La Vénus à la fourrure – Léopold von Sacher-Masoch

La Vénus à la fourrure
Léopold von Sacher-Masoch

Mille et une nuits

Léopold von Sacher-Masoch aura cartonné de son vivant. Tant mieux pour lui. Succès dû entres autres à des pièces de théâtre très ancrées dans son temps, donc périssables avec lui. Un phénomène de mode, éphémère. Le gars n’est pas cané qu’à peu près personne ne se souvient de lui. Si le docteur Richard von Krafft-Ebing n’avait pas repiqué son nom pour définir le masochisme, Léo serait sans doute tombé pour de bon dans l’oubli. Je crois pas que ç’aurait été un mal…

La Vénus à la fourrure Léopold Sacher-Masoch Mille et une nuits

J’attendais beaucoup de La Vénus à la fourrure, j’en ai été pour mes frais. Pas que le bouquin soit mauvais, mais il n’a rempli aucune de mes attentes. S’il s’agit bien d’une œuvre littéraire, pour le roman érotique, on repassera, pas de quoi fouetter un chat. Parce que trop littéraire, justement.

Le sieur von Maso, c’est un cas. Le type est une usine à fantasmes, coincé entre une éducation puritaine, sa fascination jusqu’à la pâmoison pour les images pieuses, son adoration pour les statues de pierre (peu pratique à une époque qui n’a pas encore inventé la poupée gonflable et la sex doll en silicone), les figures marquantes de sa jeunesse (sa nourrice ukrainienne Handscha tout en bottes et fourrures – deux fétichismes récurrents dans La Vénus – et sa tante Zénobie qui fouettait des derches pour le plaisir). Avec un pedigree pareil, on pouvait à s’attendre à du lourd de sa part.
Non.
Déjà, le bouquin date de 1870 et la littérature n’en est pas encore à se lâcher sur l’explicite, nonobstant le cas de quelques fantaisistes, à l’instar de Sade, qui font figure d’exceptions et pas du tout de règle générale. Faudra patienter encore quelques décennies avant de voir débouler Les onze mille verges de Guitou.
Ensuite, le “roman” n’en est que la moitié d’un, mélange d’un peu tout : un peu roman, un peu nouvelle, un peu journal, cocktail de fiction, autobiographie, onirisme, lyrisme, poésie, romantisme, gloubiboulga d’éléments réels, inventés, rêvés ou fantasmés… joyeux foutoir dans lequel une chatte ne retrouverait pas ses petits et qui pourrait avoir été écrit sous LSD si cet hallucinogène avait existé à l’époque. La somme de tout un tas de trucs et machins nébuleux ne peut que donner qu’un ensemble des plus éthérés et c’est bien ce qu’on a entre les mains : une demi-molle vaporeuse dont on ne sait pas trop quoi faire.
Le propos ne demande qu’à se concrétiser. Il ne le fera jamais.
Pour parler, ça parle, bavasse, blablate à longueur de pages. Pour le passage à l’acte, autre chanson, on reste sur sa faim. Et vas-y que je t’évacue chaque fois le vif du sujet à coups d’ellipses. Sans verser dans le hardcore qui tache, y avait peut-être moyen de trouver un entre-deux avec le parfait néant proposé qui ose à peine poser un orteil dans l’érotisme suggestif (ce que fait très bien par exemple le beaucoup plus récent Art de la fessée).
N’en restent que des dialogues très littéraires et pas des plus palpitants, un texte frustrant et poussiéreux. L’œuvre est tout simplement très datée, sur la forme comme sur le fond (voire sur le fion). Le style a beau être très ampoulé, il n’éblouit plus personne et ferait plutôt piquer du nez. Les fétichismes évoqués, à base de bottes et fourrures, étaient peut-être révolutionnaires et au top du sulfureux en ces temps jadis – ou peut-être pas, j’en sais foutre rien –, toujours est-il qu’aujourd’hui, ils appartiennent aux classiques. La manie des statues de von Machin, pas de quoi grimper aux rideaux avec ce sujet de niche qui ne parlera pas à une bonne partie du lectorat, à part peut-être quelques clients et clientes de Tantaly, et encore… Ses fantasmes autour du fouet sur son popotin sont quant à eux biaisés. Fausse soumission du gazier qui n’est pas avare de remarques misogynes – on peut même dire qu’il les collectionne – et use en bon patriarche de son ascendant pour pousser les femmes à lui knouter le popotin. Il incarne le dominant, la fouetteuse n’est en rien une maîtresse. Dans son monde, la femme se voit réduite à un objet sexuel qui doit obéir et se plier à ce qu’il veut, lui. Le genre de vision qui ne m’emballe pas, malsaine dans ses rapports homme-femme déséquilibrés, à mille années-lumière de mes conceptions du relationnel.

Annoncé comme un roman frappant un grand coup, La Vénus à la fourrure se contente in fine d’un modeste pan-pan cul-cul pas folichon, bavard et mou du genou, genre de Cinquante nuances de Grey avant l’heure.

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