Évoqué dans mes conseils de lecture pour les vacances, ce titre méritait une chronique complète… qui n’est en réalité qu’un prétexte à raconter l’histoire du Précieux dans une version quelque peu différente de celle proposée par Tolkien.
Notes from My Travels
Angelina Jolie
Pocket Books
Quatrième de couverture :
Three years ago, award-winning actress Angelina Jolie took on a radically different role as a Goodwill Ambassador for the UN High Commissioner for Refugees (UNHCR). Here are her memoirs from her journeys to Sierra Leone, Tanzania, Pakistan, Cambodia and Ecuador, where she lived and worked and gave her heart to those who suffer the world’s most shattering violence and victimization. Here are her revelations of joy and warmth amid utter destitution, compelling snapshots of courageous and inspiring people for whom survival is their daily work and candid notes from a unique pilgrimage that completely changed the actress’s worldview – and the world within herself.
C’est au cours de l’année 2000, sur le tournage au Cambodge du film Tomb Raider, qu’Angelina Jolie prend conscience des problèmes humanitaires. Eh non, tout le monde ne vit pas à Hollywood, dans cet univers d’Oscars, de robes à paillettes et de salaires par film que la plupart des gens ne touchent pas en toute une vie. Bienvenue dans la réalité !
Suite à cette prise de conscience, elle se rapproche du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (à l’ONU, on aime les intitulés interminables), devient “ambassadrice de bonne volonté” auprès dudit HCR en 2001 et s’implique dans plusieurs missions sur le terrain. Cet engagement ne s’est jamais démenti. Depuis bientôt vingt ans qu’il dure, on est loin du caprice de star ou du plan com’ pour dorer son image.
Comme son titre l’indique, Notes from My Travels est une compilation de notes prises au cours de ses voyages, en l’occurrence des missions en Afrique (Tanzanie et Sierra Leone en février-mars 2001), en Asie (Cambodge en juillet 2001, Pakistan en août 2001) et en Amérique du Sud (Équateur en juin 2002). Ce journal de bord mêle emploi du temps de travailleuse humanitaire, constats des réalités du terrain, rencontres, faits, chiffres, explications, anecdotes, introspection, avec tout ce que cela implique de décousu en matière de récit et en même temps de complet. On y découvre, très éloigné de notre train-train confortable, un autre monde fait de guerre civile, de femmes violées, d’orphelins livrés à eux-mêmes, de mutilés à coups de mines antipersonnel, de lutte permanente pour la survie, de difficultés d’accès à la nourriture, à l’eau, à l’éducation, à tout en fait.
Ce qui se dégage de ce carnet de voyage est un regard profondément humain. À travers ses réflexions personnelles et avec humilité, Jolie fait bien passer le choc à la fois culturel, social et économique, ainsi que la leçon de vie qu’elle a reçue. Le tout sans verser dans ce mélange d’exotisme, de pittoresque et de condescendance si courants dans les récits de voyage qui voient le “civilisé” découvrir le “bon sauvage” (les Rousseau et autres BHL). On sent chez Jolie le respect sincère qu’elle éprouve envers ces démunis qu’elle a rencontrés, capables de survivre avec rien et d’en remontrer à n’importe qui en matière d’humanité.
Livre à lire, enrichissant, bourré d’infos de première main sur les réalités du monde et du terrain, écrit tout en américain sans sous-titres mais facile d’accès (la syntaxe et le vocabulaire sont bruts de décoffrage, l’idée n’étant pas de donner dans l’esbroufe stylistique). Vous serez servis si vous aimez découvrir des univers inconnus et vous évader hors des problèmes terribles de votre quotidien comme la fermeture des coiffeurs, des stades de foot et des boutiques Apple pendant le confinement du Covid. Plus sombre que la dark fantasy et les dystopies les plus pessimistes, ça s’appelle le monde réel.
À lire, parce qu’en 2020, on en est toujours au même point mais en pire. Une prise de conscience ne peut pas faire de mal (même si cette conscience reste très soluble face aux promos sur le Nutella et à la sortie du dernier modèle de smartphone qui fait la même chose que le précédent mais en plus cher).
En 2015, un rapport de l’ONU estimait à 267 milliards de dollars par an la somme nécessaire à éradiquer la faim dans le monde.
En 2020, le budget des marques affecté à la publicité pour vendre des articles dont personne n’a besoin frôle les 600 milliards de dollars. En clair, pour chaque article que vous achetez après avoir été convaincu par la pub, pour chaque publication d’une grande enseigne que vous partagez sur les réseaux sociaux, vous laissez un enfant mourir de faim.
Dormez, braves gens…
Bonus : l’histoire du Précieux
Puisqu’on parle de futilités, revenons sur la signature de cet ouvrage, conquise de haute lutte.
Mon intérêt pour Angelina Jolie remonte à une diffusion sur M6 du film Hackers fin 2000, début 2001. C’était un lundi soir.
