Tu sais comment s’appellent les soldats de Jon Snow ?
Des snowtroopers.
Le Trône de Fer
(aka A Song of Ice and Fire aka Game of Thrones
aka Jacob Delafon is coming)
George R. R. Martin
J’ai Lu
Maintenant que le jalon de ma carrière du Popeck de la fantasy est posé, réglons son compte à la série télé. Game of Thrones, j’ai vu en tout et pour tout l’épisode 1 de la saison 1. Une fois et demi. La première demi-fois, le pilote de GoT Airlines m’a emmené direct dans un trou noir : je me suis endormi avant la moitié. La deuxième, j’ai tenu jusqu’au bout, je me suis ennuyé… et j’ai regretté de ne pas avoir piqué du nez.
Au rythme escargotesque de parution en librairie, je retenterai sans doute l’opération, ne serait-ce que pour connaître la fin de l’histoire que j’attends depuis plus d’années que je n’ai de doigts pour en compter. Ma chère et tendre raffole de Game of Thrones, je n’aurai pas loin à aller pour mettre la main sur l’intégrale des DVD. J’espère que j’accrocherai mieux à la prochaine tentative… Mais j’en ai tellement marre d’attendre la suite sur papier que je serais prêt à me taper l’intégrale des Feux de l’amour, c’est dire où j’en suis rendu d’impatience (et d’irritation, parce qu’il faut reconnaître que Martin se moque du monde).
Les bouquins, je les ai lus, ce qui m’a permis d’avoir une paix royale pendant les cinq premières saisons de la série TV. Dans le genre dissuasif, la menace de spoiler qui allait mourir, quand et comment valait tout l’arsenal nucléaire du monde. Je tenais la planète par les noix, j’étais le maître de l’univers et c’était bon ! Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités d’en abuser, je ne me suis pas gêné. Niveau sadisme, les Stark, Lannister et consorts peuvent se rhabiller.
En VO, la série de bouquins s’appelle A Song of Ice and Fire, elle compte cinq volumes parus sur un total de sept prévus. A Game of Thrones est le titre du premier tome.
J’avoue avoir été estomaqué de voir autant de gens découvrir l’existence de cette saga lors de son adaptation sur petit écran ! Ce n’est pourtant pas un cycle tout jeune, démarré en 1996. Au siècle dernier, tu imagines ? À l’époque, les dinosaures gambadaient encore dans nos vertes prairies. ‘Fin bref, je croyais que tout le monde en avait au moins entendu causer à défaut de l’avoir lu. On parle quand même d’une œuvre majeure de la fantasy. Bon ben faut croire que “tout le monde”, c’étaient en fait les geeks, les rôlistes et les gastro-entérologues. Après, on ne va pas se plaindre, la série a amené un paquet de gens à la lecture et c’est très bien. Pour une fois que la télé pousse à une activité intelligente…
En VF… Il va être difficile de ne pas épuiser le champ lexical de la scatologie. Promis, je vais faire un effort, mais comme dirait Karadoc de Vannes, “c’est d’la merde” (source).
Aussi bien en grand format (Pygmalion) qu’en poche (J’ai Lu), la série a été charcutée pire qu’un cochon dans une usine de saucisses. Un surdécoupage frénétique a transformé les cinq volumes initiaux en quinze ! À noter que les deux responsables s’étaient déjà pris pour Jésus multipliant le brignolet en réservant un sort analogue à L’Assassin royal de Robin Hobb (9 livres en VO, 19 en VF). Avec Martin, c’est mot compte triple pour grimper à quinze, soyons fous ! Paraît-il, pour des raisons de coût. Coût à l’économie pour l’éditeur ou à la tonte pour le lecteur ? Vous dérangez pas, je vais répondre. Si je compare les quinze volumes poche, soit 121 €, aux cinq semi-poche édités après coup pour respecter le format initial, soit 86 €, la différence est notable et pas en faveur du lecteur : facture gonflée de 50%, merci bien.
