Ramba la mercenaire – Marco Delizia & Rossano Rossi

Ramba la mercenaire
Marco Delizzia (scénario) & Rossano Rossi (dessin)

Dynamite / Eros Comix

Ramba la mercenaire Marco Delizzia Rossano Rossi Dynamite

Ne vous fiez surtout pas à la couverture, aussi hideuse que pas du tout représentative du personnage. Oubliez le Rambo-like au féminin, Ramba n’a rien d’une militaire grenouillant dans la jungle, elle exerce la profession de tueuse à gages et opère en ville. Elle est surtout un “personnage réel de fiction”, concept qui va nécessiter quelques explications…

La poule aux œufs d’or…

À l’origine, on trouve le Big Bang, mais ça me semble excessif de remonter si loin. Sautons “quelques” années…
À l’origine, donc, on trouve Riccardo Schicchi, photographe italien de charme qui va se lancer dans la production érotique et pornographique après sa rencontre avec la Cicciolina. Ensemble, ils fondent en 1983 Diva Futura (litt. “future star” ou, selon une traduction maison, “à la recherche de la nouvelle star du X”), société de production et agence dédiée aux choses du derrière. La première actrice à rejoindre la boîte est Ileana Carisio.
Voici à quoi elle ressemble :

Ileana Carisio Malu Ramba
Ileana Carisio

Voici à quoi ressemble Ramba dans la BD sous le crayon de Rossano Rossi :

Ramba Rossani Rossi
Cette illustration aurait été parfaite en couv’ de l’édition proposée par Dynamite.

La ressemblance est encore plus frappante sur cette photo…

Malu Ramba actrice Ileana Carisio

… ou celle-ci (oui, je trouve la dame jolie, donc je mets plein de photos).

Malu Ramba performance
Un petit air de Brigitte Nielsen… épouse de Stallone à l’époque.

Riccardo Schicchi façonne à Ileana Carisio l’identité de Malù Ramba en s’inspirant des actions movies hollywoodiens des années 80, filmographie de Stallone en tête : un nom proche de Rambo, dont les aventures remplissent les salles de ciné l’époque (le premier en 1982, le second en 1985) et un arsenal qui n’a rien à lui envier, tout en cartouchière et mitraillette.
À partir de là, l’actrice et la création se confondent. Ileana Carisio slash Ramba slash Malù slash Malù Ramba aura une carrière courte – une dizaine d’années de la mi-années 80 à la mi-années 90, dont la moitié à incarner Ramba – mais faste : photos, films, TV, happenings, shows, presse à scandales… et une bande dessinée.

… et aux douilles d’acier

Eh oui, une BD, parce que si le personnage est quasi inconnu en France, Ramba cartonne en Italie ! Ayant déjà bossé sur les aventures bédédiques de la Cicciolina (qui aura droit à un caméo dans Ramba n°12), Marco Delizia enquille en 1988 avec Ramba la mercenaria et embarque dans l’opération Rossano Rossi, dont le trait hisse cette série au rang de réussite graphique. Par la suite, d’autres illustrateurs viendront dessiner certaines histoires (Fabio Valdambrini, Mario Jannì, Nik Guerra, Mauro Laurenti).
Dans la BD se greffent des spécificités italiennes empruntées au poliziottesco et au giallo (ambiance de roman noir, thriller au sens anglo-saxon avec son mélange de tension et de frisson, gore, érotisme) et, sur papier, l’esprit du personnage et son environnement s’éloigneront de Rambo pour se rapprocher de Marion Cobretti, incarné par le même Sly dans le film Cobra (1986).

