Les anges mordent aussi – Sophie Jomain

Felicity Atcock
Tome 1, Les anges mordent aussi
Sophie Jomain

J’ai lu

Couverture Les anges mordent aussi Sophie Jomain J'ai Lu

Premier tome de Felicity Atcock terminé et verdict…
Bien.[1]

C’est pourtant le genre de séries dans lequel j’évite de m’aventurer. Dès qu’il est question de mélanger vampires, loups-garous, anges et autres bestioles surnaturelles, je me barre en courant. La faute au nombre colossal de bouses qui encombrent le genre.
Alors, qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis, Crockett ?
Pas la couverture, c’est sûr. Hideux machin plein de fanfreluches, très “collection Harlequin”. Après lecture, je cherche encore le rapport entre le visuel et le contenu. J’ai dans l’idée que je vais chercher longtemps… Bref.
En fait, j’ai découvert Felicity Atcock via le manuscrit de Les anges ont la mort aux trousses. J’avais bien rigolé en lisant le crossover Felicity/Orcus mené par Jomain/Gillio. Plus tard, une rencontre avec Jomain en dédicace a achevé de me convaincre de tenter le coup.
“Ça a débuté comme ça”, dirait l’Autre.

Je ne vais pas me lancer dans une analyse détaillée, parce que je suis une grosse feignasse moult blogueurs/ses ont déjà tartiné sur le sujet. Je n’apporterais pas grand-chose au débat sur les personnages attachants, mythologie machin, intrigue ceci, péripéties cela, blablabli blablabla. Déjà, le seul fait que je ne trouve rien à critiquer en profondeur, c’est très bien.[2]

Faut bien admettre, à la suite d’Orcus Morrigan, que “la littérature de gonzesses (…) manque singulièrement de karaté”. Il se passe quand même suffisamment de choses dans le roman pour ne pas trouver le temps long. J’ai kiffé Les anges mordent aussi parce que je me suis marré comme un âne du début à la fin. (Et aussi parce qu’il est question de cul à chaque page…[3])
Surtout, surtout, l’angle d’approche est excellent. Le choix du passé composé plutôt que le combo littéraire imparfait/passé simple et le ton humoristique permanent, j’ai accroché. S’il y a bien un truc qui me gave chez nombre des confrères/consœurs de Jomain, ce sont les récits qui se prennent au sérieux alors que l’auteur n’a rien sous le pied pour assurer question gravité. Ici, grande foire à la déconne, légère sans être superficielle ou complètement conne.
Pour utiliser un adjectif pas du tout galvaudé, le tout est très “spontané” à travers la combinaison 1ère personne, passé composé, ton de la narration et vocabulaire employé. Un bon style oralisant, mine de rien, demande beaucoup de boulot. Paradoxe d’une forme qui a l’air naturel mais atteint un très haut degré de sophistication (cf. L-F Céline, Audiard, Dard père et fils dans les San-Antonio ou Astier dans Kaamelott).
Merci, Sophie, de nous avoir épargné les sentences pesantes pleines de clichés et les dialogues très réalistes (sic) bourrés de passés simples et de mots sortis d’un dico pour cruciverbistes ou joueurs de Scrabble. Merci aussi d’avoir évité l’écueil inverse : vouloir donner dans le style tellement simple que le résultat en devient simpliste comme une rédaction de CE1.

