Aujourd’hui, on s’embarque pour une série de lectures réservées à un public très averti : littérature érotique, scatophilie et ondinisme au programme des réjouissances. Pour ceux qu’ont du mal avec les mots de plus de quatre lettres, on va parler porn, caca et pipi.
Sachant l’internaute lambda prompt à se monter les plus grands films avec les plus petits budgets, on va faire comme à La Fistinière et mettre tout de suite les choses au point. Ma chérie et moi ne pratiquons pas l’uro ni le scato. Aucun fantasme sur ces joyeusetés qui ne m’ont jamais excité ni donné envie d’essayer. On se situe ici dans un pur univers de lecture, abstrait, éthéré, cérébral, sans application concrète dans la vraie vie de l’IRL.
Alors la question que tout le monde doit être en train de se poser, c’est pourquoi je mets le nez là-dedans (enfin, façon de parler) en l’absence d’intérêt sexuel pour le sujet. Ben parce que ça me fait marrer, tout simplement. J’ai l’humour d’un gosse de trois ans, le pipi-caca-prout me provoque toujours une irrésistible hilarité. Si vous me croisez dans la rue ou lors d’un salon livre du livre et que je vous me dites “prout”, je serai pété de rire. Imparable, ça marche à tous les coups. Et sans honte, hein. Je préfère rigoler, même pour des conneries à deux ronds cinquante, que pleurer. Chacun son modus vivendi.
À partir de là, sans intérêt érotique pour le truc, les scènes uro-scato dans les bouquins me paraissent d’autant plus décalées dans le contexte, donc comiques de mon point de vue fantaisiste. Bref, une approche toute personnelle de la chose, du rigol’X (qu’on a peu de chances de voir figurer aux côtés d’Astérix et Obélix, et c’est bien dommage).
Maintenant qu’on a posé une pêche le sujet, je vous laisse quelques minutes pour vous préparer à la suite de la chronique. Vous pouvez aller chercher nez rouge et coussin péteur, faire un tour aux gogues pour éviter de vous tortiller en lisant la suite ou encore, pour les adeptes des geysers uro-anaux, vous enfiler trois litres d’eau et un kilo de mangues… À votre guise, les gens, c’est pas moi qui vais vous juger. Quant aux âmes sensibles, barrez-vous, vraiment, je n’ai pas de meilleur conseil à vous donner, ce serait ballot de gerber sur votre clavier ou votre smartphone. Fuyez, pauvres fous !
Les pisseuses
Simon Purcell
Recueil autoédité de nouvelles “ondinistes, vessies pleines, envies pressantes, accidents, pipi-culotte, urolagnie, urophilie, omorashi”, dixit la couv’ qui fait le carton plein des mots-clés et annonce d’entrée la couleur (jaune, donc).
Ici, on se situe dans un contexte de montée d’envie urgente, bien sûr dans un cadre ne permettant pas de la satisfaire, sinon ce ne serait pas drôle. Dans l’ensemble, c’est très soft, avec peu de sexe en tant que tel mis à part une paires d’histoires sur la fin.
Plutôt sympathique mais assez vite répétitif vu le thème très ciblé. Si les chutes des récits sont prévisibles, on croise quelques fulgurances dans la façon de les tourner. Mise en page à revoir avec des guillemets de fermeture de dialogue renoyés tout seuls en début de ligne et des sauts de paragraphe XXL qui hachent le texte.
Champagne et Caviar
Étienne Arsenal
La Musardine / Média 1000
On a connu Arsenal plus en forme, il semble à court de munitions avec cette suite de saynètes qui partent dans tous les sens, sans queue ni tête, très gonzo dans l’esprit. Autant j’avais bien aimé d’autres titres du même auteur, autant je n’ai pas accroché à celui-ci, que j’ai trouvé cheap, vulgos et mal torché. Perso, je ne vois pas l’intérêt d’en rajouter dans le hardcore ordurier, vu que le sujet uro/scato l’est déjà bien assez en lui-même. En guise de champagne et caviar, l’ambiance glauque et fauchée lui vaudrait plutôt un titre comme Foie de morue et Kronenbourg.
Fantasmes pervers
Claude Delbouis
La Musardine / Média 1000
Comme titre, on ne peut pas plus générique, il cadrerait avec 99% de la littérature érotique ou pornographique. Un gros GG pour l’inspiration (ironie inside).
L’histoire de Sarah qui, après la découverte d’une vieille gravure dans une malle au fin fond des tréfonds d’un grenier, se lance dans un trip corset et pot de chambre. Pas mauvais mais comme bouquin, mais le porno à crinoline c’est pas trop ma came. Trop de blabla, trop sérieux, trop soft, trop de froufrous à mon goût.
Les cavalières cochonnes
Étienne Arsenal
La Musardine / Média 1000
Le titre ô combien explicite annonce qu’on s’embarque pour une virée dans les écuries, au sein de cette ambiance particulière faite de foin, de tenues d’équitation, de bottes cavalières et d’étalons – humains ou chevalins – bien membrés. Hyper classique comme lieu associé aux turpitudes sexuelles, mais ça marche toujours, c’est justement le principe d’un classique.
