Je l’avais annoncé parmi les projets de 2025, nous y sommes.
Je me remets à la peinture de figurines après trente ans sans avoir touché un pinceau.
Voilà, on a fait le tour du sujet.
Bon, on va peut-être profiter de l’occasion pour creuser un peu et revenir sur ce qu’était la peinture de figurines au siècle dernier ainsi que sur mon parcours dans la discipline.
C’est parti pour un voyage dans le temps pas piqué des hannetons !
Les figurines, ça remonte à loin. Mes plus lointains souvenirs datent d’une période où je me chiais encore dessus : mes premiers Duplo vers 2 ans. Assez vite ont pris le relais les Playmobil, les Lego et les petits soldats en plastique au 1/72 (Airfix, Italeri, Esci, Revell).
Pour vous donner une idée du populo que représentaient ces trois pôles ludiques, quand on a déménagé d’un petit appartement vers une maison où on a pu se lâcher sur l’espace avec mon frangin, il y avait une grande ville Lego dans ma chambre, une grande ville Playmobil dans la sienne et un immense champ de bataille au sous-sol pour accueillir les petits soldats. Tout mis bout à bout, on parle de figurines par milliers : dans les 300 Lego (et c’est encore pire aujourd’hui), 150 Playmobil et 3000 soldats.
Dans le même temps, à la charnière primaire-collège, je lisais beaucoup de livres dont vous êtes le héros en Folio Junior. Dans le lot des publications, la série Les Terres de Légende ressemblait à n’importe quel LDVELH, sauf qu’il s’agissait d’un jeu de rôle. Et c’est comme ça que j’ai basculé dans le JdR.
Un beau jour que je traînais avec ma mère dans une maison de la presse, j’ai découvert qu’il existait des magazines sur le sujet. Mon premier numéro de Casus Belli… Puis d’autres, et Dragon Magazine.
Clairement, ce Casus a été un déclencheur qui m’a ouvert tout un tas de portes. Au-delà du jeu de rôle, il y a eu aussi les wargames historiques (sur carte avec les petits pions en carton), les jeux de plateau et donc bien sûr les figurines. L’équation fantasy+wargame+figouses devait se combiner pour aboutir à Warhammer Battle, puis Warhammer 40,000.
Les figurines, à l’époque, c’était un poème. Le monde se divisait en trois catégories : Paris, les grandes villes de province, les terres désolées. Pas de bol, j’habitais au fin fond d’un trou. La capitale concentrait tout, les grandes villes à forte population étudiante disposaient d’une boutique, les autres, que dalle.
Dans ma cité de 25000 habitants, rien, nib, peau de zob. Deux magasins de jouets dont aucun ne proposait de JdR, de wargames ou de figs, et la seule gamme de peinture disponible sur place était de la Humbrol à l’huile, l’acrylique, tu pouvais t’asseoir dessus. La boutique spécialisée la plus proche de chez moi était un Jeux Descartes au Furet du Nord de Lille. À 140 bornes.
Aujourd’hui, j’ai un magasin dans ma ville et, d’après le site de Games Workshop, une vingtaine d’autres dans un rayon de 50 kilomètres. Faut dire aussi qu’à la fin des années 80, le réseau GW se composait de la boutique Citadel à Paris et c’est tout.
Faute d’Internet à l’époque, pour se tenir au courant des nouveautés en figurines, on savait ce qui sortait par le biais des revues en presse, moitié grâce à une rubrique dédiée (“Métalliques” dans Casus Belli), moitié grâce aux pages de pubs qui constellaient les magazines en question. On pouvait aussi envoyer sur papier libre une demande manuscrite auprès de certaines enseignes pour recevoir un catalogue par voie postale. La seule différence avec le Moyen Âge, c’est qu’on ne cachetait pas l’enveloppe à la cire.
Pas d’Internet non plus pour les commandes. Dans les magazines, t’avais des pages avec des listes de produits accompagnées d’un bon de commande à découper. Fallait le remplir à la main, faire soi-même l’addition à la calculette et le glisser avec un chèque dans une enveloppe que tu collais avec la langue, idem le timbre. C’était même pas autocollant en ces temps préhistoriques !
Ne parlons pas de commander à l’étranger… Pas de monnaie unique dans l’Union Européenne qui s’appelait encore la CEE, encore moins de paiement en ligne permettant d’acheter n’importe quoi n’importe où dans le monde en gérant le change et tout le tralala sans que t’aies rien à faire.
