, étant trop vieux ou pas assez, ils ne m’ont pas parlé. Idem les nouvelles qui gravitent autour de la picole. Mes années arrosées remontent à la fac, j’ai fait le tour de la question il y a un bail.

Les mauvais rêves de King se présentent comme des tranches d’histoires. Peu de nouvelles à chute, et c’est tant mieux, parce qu’on voit la fin arriver à chaque fois.
J’ai lu à peu près toutes les nouvelles de King, j’ai peut-être acquis un sixième sens, genre de connaissance intuitive de ses procédés d’écriture. Ou peut-être que certaines sont juste prévisibles à mort (La dune, Sale gosse, À la dure, Mister Yummy, liste non exhaustive). Toujours est-il qu’on ne va pas de surprise en surprise mais de “je m’en doutais” en “je le savais”.
Plusieurs nouvelles m’ont paru trop longues pour ce que c’est faire. Jimmy Barrage, vu mon amour du base-ball… Le développement de Mile 81 et sa voiture qui engloutit des gens est répétitif. Ça, pour manger, elle mange ! Avant de faire pshit pour cause de dénouement expédié en quatrième vitesse. Y avait-il besoin de remettre le couvert après Christine et Roadmaster ?… Sale gosse et Morale auraient pu tenir sur moitié moins de pages.
Dans la série “aurait pu”, Nécro contient les germes d’une réflexion sur le pouvoir mortel de l’écriture et sur la presse tabloïd qui s’emploie à détruire les gens… mais s’arrête en cours de route. Ur avait de quoi être un excellent récit à la fois sur les nouvelles habitudes de lecture (le numérique) et les univers parallèles. Elle se résume  finalement à une pub pour Amazon et son Kindle. De la bonne SF transformée en mauvaise propagande.
À l’arrivée, c’est plein de bonnes idées, plein de potentiel, mais tu restes sur l’impression que rien n’est exploité à fond. Du “oui mais” en permanence. Le brouillon des mauvais rêves.

Surtout, ce qui m’a le plus gêné, c’est une impression de vide. Contes sans morale, récits sans thème ni idée maîtresse, historiettes “à la manière de” qui ne ressemblent ni à du King ni aux auteurs pastichés. Des histoires pour l’histoire, avec rien derrière, sur des sujets pas toujours passionnants (Jimmy Barrage, à moins d’être fan de base-ball…) ou déjà mille fois traités en mieux (le cas de conscience de Morale). J’ai passé ma lecture à me demander ce que chaque histoire essayait de me dire, sans obtenir de réponse la plupart du temps.
La palme revient à Premium Harmony, nouvelle qui ne parle de rien, ne raconte rien, ne présente aucun intérêt. Feux d’artifices imbibés est un texte un peu long mais plutôt rigolo, qui m’a plu… mais dont je cherche encore la finalité. Pas assez marrant pour que le rire se suffise à lui-même. Quant au propos… l’alcool fait faire des conneries ? la course aux armements est une rivalité débile qui ne peut que mal finir ? Merci de l’info, Steve, on ne savait pas.

Même les personnages témoignent d’un je-m’en-foutisme général. Qu’on n’ait pas tout un tas d’explications sur le pourquoi du comment, ça me va, je peux faire travailler mon imagination. C’est un peu l’idée du fantastique, du surnaturel et de l’irrationnel. Mais quand même ! Faut un minimum sur quoi s’appuyer, qui passe souvent par les interrogations des personnages auxquels s’identifie le lecteur. Ici, les personnages ne (se) posent jamais de questions. Des choses étranges arrivent. Ceux qui y sont confrontés font avec sans chercher plus loin. C’est comme ça pis ch’est toute.
Pourquoi le Sale gosse court après le narrateur ? Le principal intéressé s’en cogne et botte en touche quand son avocat lui pose la question. D’où sort la boîte à gâteaux de Cookie Jar ? Mystère et tout le monde dans la nouvelle s’en bat les noix avec une raquette de jokari. Et les noms sortis de nulle part dans La dune ? Et les articles qui tuent dans Nécro ? Et la tête, alouette.
L’absence d’explication définitive ne me choque pas. L’absence d’intérêt des personnages sur ce qui leur arrive, si. Le pourquoi et le comment ne semblent jamais leur venir à l’esprit, ils ne cherchent pas à savoir, ne hasardent aucune hypothèse. Comme si ça n’avait aucune importance, comme si, faute d’avoir la réponse servie en même temps que le problème, les protagonistes étaient dispensés de chercher. Sauf que ce procédé ne crée ni mystère ni angoisse, juste du vide. Pour fonctionner, le mystère doit reposer sur l’absence de quelque chose, pas sur la présence de rien.

Les notices de l’auteur, à l’image des textes, apportent leur lot de géométrie variable, entre éclairages sur les sources d’inspiration, réflexions pertinentes sur l’écriture, anecdotes 3615 MaLife, radotages dispensables. En version longue et plus intéressante, je conseille Écriture, Mémoires d’un métier.

Le talent de conteur du père King relève le recueil. Mais bon, quand on voit arriver la chute et que, dans le même temps, on ne voit pas où l’histoire veut en venir dans son propos, le pur exercice de style ne suffit pas pour contenter le lecteur. Enfin le lecteur en général, je ne sais pas, mais moi non, il m’en faut plus.
Sans être mauvais, Le bazar des mauvais rêves est juste quelconque et pas fini. Le bon côté, c’est qu’on travaille son imagination, à réécrire dans sa tête chaque nouvelle pour qu’elle tienne un peu plus debout. Donc pas du temps perdu, même si on venait à la base chercher des récits aboutis.
Il n’y a vraiment que deux nouvelles à m’avoir emballé : Batman et Robin ont un accrochage (pas géniale niveau écriture, prévisible, mais résonance personnelle et subjective) et Le tonnerre en été (du King à son meilleur niveau). Deux sur vingt-et-une… pas mon meilleur investissement.

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