Comme dans un de ces vieux films X des années 90 qui ont fait ma jeunesse, le scénario tient sur un quart de confetti, simple prétexte à une enfilade de scènes de cul : un centre équestre plein de vacanciers et de membres du personnel qui baisent dans la joie et la bonne humeur. On ne peut pas plus basique, mais le procédé fonctionne et accouche d’un bon gros porno qui tache au propre (sic) comme au figuré. Ça suce, ça s’encule, ça se gouine, ça se pisse et chie dessus, jusqu’à pomper des chevaux, c’est la fête du slip !
Alors c’est du roman de gare mais avec le mérite de se la jouer décontracté et décomplexé, sans péter plus haut que son cul. Le fun et l’esprit des vacances, quoi…
Humidités / Souillures
Frédéric Mancini
La Musardine / Média 1000
Coup double, si j’ose dire, avec ces titres complémentaires. Plus ou moins le même bouquin, si ce n’est que l’un est consacré au pipi (Humidités) et l’autre au caca (Souillures). Du Média 1000 classique dans son concept : une jeune femme plus ou moins ingénue se découvre un plaisir coupable en compagnie d’une autre donzelle beaucoup plus délurée qui l’entraînera toujours plus loin dans le vice (cf. le schéma plus en détail dans la chronique demi-molle).
C’est gras, pas finaud, prévisible dans son schéma initiatique, mais ça te donne ce que tu es venu chercher : du fion à foison autour d’une thématique bien précise. Pour le coup, le Fredo Mancini a ouvert les vannes pour se lâcher à fond les ballons. J’ai lu d’autres titres de lui que j’avais trouvés barbants (Dogging et Fucking Machines), mais là c’est festival ! Du pur délire, encore moins réaliste que du Brazzers, avec une maladresse de plume qui confine au cocasse, le tout donnant une espèce de pornographie sous acide, quelque part entre Tex Avery et Nanarland. J’ai été plié de rire du début à la fin de ces deux bouquins, ce qui n’est pas l’effet attendu de cette littérature, mais c’est ce que je recherche, moi : la rigolade pétomane, le pipi-culotte clownesque.
La sodominatrice
Plaisirs sales
Étienne Arsenal
Éditions Sabine Fournier
Deux titres parus chez Sabine Fournier, le pendant de Média 1000, avec une ambition un peu plus littéraire mais une ambiance beaucoup plus trash (voire limite pour certains titres, alors que pourtant j’ai l’esprit plus large qu’une rondelle de pornstar après une triple anale). Sabine Fournier, c’est La Musardine, l’une et l’autre maison d’édition partageant la même adresse et les mêmes auteurs (dont le manchot Esparbec sous les pseudonymes John Jensen et Georges Péridol).
L’Arsenal est ici au top de sa forme pour tirer ses boulets de bronze. Chacun de ces deux romans développe une histoire un peu plus construite que le porno de gare lambda, même si on reste dans le prétexte aux scènes de cul. Un peu plus d’effort que la moyenne pour développer les personnages, qui restent bien sûr des chauds de la bite et des folles de cul mais avec un background, une psychologie, des objectifs, etc. Bref, il y a un travail d’écriture pour raconter quelque chose entre deux chapitres de fion. Après, ça reste simple, personne ne se fera un claquage au cerveau en les lisant. On n’en dira pas autant des foulures du poignet pour celles et ceux qui lisent d’une seule main, mais c’est un autre débat.
Les deux titres sont assez explicites quant à l’orientation du contenu, axé autour du trou de balle et de ce qui peut y entrer ou en sortir.
La trajectoire narrative de La sodominatrice m’a semblé chaotique, on dirait que le début du roman a été associé à la fin d’un autre, avec entre les deux des enchaînements de scènes et de chapitres plus WTF les uns que les autres. L’ensemble est assez barré pour recevoir ma semence bénédiction, avec une tendresse particulière pour la scène au resto japonais. Tout le monde sait que j’adore le Japon.
Plaisirs sales reste peut-être le mieux écrit de tous les titres dont j’ai parlé dans cette chronique. Au milieu des odeurs peu ragoûtantes d’étrons, les aventures des deux héroïnes, Aurélie et Nina, dégagent un parfum de liberté. Leur enthousiasme est communicatif. C’est pour ça que j’aime ce bouquin : parce que je trouve cocasse d’avoir réussi à m’attacher à ce duo de personnages qui font mumuse avec du caca, alors que des tas d’auteurs sérieux avec des bouquins très respectables n’ont jamais réussi à me faire aimer leurs héros et héroïnes construits dans les règles de l’art littéraire. Y a de quoi se fendre la poire…
Sinon, dans un registre plus orienté grand public, je vous conseille Le monde merveilleux du caca de Terry Pratchett.