Après “Aux armes !”, L’art de la guerre de Machiavel et celui de Sun Tzu, voici le quatrième et dernier volet de mes lectures militaires. Enfin “dernier”… S’il est aussi définitif que la der des ders, on risque de reparler souvent du sujet… Mais bon, on va marquer une pause, le temps de reconstituer nos forces avant de remonter au front, baïonnette au canon.
Objectifs tactiques de l’assaut que nous menons aujourd’hui :
– L’art de la guerre par l’exemple (Frédéric Encel)
– Anthologie mondiale de la stratégie (Gérard Chaliand)
– Histoire de l’armée allemande 1939-1945 (Philippe Masson)
– La guerre au Moyen Âge (Philippe Contamine)
L’art de la guerre par l’exemple
Frédéric Encel
Flammarion
Encore un bouquin qui demande des yeux de sniper, à croire que c’est un principe en littérature militaire… À force de s’user les yeux sur des polices de caractères minuscules, on va finir par ne plus voir arriver l’ennemi…
L’ouvrage s’articule en deux parties : les hommes (au nombre de 25), les batailles (au nombre de 39). Pour les premiers, un classement en trois étiquettes : théoriciens, stratèges (pour la grande échelle) et/ou tacticiens (sur le terrain). Quant aux secondes, on les trouvera rangées en décisives, mythiques et/ou légendaires. Comme toute sélection et toute classification, celles-ci peuvent prêter à discussion. Après, vu l’ampleur du sujet, l’exhaustivité relève de l’exercice impossible, sauf à écrire une somme de 10000 pages. L’art de la guerre par l’exemple se pose d’abord en ouvrage d’approche, à compléter avec d’autres recueils procédant d’un esprit identique, comme l’Anthologie mondiale de la stratégie de Gérard Chaliand.
Gros avantage de l’ouvrage, il va à l’essentiel en proposant des fiches synthétiques. C’était bien pratique à l’époque de sa sortie en 2000, quand Wikipedia n’existait pas. Aujourd’hui, l’accès à ce genre d’informations et d’analyses est beaucoup plus facile, mais ça n’en reste pas moins un bon bouquin.
Anthologie mondiale de la stratégie
Gérard Chaliand
Robert Laffont
Je citais Chaliand dans la notice précédente, tout en parlant d’une somme de 10000 pages, ben on n’en est pas loin avec cette Anthologie mondiale de la stratégie. Achtung, pavé ! Volume de 1500 pages, une arme en soi ! Dans les 150 auteurs pour environ 170 extraits, avec malgré tout quelques trous, certains expliqués en intro, d’autres plus mystérieux. Pas de Moyen Âge européen, pas de Japon féodal ou post-Meiji, dommage. On ne jettera pas la pierre à Chaliand concernant l’absence de l’Afrique subsaharienne et de l’Amérique précolombienne, les sources d’époque font défaut.
L’anthologie obéit à un principe simple : un découpage chronologique de la plus haute antiquité à nos jours, sur une articulation mi-temporelle mi-spatiale (Grèce et Rome, Byzance, Chine, Asie centrale, Europe découpée par siècle du XVe au XXe, ère nucléaire…). Hormis une brève notice pour situer chaque extrait et son auteur, du texte d’époque et rien que du texte d’époque pour donner un panorama complet de la stratégie à l’échelle du globe depuis la première mention d’une guerre qui nous soit parvenue.
Parmi les auteurs cités, on trouvera les classiques Xénophon, César, Sun Tzu, Vauban, Napoléon, Jomini, Clausewitz, Rommel, Guderian… Au côté des ces têtes d’affiche habituelles, beaucoup d’extraits et d’auteurs rares, qui sortent des tartes à la crème gréco-romano-européano-nombrilistes. Une part conséquente de l’ouvrage permet de découvrir Indiens, Arabes, Turcs, Persans, Mongols, trop souvent absents ou mentionnés à l’arrache dans d’autres ouvrages.
Parmi les recueils sur la stratégie, l’anthologie de Chaliand représente LE livre, exceptionnel autant sur le balayage quasi-exhaustif du sujet que pour le nombre de portes qu’il ouvre en matière de lectures complémentaires.
Histoire de l’armée allemande 1939-1945
Philippe Masson
Perrin
Cette synthèse sur l’armée allemande prend le relais de celle de Jacques Benoist-Méchin, dont les trois tomes couvraient la période 1918-1939. Comme son titre l’indique, il s’agit d’une histoire au sens événementiel du terme et Masson couvre au plus près le déroulement des opérations militaires allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. On se retrouve donc avec un ouvrage très chronologique, plein de dates hyper précises et de mouvements d’armées, parfois trop, dans le sens où cette foultitude de détails perd plus qu’elle n’éclaire. Cela dit, Masson parvient à ne pas s’embourber dans une histoire-bataille à la papa et à insuffler du thématique dans son propos. Parce que si l’ouvrage est, disons-le, barbant quand il s’attarde sur le détail opérationnel, et manque parfois d’esprit de synthèse dans son exposé, il contient aussi d’excellentes analyses concernant l’instrument militaire du IIIe Reich, ses atouts, ses limites, son évolution, ainsi que les mythes et clichés qui lui sont attachés. Autre qualité de l’ouvrage, la Wehrmacht n’occupe pas seule la scène et Masson a le bon goût de ne pas négliger la Luftwaffe et la Kriegsmarine (ce qui est logique sur le dernier point, l’historien étant spécialisé dans le domaine naval).
La guerre au Moyen Âge
Philippe Contamine
PUF, Nouvelle Clio
Pas tout jeune puisque la première édition remonte à 1980 et la présente à 1994, l’ouvrage de Philippe Contamine reste une somme incontournable sur le sujet de la guerre au Moyen Âge. L’ampleur du sujet a rendu obligatoire certaines limites, qu’elles soient géographiques (Europe chrétienne) ou thématiques (la guerre navale est absente). Même ainsi il reste de quoi faire avec un millénaire et une multitude de dimensions à couvrir, en témoigne la copieuse bibliographie de 1703 titres, marque de fabrique de la collection Nouvelle Clio destinée aux universitaires.
Pari réussi pour Contamine qui se montre à la fois précis, exhaustif et synthétique. Armement, tactique, poliorcétique, composition des armées, mercenariat, chevalerie, poudre à canon, de quoi devenir incollable sur les aspects techniques et leurs évolutions. S’ajoutent d’excellents chapitres sur les rapports de la guerre au pouvoir, à l’économie, à la religion ou encore à la société.
Titre indispensable aux médiévistes, ainsi qu’aux auteurs de romans historiques ou de fantasy médiévale dont l’intrigue ou le décor accorde la part belle au fait guerrier.