Un ange passe
Un ange passe…

J’ai apprécié le bouquin pour ce qu’il est… et tout autant pour ce qu’il n’est pas.
La fantasy contemporaine, comme les estomacs des vaches, constitue un formidable creuset à bouses. “La merde a de l’avenir. Vous verrez qu’un jour on en fera un discours.” Faut reconnaître que Céline avait raison, les merdes abondent, tant pour qualifier les bouquins que les auteurs. Je n’arrive jamais à me décider sur ce qui me gonfle le plus : le style lamentable tartiné de lieux communs et d’adverbes en -ment ? le vide narratif comblé à coups de dialogues lourdingues étalés sur des chapitres entiers ? ou pire, le degré zéro de l’inventivité dans un genre ou l’imaginaire est roi (ou est censé l’être) ? Des auteurs et des bouquins qui n’ont rien à dire mais qui le font quand même, très mal, alors que d’autres ont déjà réglé la question avec talent il y a belle lurette.
Je savais à la lecture du crossover avec Orcus que l’univers de Jomain mélangeait les créatures. Une tendance très marquée depuis 25 ans D’autres l’avaient fait avant, mais on est passé de quelque chose d’occasionnel à un mouvement de masse dans les années 90. Tout est parti du Monde des Ténèbres (World of Darkness en VO), l’univers de jeu de rôle de White Wolf. En 1991 sort Vampire : la Mascarade, puis en 1992 Loup-Garou : l’Apocalypse, avec la possibilité de mixer les deux. Suivront un paquet de jeux ou extensions articulés autour de telle ou telle bestiole (fantômes, mages, momies, démons, changelins…). J’ai pratiqué trois de ces jeux pendant des années, je connais très bien l’univers White Wolf dans son ensemble, autant dire que je repère les copieurs sans me fatiguer.
Au final, je ne saurais dire qui du Monde des Ténèbres ou de Rocco Siffredi s’est fait le plus pomper. Exemple le plus connu, la franchise Underworld initiée en 2003, qui a popularisé au cinéma le mix vampires-lycans, un thème promis à un bel avenir de cliché littéraire… Bon ben, le premier Underworld était tellement repompé sur WoD que l’affaire a fini devant les tribunaux. Côté bouquins, je pense à Patricia Briggs et sa série Mercy Thompson. Je reste stupéfait de ne trouver aucune trace de procès pour plagiat. Les Mercy Thompson sont sympas, se laissent lire et sont inoffensifs. M’enfin comme littérature de divertissement qui ne mange pas de pain, la série constitue une lecture de qualité à peu près correcte. Dans l’ensemble, j’aime bien… mais c’est un putain de plagiat du Monde des Ténèbres ! Y a rien dans l’univers ou les personnages qui n’en soit pas issu. J’ai l’impression de voir la version librairie des parties que je jouais avec mes potes au siècle dernier quand j’étais jeune.
Je me console en me disant que la mère Briggs se voit elle-même pillée plus souvent qu’à son tour par la génération actuelle d’auteurs, celle qui écrit depuis une huitaine d’années, qui n’a pas pratiqué le jeu de rôle et qui regarde la feuille du voisin le plus proche. Syndrome de la copie de la copie…
Je pourrais aussi citer Stephenie Meyer et son immonde Twilight. Sans parler d’une palanquée d’auteurs qui se sont lancés dans l’écriture après l’avoir lu. La révélation, quoi… Et encore des copies de copies, du copier/coller, de l’ersatz, de la compilation… De la merde. Style à chier. Histoire molle comme une bite de centenaire. Personnages stéréotypés pire que dans une production Jerry Bruckheimer. Incohérences par pleins cartons. Les romans du vide par excellence, du rien avec du néant autour. Un même étron répliqué à l’infini à deux-trois variantes près.
“L’atrocité n’a pas d’excuse, pas de circonstance atténuante. Jamais elle n’équilibre ni ne corrige le passé. Elle ne fait qu’armer l’avenir pour d’autres atrocités. Elle se perpétue d’elle-même selon une forme barbare d’inceste. Quiconque commet une atrocité commet toutes les atrocités futures ainsi engendrées.” Dixit Frank Herbert dans Dune, un gars qui en avait un peu plus dans le citron que la mère Meyer et ses épigones question imagination, lui.
À l’inverse, j’adore Pratchett qui abonde en références… mais qui sait les utiliser avec finesse en les intégrant dans son univers à lui. Pas avec des gros sabots dans un univers bâti sur les idées des autres. J’adore Kaamelott et Les Disparus de l’A16 qui sont très marqués par Dard et Audiard, idem San-Antonio très influencé par Céline. Pourquoi ? Parce qu’on sent certes les influences, mais qu’elles n’empêchent pas les auteurs de faire respectivement du Astier, du Gillio et du Dard. Leur œuvre à eux, pas juste un patchwork mal cousu de bouts de machins grattés ici et là. Rien qui me donne envie de leur infliger un lavement au verre pilé et au piment.
Jomain, pareil. Elle fait du Jomain, pas un décalque affadi de ceci ou cela.

J’avais eu peur en me lançant dans Felicity Atcock de me retrouver devant un énième duplicata du Monde des Ténèbres ou, vu qu’il est question d’anges, de Supernatural, son équivalent contemporain. Le crossover ne permettait pas de juger, Les anges mordent aussi si. Et il se trouve que non.
Je n’étais pas là à me dire à chaque page, “tiens, ça, ça me rappelle quelque chose, ça je l’ai lu ailleurs, ça je l’ai vu dans tel film et ça dans tel série”. Ni à me dire, “faut arrêter de se prendre trop au sérieux, ça tourne au prétentieux”. Ni “bordel ce que c’est mal écrit, lourd, ampoulé, adverbisé à mort, clichetonant comme pas permis”…

C’est admis, Sophie Jomain ne réinvente pas la roue avec son festival surnaturel où se croisent anges, démons, vampires, garous. Mais elle a une façon bien a elle de conduire son monde sans se laisser abuser par les mythes (contrepèterie cadeau). Des anges libidineux aux zombies priapiques, bonjour le délire ! Et miss Atcock… ah, Felicity… Enfin une héroïne qui mouille sa culotte – au sens littéral – quand elle a envie de tirer un coup, plutôt que se pâmer comme une duchesse du XVIe ou se perdre sur trois chapitres en introspections barbantes. Pour dire, j’ai déjà posé une option pour réaliser Angels bite (sic) too : a XXX parody.

Un bouquin fun, pas prise de tête mais pas décérébré, bien rigolo, avec un style très fluide. Je lirai la suite pour voir comment Jomain développe son univers, qui change des resucées de Dracula, Ann Rice, White Wolf… Elle fait envie, la Felicity…

Les anges mordent, mais on ne sait pas s'ils avalent
Les anges mordent, mais on ne sait pas s’ils avalent…

[1] Je suis tenté d’arrêter la critique ici, mais vu que je ne battrais pas mon record de brièveté (“non”), je vais continuer.
[2] Après, on peut toujours pinailler sur des détails. Par exemple, p.253 de la version J’ai Lu, comment Felicity peut-elle décrire le motif dans le dos du T-shirt alors que Stan lui fait face ?
[3] Sans parler des protagonistes masculins membrés comme des bourrins… émissaires célestes inclus. Oui, les anges bandent aussi. L’auteur semble éprouver une fascination pour les grosses bites qui débordent déborde sur le nom de son héroïne. Felicity at cock : la fête à la bite, tout un programme…

7 réflexions sur « Les anges mordent aussi – Sophie Jomain »

  1. Pour la couverture des livres en version rebelle édition. La lingerie en couverture je pense que c’est pour rappeler la passion pour la lingerie fine qu’à félicity Enfin c’est mon avis.

  2. Salut !
    Je suis fan de cette série de bouquins. Ton analyse m’a littéralement fait mourir de rire ! Que de fraîcheur =D
    At cock ? Je n’y avais pas pensé
    PS : explique moi la contrepèterie parce que j’ai bloqué dessus pendant 5min sans trouver…

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