Bretteurs stipendiés et tataneurs de l’ombre au programme du jour. Cinq auteurs, donc, puisque Les Sept Mercenaires, c’était déjà pris.
Chroniques des Ravens
James Barclay
Pocket, Milady
Deux trilogies plus un septième volume. C’est comme ça qu’on a l’habitude de présenter les Chroniques des Ravens. Vu que les sept bouquins se suivent, je parlerais plutôt d’heptalogie.
Fantasy très classique, donc si tu es gavé des Tolkien et Advanced Dungeons & Dragons, tu peux passer ton chemin.
Les Ravens sont des mercenaires, mais attention, pas des brutes assoiffées de pognon et de violence, ils ont un code d’honneur. Leurs aventures pleines de batailles, de magie, de dragons et de hordes barbares les amènent à lutter pour sauver le monde, comme dans un bon vieux scénar AD&D.
Une chaîne de montagnes coupe ledit monde en deux : l’Est et l’Ouest (j’en connais un qu’a pas dû se fouler de neurones pour trouver les noms). D’un côté, la “civilisation” avec ses villages, ses villes, ses barons et surtout quatre collèges de magie qui se tirent dans les pattes pour n’importe quel prétexte. De l’autre, des tribus barbares qui s’unissent à l’occasion pour tenter de tout cramer à l’Est. Les elfes vivent à part, dans une île à l’écart de ce bazar. Très Warhammer dans l’esprit.
À l’arrivée, une série qui ne dépaysera pas les briscards de l’heroic-fantasy et constituera une bonne entrée en matière pour les novices. L’univers, s’il n’est pas d’une originalité renversante, tient debout. Les amateurs de grandes batailles à la Tolkien y trouveront leur compte, en moins manichéen quand même.
Bon point pour l’auteur qui n’hésite pas à malmener ses personnages, voire à les buter. Normal, la vie de mercenaire n’est pas de tout repos.
Classique mais efficace, bien fichu et très pêchu.
L’Assassin Royal
Les Aventuriers de la Mer
Robin Hobb
France Loisirs, J’ai lu
L’Assassin Royal, c’est neuf livres en anglais et, quand les derniers auront été traduits, une petite vingtaine en français. Passons sur les astuces éditoriales et le charcutage de l’œuvre, ça m’évitera de dire des gros mots…
Trois cycles, L’Assassin Royal (pile de gauche sur la photo), Le Prophète Blanc (pile de droite) et Le Fou et l’Assassin (pas sur la photo). Je n’ai lu que le premier, parce que j’ai eu le malheur de bifurquer vers Les Aventuriers de la Mer et que ça m’a refroidi pour la suite.
Au moins pour sa première partie, L’Assassin Royal est un très bon cycle de fantasy. Univers médiéval-fantastique avec ses chevaliers, son roi, ses sorciers, ses luttes de pouvoirs… On suit les aventures de Fitz Chevalerie, bâtard du prince héritier. Appelé à rester dans l’ombre parce qu’un enfant illégitime sur le trône ça ne fait pas sérieux, Fitz officie d’abord comme palefrenier. Et comme une histoire d’écuries ça fait pas très sérieux non plus, l’auteur lui fait suivre une formation de ninja, enfin d’assassin… avec un double cursus en magie… donc un ninja quand même au fond, tel qu’on le fantasme dans la fiction, juste qu’il ne tue pas en pyjama.
Miss Book ayant très bien présenté le premier tome, prenez cinq minutes de pause pour l’écouter.
Les Aventuriers de la Mer est une série indépendante qui se déroule dans le même univers et s’intercale chronologiquement entre les premier et second cycles de L’Assassin Royal.
Le pitch m’avait séduit avec ses familles marchandes, ses bateaux vivants, ses pirates, ses ruines mystérieuses… À fuir comme la peste ! C’est long mais long… Et ennuyeux ! En fait, le premier tome part plutôt bien mais la suite est verbeuse, bavarde, logorrhéique, redondante comme le trio d’adjectifs précédents, et surtout délayée à mort. Les neuf bouquins de la VF tiendraient facile en trois, ça donne une idée des scories !
Ainsi tel personnage passe un chapitre à se ronger les ongles en attendant de savoir à quel sauce il va être mangé par B, passant en revue ce qui lui est arrivé (redite) et ce qui risque de lui tomber dessus (spoilers). Là-dessus, confrontation de A avec B, engueulade longuette, ça crie très fort en agitant les bras : A ne fait que répéter ses craintes et arguments du chapitre précédent. Puis nouvelle scène solo de A qui s’autodébriefe sur la prise de bec : redite de la scène et énième répétition de ses introspections. Mortel. L’action principale ne devient qu’une série de pointillés entre ce blabla, le côté “aventuriers” en perd tout tonus.
Après ce pensum, je n’ai pas osé me mettre à la suite de L’Assassin Royal, par peur que ce soit du même tonneau. À voir plus tard…
L’Agent des Ombres
Michel Robert
Pocket
Évoquée à l’occasion de ma chronique sur Balafrée et Gheritarish, L’Agent des Ombres est la série principale de Michel Robert (neuf tomes au compteur pour le moment, répartis en deux saisons – je rappelle au passage que Le Petit Robert n’appartient pas au cycle).