Aujourd’hui, toutes les infos en deux clics… la possibilité de commander dans le monde entier, aussi bien du neuf que de l’occase, les pièces les plus récentes du catalogue comme les antiquités vintage les plus rares… des tutos en vidéo pour la peinture…
Alors non, c’était pas mieux avant, mais alors vraiment pas.
À l’époque, les figurines “nobles” étaient en métal. Le plastique était vu comme cheap. Dans un cas comme dans l’autre, la gravure était à mille années-lumière du niveau de détail et de précision des figurines actuelles. Tout montage en métal relevait du calvaire à base de pièces qui s’emboîtaient très mal ensemble.
En attendant, le plastique était beaucoup moins cher que le métal. J’ai donc la moitié de mes figs de l’époque dans ce matériau, récupérées pour la majeure partie de jeux grand public dans les univers de Warhammer (Space Crusade, Heroquest, Les Seigneurs de Guerre et toutes les extensions sorties pour ces trois jeux). Tout ce que je possède en plastique est du Citadel ; quant au métal, le stock se partage à 90% entre le même Citadel, Ral Partha et Grenadier, et le reliquat en diverses marques sans doute défuntes aujourd’hui.
Côté jeu, j’ai surtout pratiqué la V2 de Warhammer Battle, qui a été la première version traduite en français en 1984. Une boîte en carton rigide, trois livrets, zéro fig. Fallait bâtir son armée à partir de rien, mais même si on était déjà dans l’univers de Warhammer, c’était beaucoup plus générique que maintenant (pas de persos nommés ni des tonnes d’unités spécialisées) et intégrer les figurines de la concurrence ne posait pas de problème pour composer son armée.
En 1993, je me suis mis à la V2 de Warhammer 40,000, elle aussi traduite pour la première fois en français et qui avait le bon goût de proposer une grosse boîte avec des figs dedans.
J’ai tâté un peu de la V4 sortie en 1994, mais j’avais surtout acheté la boîte pour les figurines incluses dedans.
De tout ça, il me reste la V2 de Battle, que je possède encore au complet et en parfait état de conservation. De la V4, l’emballage a survécu intact, comme neuf, et j’ai encore quelques éléments en excellent état (livrets, gabarits). De WH40K, j’ai toujours les livrets, les cartes, les gabarits.
(S’il y a des nostalgiques ou des collectionneurs qui cherchent des éléments pour compléter leur V4 de Battle ou leur V2 de 40K, tout ce qui me reste de ces deux éditions est à vendre. Contact via la page Facebook du blog.)
Et puis un jour, fini tout ça. Trois facteurs se sont conjugués, un comble pour un nom commun !
D’une part, le côté pratique. Après mon bac, j’ai quitté le domicile parental pour mener mes études au loin dans le grand Nord, là où le soleil ne brille jamais (Lille). Et une paire d’années après, mon frangin, qui était mon partenaire de jeu, est parti pour la même raison mais pas dans la même direction. Tout le matos est resté chez mes parents. Les figs, ici, moi, là, lui, ailleurs. Compliqué de jouer dans ces conditions.
Ensuite, l’âge, ou plutôt la période, pleine de changements. D’autres priorités (études, première meuf), certains loisirs qui ont pris davantage de place (jeu de rôle, jeu vidéo avec l’achat de mon premier PC pour succéder à mon Amstrad et en avant pour Diablo, Age of Empires 1 et 2, Heroes of Might & Magic 2 et 3, Civilization II…). Ni le temps ni le porte-monnaie n’étant extensibles à l’infini, il a fallu faire des choix. Les figurines ont sauté.
