Chronique double pour Lara Croft : Tomb Raider de Simon West (2001) et Lara Croft : Tomb Raider, le berceau de la vie de Jan De Bont (2003), puisqu’il s’agit plus ou moins du même film et que ce qu’on peut dire de l’un vaut pour l’autre.
En tant que films d’action, avec chasse au trésor, exotisme des voyages un peu partout sur la planète, pan-pan, bagarres et poursuites, ça fait le taf. En tant qu’adaptation de jeu vidéo, ça va, on a connu bien pire, le genre étant réputé pour accoucher des pires étrons cinématographiques – la palme revenant à House of the Dead. En tant que Lara Croft, Angelina Jolie est pile dedans.
Après, le reste…
Niveau scénar, c’est pas fou. L’éternelle quête de l’objet magique capable d’anéantir l’humanité et après lequel courent tous les protagonistes de l’histoire, voilà quoi. Bon, c’est aussi la base d’Indiana Jones (l’Arche d’Alliance, le Graal…) ou même de James Bond (juste tu remplaces “magique” par “technologique”), deux grosses licences elles aussi pleines de voyages, exotisme, bagarres, action, mais dans leurs cas, ça passe. Pourquoi ?… Sans doute parce que c’est de la licence avec du bonhomme dedans.
Reste qu’indépendamment du genre de l’héroïne qui vaut aux deux films des critiques faciles de gens qui se croient encore dans les années 50, il y a de gros défauts d’écriture. On sent bien que le paquet est mis sur l’action au détriment du fond. Les personnages restent très superficiels, pas creusés du tout. Le personnage de Lara tient en deux lignes, alors qu’elle ne manque pas de background dans les jeux vidéo, comme si producteurs et scénaristes s’étaient dit : “tout le monde la connaît, c’est pas la peine de la développer, donc”. Alors en fait, si, les gars. Sinon, ça donne juste un personnage insipide, sans identité, qui n’a de son modèle que le nom et la natte. Ses side-kicks, c’est encore pire, il sont là parce que… Ils sont là, quoi. D’où ils sortent ? À quoi ils servent vraiment ? On sait pas. Leur relation avec Lara existe, de fait, mais juste parce que c’est dans le scénar. Y a rien d’écrit en fait, dans ces deux films (dans la novélisation du second, on n’en trouvera pas davantage.
L’autre gros problème des deux films, c’est d’avoir tout misé moins sur son actrice principale que sur la plastique de ladite actrice. C’est un peu con d’avoir une excellente actrice et de ne rien lui donner à interpréter. Alors oui, elle cavale, cabriole et caracole, elle fait pan-pan avec ses pistolets, mais elle a rien dans le script à jouer ou à peu près. On a vraiment affaire à un personnage de jeu vidéo, que tu regardes s’agiter de loin au final, en étant passif en plus vu que tu ne diriges pas ses actions à la manette.
Enfin, l’autre drame de ces deux films, c’est de ne pas savoir se positionner, surtout le second. Genre sur l’affiche, on met le paquet sur les boobs d’Angelina Jolie en tenue de plongée… mais pas trop en lissant les tétons de la combinaison. On essaye de donner au film une tension et un ton dramatiques sur la fin… sauf que dans la scène d’ouverture, Lara se retrouvait confrontée à un requin qu’elle mettait en fuite en lui collant un gros pain dans la gueule. Comment veux-tu donner dans le sérieux après un démarrage aussi cartoonesque ? Même Aristote le disait déjà dans le second volume de la Poétique consacré à la comédie : “tu peux rien dramatiser après avoir foutu un bourre-pif à un requin”.
Au final, ça reste deux films très regardables, dont on regrette surtout qu’ils n’aient pas bénéficié du même soin d’écriture qu’Indiana Jones et la dernière croisade. Parce que oui, jusqu’au bout, la licence de Lara Croft au cinéma sera comparée à Indy et 007. En sa défaveur, parce qu’elle est moins bonne, because les producteurs. Cela dit, par rapport à Indiana Jones et James Bond, Lara Croft peut se vanter d’avoir été un tournant dans l’histoire culturelle, ce qu’aucun des deux messieurs n’aura été. Côté jeu vidéo, l’archéologue en short aura drainé un public féminin dans un domaine jusque-là masculin à 99,99%. Côté écran, si Lara n’est pas la première héroïne à remporter un franc succès (on citera Ellen Ripley dans Alien, Buffy ou encore Wonder Woman dans la série TV éponyme – dont l’interprète, Lynda Carter, apparaît en photo dans le premier Tomb Raider comme la mère de Lara et ce n’est pas anodin), elle sera en tout cas une des premières sinon la première à rapporter un paquet de pognon assez copieux pour faire comprendre aux producteurs que oui, un film d’action porté par un personnage féminin, ça peut tout aussi bien marcher que l’éternel héros viril. La licence aura ouvert bien des portes et sans les défoncer à grands coups de latte comme un bourrin.