Ici le monde ne se divise pas en deux catégories mais trois : les Ténèbres, la Lumière, le Chaos. Soit les méchants, les pas gentils, les magouilleux. Même s’il est souvent question de bouffe dans les romans, il n’y a pas de gens bons (oh là là…). Chaque camp, tu t’en doutes, cherche à étendre son influence au détriment des autres. Si les Ténèbres et la Lumière donnent dans le bourrin, le Chaos joue feutré, pousse des pions par-ci, dégomme en loucedé un gus par-là, envoie des sbires bricoler des trucs et des machins un peu partout.
Parmi les nervis du Chaos, on trouve les Ombres, et parmi les Ombres, Cellendhyll de Cortavar. Un type aux cheveux argentés qui se promène avec une dague magique, à la fois officier de renseignement, assassin, garde du corps… Agent plus ou moins secret et pas du tout du discret, grillé par son physique peu commun, les traînées de cadavres qu’il laisse derrière lui et/ou les conséquences explosives des plans soi-disant bien huilés qui foirent à tous les coups.
Bref, un James Bond de fantasy, fils spirituel de Zelazny (Ordre/Chaos, manigances entre grandes maisons) et Moorcock (Loi/Chaos, Elric de Melniboné et Stormbriger). Loin de la fantasy infantile plus édulcorées qu’une brouette de sucrettes, L’Agent des ombres met en scène un cocktail de sexe, drogue et rock’n roll violence. Ça change des héros de douze ans mis en scène par et pour des gens qui ont le même âge mental.
Cycle des Épées
Fritz Leiber
Pocket
Un grand barbare nordique et un petit gus tout sec, des aventures pleines de monstres, de magie et de trésors… et tu te dis que cette liste a un air de déjà vu. Ah oui, ça… la recette du binome que tout oppose et l’univers de la sword and sorcery ont trouvé preneur. Sauf qu’ici on revient aux sources – l’ami Fritz fait partie des fondateurs du genre – avec des textes pas tout jeunes. Lovecraft en a lu certains, c’est dire si ça remonte ! À l’époque, Conan pointe à peine le bout du nez, la sword and sorcery est encore balbutiante, le terme n’existe même pas. Aujourd’hui, Leiber n’a pas pris une ride (enfin, lui si, vu qu’il est mort à 82 ans, mais son œuvre non), ses textes restent une base dans laquelle j’aime à me replonger.
La qualité du Cycle des Épées tient à deux choses. Dune… ah non, ça c’est Herbert… D’une, le monde de Newhon, avec la célèbre cité de Lankhmar appelée à devenir le modèle de bien des villes de fantasy. Si Leiber n’a pas inventé le concept de guilde des voleurs, c’est lui qui l’a popularisé. Pas sûr qu’il y ait des masses de cités à pouvoir rivaliser dans le genre, à part l’Ankh-Morpork de Pratchett.
De deux, Fafhrd et le Souricier Gris, ses héros pas manichéens pour deux sous. Ils ont plutôt un bon fond mais ne s’encombrent pas de principes moraux, de beaux discours et de valeurs classieuses. Un jour ils se vendent comme mercenaires, le lendemain ils cambriolent un temple, entre deux ils claquent leur blé en ripailles, godets et nénettes à la cuisse légère. On est donc loin des personnages propres sur eux d’un Tolkien, des preux chevaliers en blanc contre les vilains bandits en noir. Pas pour rien si le Souricier s’habille en gris. Pour faire un parallèle avec le cinéma, la sword and sorcery est à la high fantasy ce que le western spaghetti est au western à la papa avec ses cow-boys immaculés. Moins net, moins vertueux, moins moral… donc plus intéressant.
La Compagnie Noire
Glen Cook
L’Atalante
La meilleure série de dark fantasy sur le marché et une des meilleures sagas de fantasy tout court. Faudra que je m’y replonge, au moins le premier tome, pour une chronique dédiée et plus exhaustive (Austin).
La Compagnie Noire raconte l’histoire de la Compagnie Noire. Non ? Si ! Des mercenaires qui guerroient pendant que le soleil poudroie et que Claude François. Des siècles que ça dure, en témoignent leurs annales, le bien le plus précieux de la compagnie. Même l’étendard à côté, c’est peanuts.
Dans un style direct et franc du collier, cynique souvent parce qu’il en a vu d’autres, Toubib, annaliste et médecin, enregistre les aventures de la Compagnie. Du peu glorieux, du pas jojo, des victoires et des défaites, des pertes, des potes qui passent l’arme à gauche… Un monde très sombre où on noie les rébellions dans le sang, où les sorciers envoient des cohortes de gonziers au casse-pipe entre deux sortilèges, où les manipulations et coups de pute entre puissants sont légion. La guerre, encore et toujours, mais la vraie, pas celle que glorifient les récits épiques et héroïques. Ici, les gentils ne triomphent pas avec deux gnons sur leur armure étincelante et un sourire Colgate. Il n’y a pas de gentils, quelques méchants certes, mais surtout des personnages qui essayent de survivre.
Rupture dans l’univers qui fait l’impasse sur les elfes et les nains, dans le style qui ne s’encombre pas de sophistication littéraire m’as-tu-vu, dans le traitement de l’action et des personnages avec son réalisme âpre, La Compagnie Noire porte bien son nom, pleine de noirceur et de ténèbres. Un de mes cycles préférés, parce qu’il ne se contente pas de pédaler dans la roue de ses prédécesseurs.
Lectures de vacances :
– épisode 1
– épisode 2
– épisode 3
– épisode 5
– épisode 6
– épisode 7
Et bien tu en as un sacré paquet de sagas ! 😀
Et j’en ai encore quelques-unes ! 😀 Des années de lecture et d’accumulation, des dizaines d’années même…
Wahou impressionnant !