Dans sa version cases et bulles Malù Ramba est une tueuse à gages qui bosse pour la mafia et mène ses opérations tout en cuir, cuissardes et masque à la Catwoman. Elle aime tuer et en prendre plein le cul. Tirant (sur) tout ce qui bouge, pour elle, les hommes ne sont que des sex toys sur pattes qu’elle use pour son plaisir avant de les jeter, comme sa consœur détective Magenta. Ramba vit à Rome avec le seul amour de sa vie : Lucifer. Une façon comme une autre de tirer le diable par la queue… Sauf qu’en guise de diable, Lucifer est ici un chat noir… qui broute le minou de sa maîtresse à l’occasion.
Vous l’aurez compris, l’esprit de la BD ne lésine pas sur le trash.
Outre les léchouilles zoophiles, on peut voir dans le premier tome Ramba choper une de ses cibles, s’offrir un trip uro en lui pissant dans la bouche, pour ensuite le poignarder et, voyant qu’il est raide dans tous les sens du terme, s’empaler sur sa teub. Double combo ondinisme-nécrophilie ! Yolo !
Même volume, autre exemple : victime d’une tentative de viol, la miss déglingue ses deux agresseurs, leur coupe le sguègue et leur fourre dans la bouche avant de s’en aller dans la nuit sur sa moto telle une lonesome cowgirl with a long long way from home. Et tout ça, dessiné sur la page, hein, pas hors-champ en mode suggéré.
Du sang, du cul, de la violence, du qui tache, le ton est donné dès sa première aventure, c’est rien de le dire !

Pourtant, le malsain n’est pas au rendez-vous. Chez d’autres, le résultat puerait le glauque et on lirait le même genre de fantaisies en se sentant mal à l’aise. Ici, non, ça passe. Comme une espèce de folie, où tout ne serait qu’absurde, déjanté, hyperbolique. On sent que les auteurs ont pris plaisir à pousser les curseurs de l’outrance jusqu’aux limites du délire pour la déconne, pas juste pour taper dans le dégueu.
Et puis, comme pour Magenta, ça change de lire les aventures d’une héroïne qui dépote, au caractère bien trempé (comme sa culotte), loin des personnages féminins trop souvent présentés par le genre comme “disponibles” à tous les outrages de gré ou de force, et plutôt de force la plupart du temps.
Pis bon, moi qui adore le personnage de Catwoman, le masque de chat de Ramba, je trouve ça craquant…

Ramba masque chat Catwoman

Chaque numéro de la série propose une histoire indépendante d’une petite centaine de pages, ce qui peut paraître beaucoup, mais pas tant que ça au format fumetti, soit deux cases larges par page. Des intrigues simples (Ramba doit exécuter un contrat, parfois plus, avec des transitions de baise ou castagne entre les deux), peu de texte aussi bien niveau narration que dialogues, c’est donc vite lu.
On se régale du dessin de Rossi, tout en jeu de clair-obscur et contraste noir et blanc à la Magnus, avec un trait fin et réaliste. Avec son style, même les crinières choucroutées et autres coiffures improbables des années 80 passent comme une lettre à la poste, c’est dire.

La saga compterait quinze volumes. Je mets le conditionnel, parce que j’ai eu beau chercher partout, le compteur s’arrête toujours à quatorze. Je sais qu’il est sorti en 2013 une intégrale en Italie avec une histoire inédite dessinée par Nik Guerra, qui serait peut-être ce fameux numéro 15… de onze pages seulement.
Sinon, la version anglaise d’Eros Comix s’arrête au numéro 14 présenté comme le “series finale”. C’est celle que j’ai lue du 4 au 14.
Enfin, la VF reste le parent pauvre. Dynamite a sorti en 2011 un album format A5 regroupant les numéros 1 à 3 (celui que j’ai, avec la couverture moche), l’a réédité en 2020 au format poche avec une autre couv’, mais on n’a toujours que les trois premières histoires et pas les autres. On veut la suite !

Couverture BD Ramba la mercenaire Marco Delizi Rossano Rossi Dynamite
Ça a déjà meilleure allure que la couv’ de la première édition, mais pourquoi avoir mis en scène l’héroïne en position de faiblesse alors que c’est elle qui a la maîtrise totale de la première à la dernière page du bouquin ? (Et pourquoi la couv’ du numéro 5 US pour un volume qui couvre les tomes 1 à 3 ?)

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