J’ai été bien inspiré d’emprunter les premiers tomes plutôt que d’investir dans ce gouffre plus profond que celui de Helm. Pour l’achat, je me suis rabattu par la suite sur le semi-poche. Vu les dimensions (19 cm x 13 cm pour 800 pages d’épaisseur), faudrait parler de semi-grand-format – soit une façon alambiquée de dire moyen. Je ne te raconte pas la taille des poches et du froc XXXXXXXXXL pour fourrer des engins pareils. Cette version rectifie le tir de la ribambelle en folie pour retrouver le découpage initial. Quand même, une question : étant donné que chaque roman d’origine possède un titre, pourquoi ne pas l’avoir repris ? A Game of Thrones devient L’intégrale 1. Ah y a pas à dire, ça vend du rêve… Peut-être que c’était trop dur à traduire ?
Et là, on arrive à un point noir beaucoup plus grave qu’une avalanche de volumes : la traduction. Le style m’a très vite rebuté, je me suis donc coltiné la totale en VO pour comparer (on s’occupe comme on peut…). Il y a pas mal d’aberrations. Le direwolf devient un loup-garou, sauf que la bestiole ne correspond pas du tout à un garou. Le gag “frappe-les avec le bout pointu” devient “frappe d’estoc”, soit un simple conseil d’escrime au lieu d’un trait d’humour. Certains noms sont francisés, d’autres non, quelques-uns se métamorphosent pendant la traversée de l’Atlantique pour on ne sait quelle raison (Salladhor/Sladhor, Tyene/Tyerne). La forme, j’ai cru mourir deux fois. La lourdeur et la longueur des phrases en français, sans parler des tournures ampoulées et des termes archaïques, dans le genre indigeste, ça se pose là, comme une pêche sur un trône (mort n°1). Dans ses tournures comme dans son vocabulaire, la VO est beaucoup plus tonique, directe et simple, en un mot moderne. On n’est plus dans l’adaptation d’une langue à l’autre mais dans la déformation et la trahison (mort n°2). Les quatre premiers tomes (ou douze en poche) sont de la même eau. Un autre traducteur a pris le relais pour le cinquième, avec un léger mieux.
Tu mets tout ça bout à bout, tu obtiens un parfait foutage de gueule éditorial. Une honte, une insulte au lecteur comme à l’auteur.
De quoi elle parle, cette fameuse chanson de glace et de feu ? Il s’agit d’un mélange de fantasy épique et de thriller politique écrit à la façon d’un roman historique.
Fantasy, parce que l’univers est imaginaire, avec son lot de dragons, de morts-vivants et de magie. Le surnaturel sert dans un premier de toile de fond, surtout véhiculé sous forme de légendes : contexte médiéval-fantastique, avec beaucoup, beaucoup de médiéval. Le merveilleux – au sens littéraire du mot, parce que dans les faits, il s’apparente plutôt à du cauchemardesque – prendra davantage de place par la suite quand les ennuis XXL commenceront.
Dans les grandes lignes, tu trouves comme dans tous les univers de fantasy des terres septentrionales inhospitalières et peuplées de barbares, avec en prime une menace diffuse dont tu sais tôt ou tard qu’elle pointera le bout du nez. Un genre de mur d’Hadrien protège la civilisation de ces sauvageons. De l’autre côté, un État féodal, le royaume des Sept Couronnes, divisé en neuf provinces gouvernées par huit familles (Martin a eu le même prof de maths qu’Alexandre Dumas et ses trois mousquetaires qui étaient quatre, ceci explique cela). Deux saisons, l’été où tout n’est que prospérité, l’hiver où c’est la cata. Bien sûr, l’hiver commence à approcher (sinon, y a pas de tension dramatique). Alors par contre, pour un hiver qui soi-disant arrive, il se fait désirer. On bordure les 5500 pages de texte et il n’est toujours pas là, y a plus de saison, ma bonne dame…
Épique, c’est loin d’être le cas dans le premier tome, qui joue beaucoup dans le feutré. Cela dit, l’adjectif vaut pour l’ensemble du cycle. Il s’agit bien d’une chanson, pas au sens comédie musicale, mais comme dans La chanson de Roland ou les chants de l’Iliade et l’Odyssée. Du drame, de la bagarre, des héros, des coups fourrés, avec beaucoup d’ampleur autour.
