Les Terres Bannies, T.3 Ruine
John Gwynne
Éditions Leha
Troisième tome de la série Les Terres Bannies, le plus épais, et premier paradoxe, la chronique la plus courte des trois.
L’essentiel, je l’ai déjà raconté à propos de Malice et Bravoure. Fantasy épique, guerre manichéenne, antique prophétie pleine d’élus, multiplicité des points de vue du récit, influences historiques mélangeant du Bellum Gallicum, des Vikings et des fedayin-ninjas-samouraïs, l’arsenal au complet a été passé en revue dans mes laïus précédents sur la saga, auxquels je vous renvoie.
Second paradoxe, sous ce titre qui pue la défaite, on trouve en fait le meilleur volume de la série.
Après le décollage de Malice qui prenait son temps, quelques errances dans Bravoure qui nous éloignait du sujet, Gwynne tourne ici à plein régime. Concentré à fond sur son intrigue principale, il la fait avancer et pas qu’un peu. Du côté des gentils de l’histoire, fini de passer la moitié de leur temps à subir et l’autre moitié à fuir. Après deux tomes à servir de punching-balls, ils prennent enfin des initiatives et pas des petites mais le modèle maousse, avec beaucoup d’action à la clé. Pas de chapitres mous du genou, dont on se demande à quoi ils servent, ici tout sert, le récit progresse non-stop.
Les personnages évoluent aussi. Bon alors Corban, le héros classique, poursuit sa trajectoire à la Luke Skywalker de petit gars sorti de nulle part qui sauvera le monde à la fin. À défaut de grande surprise narrative dans son cas, sa progression est menée sans faux pas par Gwynne qui offre quelques scènes magnifiques à son héros. À côté, on trouve aussi chez d’autres protagonistes des évolutions plus inhabituelles ou inattendues (ou certaines qu’on espérait et qu’on voit enfin se produire).
Pas mal d’éléments flous ou différés pour les besoins du scénario sans que ce report ait toujours du sens trouvent leurs révélations, explications et réponses. Autant d’éléments qui apportent consistance et densité à cet épisode du cycle des Terres Bannies.
Au rang des bonnes surprises, l’art de la guerre change lui aussi de physionomie pour commencer à ressembler à quelque chose.
Parmi les avancées tactiques majeures à rendre jaloux Sun Zu et Clausewitz, les généraux des Terres Bannies – paraît-il les meilleurs au monde – se sont rendu compte que la phalange était une formation inadaptée au combat urbain dans des ruelles étroites. On fera comme si c’était pas obvious dès le départ que vouloir déployer cinquante gars de front dans une rue de trois mètres de large est une idée pourrie vouée à l’échec…
La cavalerie a appris à charger à peu près comme il faut – dans les limites d’utilisation de cavaliers légers comme cavalerie de choc. Encore perfectible, donc, mais y a du mieux. Les assiégeants qui se pointaient jusqu’ici les mains dans les poches ont découvert qu’on pouvait escalader les remparts ennemis avec des échelles. Et, surtout, après trois cents batailles, les as de la stratégie ont fini par capter que l’arc ne sert pas qu’à chasser mais peut aussi être employé à la guerre.
Alors je serais toujours capable, à la tête d’une seule légion, d’éclater la totalité des armées des Terres Bannies et conquérir l’ensemble du continent, mais il y a du progrès de leur côté. Sans atteindre le niveau Napoléon, ils auront au moins dépassé le niveau Braveheart et même franchi le cap Gamelin.
En tout cas, mon tome préféré de la série jusqu’ici. Bien rempli, bien mené, de la belle ouvrage. Ne reste plus qu’à attendre la conclusion de la tétralogie avec Vénère (traduction personnelle du titre anglais Wrath).