Enfin, la politique de Games Workshop et le prix de leurs figs sont vite devenus dissuasifs. Au début, Warhammer Battle était un support proposant des règles de jeu, sans contraintes au niveau des figurines puisque tu pouvais y insérer n’importe quoi de n’importe quelle marque. Au milieu des années 90, avec la V4 de Battle, ça s’est transformé en vecteur de ventes de figurines Citadel, celles-là et aucune autre. Je pense surtout aux personnages : on avait jusque-là des héros génériques – tu prenais une fig un peu classe et hop, c’était le chef avec deux, trois ajustements de caractéristiques par rapport aux autres – et on s’est retrouvé avec des héros nommés, qui avaient leur fig. Bon ça, encore, OK pour l’immersion dans le background du monde de Warhammer. Mais le prix de ces figurines ! Vache ! Il n’était pas calculé en fonction de la fig mais de sa puissance en jeu. Un guerrier lambda coûtait 10 francs et Machin von Trucmuche, héros de l’empire, valait 90 francs. C’était encore pire sur les persos de 40K où rien ne ressemble plus à un Space Marine qu’un autre Space Marine. Le SM de base, 10 francs. Le sergent, 30 francs, pour la même fig mais sans casque. Le Primarque, 90 francs, alors que c’était le même aussi avec un peu de déco en plus mais pas assez pour justifier un écart de tarif pareil. Cette politique de tarif basé sur les stats du perso plutôt que la fig elle-même m’a refroidi…
Donc voilà, plus trop l’occasion de jouer, d’autres occupations, un virage du jeu et des figurines qui n’était pas celui que je voulais prendre (et quand bien même j’aurais voulu, niveau financier, ç’aurait pas été possible). J’ai lâché le truc courant 1995 ou 1996, je sais plus. C’est dire si ça m’a pas manqué pour que l’année exacte m’ait aussi peu marqué…
Le temps a passé…
Presque trente ans…
Et puis à la mi-2024, en zonant sur YouTube, où je regarde pas mal de vidéos consacrées à la SF, à la fantasy et à la stratégie, je tombe sur la chaîne Les Jeux du Cygne. Au menu, un let’s play sur Warhammer: Battle Sector par le Cygne Noir autour de l’Adepta Sororitas. Je suis tombé sur le cul en voyant les modèles du jeu, qui sont ultra classe. Si seulement on avait eu ça à l’époque, que je me suis dit… Pour rappel, les Sœurs de bataille ont fait leur apparition dans la V2 de WH40K, je les ai vues naître et c’est une faction dont j’adore le concept et le background.
En farfouillant sur le Net, j’ai découvert qu’à défaut de l’avoir eu avant, au siècle dernier, on avait ça maintenant, puisque les persos du jeu sont modélisés d’après les figurines actuelles, qui, suite à leur passage récent au plastique, ont pris un coup de jeune (pendant que bibi a pris, lui un sacré coup de vieux).
‘Fin bref, à force de voir défiler des figurines au gré de mes pérégrinations internautiques en parallèle au visionnage du let’s play, ça m’a donné envie de m’y remettre.
Parce que pourquoi pas.
Alors j’ai jamais été un grand peintre et j’ai pas pour ambition de devenir le Michel-Ange de la figouse. Mais j’ai le souvenir d’une activité qui me plaisait beaucoup à l’époque où j’ai pratiqué et y a pas de raison que les choses aient changé.
Est-ce que j’investirai dans les Sisters ? Bonne question. Faut admettre que l’échelle des tarifs n’a pas trop changé non plus dans la catégorie “ça coûte la peau du cul pour ce que c’est, à savoir un bout de plastique moulé”. À méditer de ce côté-là… J’ai de toute façon assez de stock d’avance hérité de mes vertes années pour voir venir. Idem pour une éventuelle reprise du jeu. Age of Sigmar, je n’accroche ni au système ni au lore, donc non. Peut-être 40K si je trouve des joueurs près de chez moi (mais genre tout près, parce que handicap, donc niveau déplacement, pas possible pour bibi).
Déjà, faut que je commence par me refaire la main…
Et avant ça, je viens de passer quelques jours à inventorier une tonne de matos récupéré de ma grande époque et de mon frangin, qui a continué la peinture quelque temps après moi. Dans le lot de ce qu’il m’a refilé, une cinquantaine de pots qui ont quinze, vingt ans, dont il a fallu que je convertisse les anciens noms pour les adapter à la “nouvelle” nomenclature de Citadel (entre guillemets, parce que le changement date de 2012 quand même). En prime, quelques pots âgés de trente ans, dont certains coloris n’existent même plus (du Blood Angel Orange, voilà quoi). Et les trois quarts étant secs pour ne pas dire fossilisés, jusqu’à former des blocs de pigments craquelés comme de la terre aride, j’ai dû batailler pour les ramener à la vie. Si je me foire comme peintre, je pourrais toujours me recycler en nécromancien…
La reprise se limite pour le moment à la sous-couche d’un archer gobelin. Modeste remise en jambe… et en même temps un exploit vu l’état du matériel : tout date de 1994, la fig, le noir desséché qu’il a fallu raviver avec les moyens du bord et le pinceau amputé de la moitié de ses poils.
Bref, tout est prêt pour s’y remettre. À l’ancienne. Vieux hobby, peintures antiques, figurines du fond des âges…
Avec tous mes remerciements au Cygne Noir qui aura inspiré ce retour aux sources (on n’a pas tous les jours l’occasion d’être l’incident déclencheur d’une saga épique, profites-en !).