Thriller politique, parce que cette saga raconte avant tout une histoire de jeux de pouvoir pour s’asseoir sur le trône (d’où le titre américain du premier volume). Magouilles, complots, trahisons, assassinats, mariages d’intérêt… On se croirait dans la Rome impériale vu la vitesse à laquelle les monarques, leurs héritiers et les prétendants se font dézinguer et remplacer. Loin d’être un fauteuil confortable, le trône tant convoité s’apparente à un mix entre la chaise musicale et le siège éjectable.
Les trois premiers volumes sont excellents, très immersifs via les différents points de vue adoptés, à la fois dépaysants côté univers et réalistes côté personnages. Parmi ces derniers, pas de gentils ou de méchants, rien que des gens gris qui font parfois des trucs bien et d’autres fois des choses atroces. Une histoire de choix entre volonté personnelle, devoir de classe, morale, pragmatisme, etc. avec un gros travail de psychologie des personnages autour des conflits intérieurs. Ces personnages sont nombreux, d’autant plus que beaucoup meurent, avec d’autres qui prennent le relais. Tous sont impliqués dans des tonnes d’intrigues de palais. Ces deux points mis bout à bout, vaut mieux disposer d’une bonne mémoire pour tout retenir de cet écheveau complexe.
Si on aime la fantasy sombre, Le Trône de Fer fait partie des meilleurs cycles sur le marché…
… pour le moment.
Parce qu’il y a des défauts et certains semblent casse-gueule sur le long terme… ou plutôt pour la fin, vu que le long terme, on est englué dedans depuis dix ans.
L’écriture semble en pilotage automatique depuis deux volumes. A Feast for Crows et A Dance with Dragons ont tout de tomes de transition… sauf la taille requise. 2000 pages au total, plus d’un tiers de ce qui a paru… et pour rien ou à peu près. Ils auraient gagné à être élagués d’une bonne moitié pour n’en former qu’un.
Chaque épisode est plus épais que le précédent, avec toujours plus de longueurs. On sent de plus en plus souvent l’artifice qui tire à la ligne, avec des intrigues plus complexes que nécessaires (même les plans à tiroir des méchants de James Bond paraissent simplistes en comparaison), des reports gratuits de révélation à plus tard pour gratter du temps de suspens, une mécanique répétitive dans le défilé des personnages qui meurent pour être remplacés par d’autres qui meurent à leur tour pour être remplacés par d’autres et ainsi de suite ad infinitum.
Les personnages, justement, c’est sympa d’en buter (enfin, sympa, façon de parler, eux ne seraient peut-être pas du même avis). Le fait est que le procédé change des romans où les héros ne sont jamais en danger réel pour pouvoir vivre des aventures jusqu’à la dernière page. Donc au début, oui, on tremble pour les protagonistes et ça fait un choc de voir claquer quelqu’un qu’on aime bien. Sauf qu’à fumer tout le monde à tour de rôle, au bout d’un moment, on finit par ne plus s’attacher à quiconque, blasé de voir les têtes tomber. À quoi bon s’intéresser à Untel puisque tôt ou tard il va y passer ? La question n’est plus de savoir si Machine va vivre ou mourir mais quand elle se fera déglinguer. À force d’investissement émotionnel à fonds perdu, on en arrive à reprendre ses billes pour ne plus les remettre en jeu. La mécanique finit par tourner à vide, comme une espèce de jeu à boire où on parierait sur le prochain cadavre sans s’émouvoir de son sort.