Il y aurait beaucoup à dire sur les suites de cette rencontre avec la miss par téléviseur interposé – c’est de là qu’est née, par exemple, ma passion pour Photoshop qui alimente encore aujourd’hui une partie de ce blog – mais on passera sur les détails afin de m’épargner un roman autobiographique en huit millions de signes.
Une ellipse narrative plus tard, nous voici en 2003, année de sortie de Tomb Raider 2 au ciné et, surtout, année de publication de Notes from My Travels, qui a été mon tout premier achat en ligne, soit une place particulière dans mes aventures trépidantes d’internaute de l’extrême. La gageure était de parvenir à me le faire dédicacer.
Première tentative, un sacré numéro
Nous voici en 2007 (ouais, le temps passe super vite dans ce récit, même H. G. Wells n’arrive pas à suivre la cadence).
Angelina Jolie est attendue au festival de Cannes pour la promo d’Un cœur invaincu (et pas l’inverse, Un cul, un vainqueur). Je décide d’y aller avec deux amies et, sous le bras, mon Notes from My Travels pour me le faire signer. J’en entends d’ici rigoler que je ne doutais de rien. Je pouvais me permettre de me sentir en veine après avoir réussi l’exploit de trouver une chambre d’hôtel, en plein Cannes, une semaine avant l’ouverture du festival, sans contact sur place, et tout ça en un seul coup de fil. Tada.
Dans la série “on ne doute de rien”, une des copines présentes avait elle aussi ramené son exemplaire, ainsi qu’un paquet cadeau pour Angelina et Brad contenant, entre autres, la carte de visite de notre site Internet sur laquelle elle avait noté mon numéro de téléphone.
Or donc, le jour J, nous assistâmes à la montée des marches en fin d’après-midi, de loin.
Avant cela, le matin, on a eu du pot en discutant avec un quidam rodé aux subtilités du festival. Ce bon samaritain nous a indiqué le point d’arrivée des stars pour les photocalls, on y est allé, et paf, devinez sur qui on est tombé ?
Là-dessus, on décide d’attendre qu’ils en terminent avec leurs mondanités promotionnelles. Parce qu’il faudra bien qu’ils sortent. La patience a payé après deux ou trois heures de siège. Le carrosse du couple s’engage vers la sortie pendant que, sur le trottoir, trois fous furieux s’agitent comme si on leur avait fourré un câble électrique dans le postérieur. Ben vous allez rire, mais en passant à notre hauteur, ce bon Brad a fait signe à leur chauffeur de s’arrêter. Exprès pour nous. Ça donnait l’impression de renverser les rôles, comme si c’était nous les stars (“Oh ! regarde, c’est Fred ! Il faut qu’on s’arrête !”).
Résultat des courses : en l’espace d’une minute, la place vide est devenue noire de monde et la bagnole limite prise d’assaut (par les paparazzi plus que par les fans d’ailleurs). Mon amie a eu le temps de se faire signer son Notes from My Travels, moi non, mais le paquet ayant été remis en main propre aux intéressés, je suis reparti de là en me disant : “je viens de refiler mon numéro de téléphone à Angelina Jolie et c’est pas donné à tout le monde.” Tada.
Une seconde tentative qui ne manque pas de sel
Nouvelle ellipse et hop 2010.
L’avant-première du film Salt est annoncée au Grand Rex à Paris avec une partie de l’équipe du film, dont l’actrice principale (Angelina Jolie, donc, pour ceux qui n’auraient pas tout suivi).
Après une présentation très rapide du film, Angelina quitte la salle… avec, sur les talons, moi. Elle sort signer des autographes dans la rue, tandis que les vigiles me claquent la porte au nez avec interdiction formelle de sortir de la salle.
Donc je sors de la salle.
Je me dis “tant pis pour le film, je le verrai une autre fois”. Je n’y ai pas perdu au change, Salt étant assez moyen. Tout ce que j’en ai retenu lors d’un visionnage ultérieur, c’est la scène où le personnage incarné par Angelina enlève sa culotte et s’en sert pour neutraliser une caméra de surveillance.
Bref, me voilà dans le hall, coincé par deux cerbères, toujours décidés à redéfinir la notion de manque d’amabilité avec leur approche agressive de la clientèle. À quinze boules la place, je me fais la réflexion qu’on est traité comme de la merde, ce qui me donne une idée. Plutôt que jouer la carte “je suis un super-héros, je dois aller sauver le monde”, j’annonce aux frères siamois de l’acrimonie que s’ils ne me laissent pas passer pour aller aux toilettes, il va se passer un truc horrible dans mon pantalon. On repassera pour le côté glamour d’obtenir gain de cause en menaçant de me chier dessus, mais l’argument fait mouche. Ça passe crème, si j’ose dire.
Je fais mine de rendre aux commodités et bifurque vers la sortie au nez et à la barbe des deux trouducs. Dehors, une foule impressionnante agglutinée contre une rangée de barrières. Sauf à UN endroit. Pile en face de la sortie, à trois mètres devant moi, une place, LA place. Et me voilà installé aux premières loges. Tada.