Critiques express (65) Virée médiévale

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Après la visite de Montaillou, après la rencontre avec les moines clunisiens de Pacaud, les alchimistes de Huttin, les guerriers de Contamine et leurs héritiers, on repart pour une nouvelle tournée au Moyen Âge avec quelques lectures de plus.
Pour des ouvrages moins orientés Bac+ et axés sur la vulgarisation jeunesse, rendez-vous dans le deuxième volet de l’exploration médiévale.

Le Moyen Âge en Occident Michel Balard Jean-Philippe Genet Michel Rouche Hachette

Le Moyen Âge en Occident
Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche

Hachette

La collection s’intitule Histoire Université, sans surprise ce manuel est destiné aux étudiants de la discipline. Cela dit, tout le monde a le droit de le lire, c’est pas obligé d’être inscrit en fac d’histoire pour pouvoir l’acheter. L’ouvrage a le mérite d’être abordable tant au niveau du tarif que du contenu.
Alors c’est sûr qu’en trois cents et quelques pages pour couvrir dix siècles d’histoire européenne, il n’est pas question d’entrer dans le détail et le bouquin doit survoler les thèmes pour n’en retenir que les orientations générales et les synthétiser. Pour aller plus loin, chaque chapitre comporte une bibliographie qui permet d’approfondir, mise à jour au gré des rééditions pour inclure l’historiographie plus récente et ne pas rester sur des références dépassées.
Si vous cherchez un bon bouquin proposant une vision claire, concise et rigoureuse de la période, qui ne soit pas accessible qu’aux spécialistes tout en se positionnant un cran au-dessus de la vulgarisation lambda et simpliste, ce manuel est un excellent choix, parmi les meilleurs.

Les relations des pays d'Islam avec le monde latin Georges Jehel Philippe Racinet éditions du Temps

Les relations des pays d’Islam avec le monde latin
du Xe siècle au milieu du XIIIe siècle
Georges Jehel & Philippe Racinet

Éditions du Temps

Le titre a été une question au programme du CAPES et de l’agrégation. Le bouquin est assez symptomatique d’une certaine approche de l’histoire par le biais des concours. À savoir un grand vide stérile.
L’histoire à concours ne questionne rien. Elle te pond un sujet qui ne manque pas de résonances contemporaires pour mieux ne rien en faire. C’était en 2000, après la guerre du Golfe de 1990-91, pendant la décennie noire (1992-2002) de la guerre civile algérienne qui avait débordé de ses frontières et a vu en France la naissance du plan Vigipirate, juste avant le 11-septembre… et rien. La question se contente d’être un sujet de concours, qui te demande d’ingurgiter vingt-cinq tonnes de connaissances à reclaquer dans tes dissertations pendant les épreuves, et basta pour la compréhension du monde qui t’entoure, pourtant héritier sur le temps long de tous ces vieux machins du temps jadis.
Chaque question voit la sortie de manuels écrits et publiés à la hâte sitôt les sujets connus. Des bouquins plus ou moins corrects, avec plus ou moins de coquilles, mais dans l’ensemble des trucs moyens, parce que pas le temps de produire du boulot chiadé, et pas le temps parce que la concurrence est rude, faut être le premier à sortir son manuel pour en vendre un max avant les autres éditeurs sur le créneau. Et ensuite plus personne ne revient dessus vu la masse bibliographique sur le sujet. À l’arrivée, on a des bonnes questions, mais rien de valable dessus.
Donc celui-ci ne fera pas exception à la règle. Correct sans faire d’étincelles. Balaye le sujet comme il peut et pas il devrait. S’angle davantage sur les relations du monde latin avec les pays d’Islam, dans cet ordre, ce qui n’a pas du tout le même sens. On t’y parle donc beaucoup de ce fameux monde latin (en gros l’Europe occidentale à travers le Saint Empire et ce qui correspond aujourd’hui à la France, l’Espagne et l’Italie). Par contre, les terres d’Islam, t’as plutôt intérêt à aller chercher de l’info dans des titres qui leur seraient spécifiquement consacrées.
Vu la période, le relationnel est beaucoup marqué par les croisades numéro 1 à 9 (1095-1272). Là aussi, si on ne peut pas manquer de parler de la question qui est au cœur du sujet, est-ce que ça valait le coup de s’étaler autant ? Vu la biblio sur les croisades, une synthèse et un renvoi vers les titres phares auraient suffi, pour mieux se concentrer sur le reste (commerce, sciences, influences architecturales…). Parce que c’est un des intérêts de ce genre de questions : amener les étudiants à voir la globalité et les aspects méconnus d’un thème, pas juste leur resservir le blockbuster qu’ils connaissent sur le bout de doigts.
Donc pas un mauvais bouquin ni un feu d’artifice extraordinaire, un manuel moyen, comme l’essentiel de la littérature de concours.

Les sociétés en Europe occidentale au haut Moyen Âge

Les sociétés en Europe du milieu du VIe à la fin du IXe siècle
Jean Heuclin, Georges Jehel & Philippe Racinet

Éditions du Temps

Deux salles, deux ambiances pour une même question de concours dont l’intitulé complet excluait de l’Europe “les mondes slave, byzantin et musulman” et dans la pratique le monde scandinave a suivi le même chemin. Restent donc l’aire germanique, les Anglo-Saxons et le monde latin (les futures France, Italie et Espagne – avant la conquête arabe pour cette dernière). Donc plus ou moins les mêmes coins que d’habitude dans cette manie d’exclure tout ce qui sort des sentiers battus.
Bref, pour démarrer, on se penche sur le manuel sorti aux Éditions du Temps, dont on ressort sur un classique “mouais”, comme le précédent, comme un autre dont j’avais parlé tantôt sur la guerre en Grèce. Ce manuel médiéval est le moins bof des trois mais loin d’être exceptionnel. Si on s’intéresse au monde franc et en particulier à l’empire carolingien, ça va. Sorti de là, tous les autres se contentent de faire de la figuration, parents pauvres vite expédiés.

Les sociétés occidentales du milieu du VIe à la fin du IXe siècle
Philippe Depreux

Presses Universitaires de Rennes

La version de Philippe Depreux est une excellente synthèse, très riche notamment sur les mondes germanique et britannique. Revers de la médaille, il demande au lecteur de disposer de solides connaissances sur le haut Moyen Âge avant de s’embarquer à bord. Le néophyte sera quant à lui très vite largué. On est donc moins sur un manuel de concours censément accessible que sur un titre qui s’adresse aux étudiants médiévistes qui envisagent de se spécialiser sur la période et le sujet. C’est aussi ce qui en fait un ouvrage plus durable que 99% des publications CAPES/agreg périssables dès la fin des épreuves, il reste une somme complète des années après.

Publié le Catégories Critiques express

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