Drame d’une série qui est devenue peu à peu un Dallas de fantasy. Interminable. Au sens le plus strict du mot, vu comment Martin semble avoir du mal à la terminer. Les délais d’écriture tournaient autour de trois ans pour les tomes 1 à 3, ils ont doublé pour les 4 et 5 et ça empire. Le 6 était annoncé pour 2015 ; de report en report, nous voilà en 2019, soit huit ans après le dernier titre sorti… et toujours rien. L’hiver doit être bloqué par sa propre neige, parce qu’il n’arrive pas bien vite. Surtout sachant que derrière il reste un septième et dernier volume (à ce rythme en 2030) et que Martin n’exclut pas un huitième si l’histoire le justifie (en 2040 ? 2050 ?). L’histoire… ou les ventes ? Mec, vu comment tu galères par rapport aux livres prévus, est-ce pertinent de rajouter une couche dont tu ne verras jamais le bout ? Finis déjà le programme, si possible avant le prochain millénaire.
Plus le temps passe et plus j’en viens à préférer Jean-Pierre François à George Martin. Au moins avec le JP, tu étais fixé tout de suite. Il annonçait cash qu’il a neigé sur les lacs et basta, au revoir messieurs-dames.
Vu la lenteur forcée des deux derniers titres parus, j’ai très peur pour la suite. En plus, la série TV aura fini l’histoire avant l’auteur, sacré cas d’école. Va raconter de l’inédit et du passionnant après ça… Et qui aura encore la patience d’attendre des années la fin sur papier une fois qu’elle sera connue sur petit écran ? Surtout après deux tomes moyens qui ont douché bien des enthousiasmes…
Peur d’un tome 6 inutile, juste pour remplir en attendant le final. Peur d’un tome 7 qui risque de s’achever sur un “tout ça pour ça”, un coup de fraîcheur très éloigné du super blizzard annoncé et attendu. Vingt ans que j’ai démarré ce cycle, toujours pas d’hiver. La période maillot de bain et torse nu traîne en longueur…
Salut Fred,
Nous sommes en phase sur à peu près tout : de notre désintérêt commun pour la série au foutage de gueule de George quant à la publication des derniers tomes en passant par tout le reste. Notre seul point de désaccord porte sur l’usure apportée par la mort des personnages… Je ne nie pas me soucier comme d’une guigne des derniers personnages arrivés dont j’ai bien conscience qu’ils ne sont que de la chair à épées/flammes de dragon/feu grégeois/poison/… (la liste est longue), par contre le suspense concernant ceux qui survivent depuis le début reste pour ma part assez insoutenable : je parle des Jon Snow, Tyrion Lannister, Arya Stark, … (la liste est heureusement assez longue aussi).
Autre point positif de la saga, ce bon vieux George sait faire évoluer ses personnages. Ainsi des « méchants » que l’on croyait pouvoir détester en toute quiétude, deviennent-ils parfois assez attachants : on peut citer lé régicide, bien sûr, mais aussi le Chien et on n’est pas à l’abri d’autres revirement de situation (bon, pour Cersei et la Montagne, il va quand même falloir y aller, pour ne citer qu’eux).
Quant à la fin (si jamais elle arrive un jour – j’ai quand même de gros doutes à ce sujet), je pense que l’ami George ne se sentira pas plus obligé de suivre celle de la série, que les scénaristes de celle-ci ne se sont sentis contraints de suivre à la lettre la saga… ce qui pourrait bien relancer l’intérêt pour cette dernière (de là à penser qu’il le fait exprès…).
Vu comme tu défonces GoT – qui reste, nous sommes bien d’accord, un monument de la Fantasy – je me demande s’il est bien judicieux que je te soumette mon propre premier roman, que je suis trèèès loin de juger aussi réussi (quand je me relis, j’ai parfois honte)…
Je reconnais que pour les survivants de longue date (Tyrion et Jon par exemple), l’intérêt perdure. Même si… L’épée de Damoclès constante qu’ils ont au-dessus fait que pour certains personnages (i.e. Arya), cet intérêt tient plus à “survivra, survivra pas” qu’à leurs actes ou leur évolution.
L’arrivée de la fin, j’ai aussi de très très gros doutes. Déjà que Martin n’avance pas et semble moyen motivé (cas d’école frankensteinien du savant fou dépassé par sa créature), alors une fois que la série TV sera finie et que le soufflet retombera…
Quant à ton premier roman, si tu aimes la roulette russe… 😀