La tempête du siècle – Stephen King

La tempête du siècle
Stephen King

Le Livre de Poche

Couverture La tempête du siècle Stephen King Le Livre de Poche

Après le nullissime Peur Bleue, Stephen King récidive en repoussant encore plus loin les limites de la paresse et du manque d’inspiration. Parce qu’autant Peur Bleue était indigeste mais avait le mérite de limiter le pensum à moins de trois cents pages, autant La tempête du siècle t’assomme sur quatre cent cinquante pages.
L’éditeur, en parfait gredin qu’il est, “oublie” de mentionner en quatrième que le bouquin n’est pas un roman mais un script, forme aride, lapidaire et imbuvable s’il en est. Chaque chapitre s’ouvre sur une indication scénique précisant le lieu de ce qu’on appellera faute de mieux l’action puisque cette dernière brille par son absence. Une fois l’endroit posé, on enquille les dialogues des uns et des autres. Plus ou moins comme si on lisait une pièce de théâtre. Point de narration. Dans le genre barbant, ce format de lecture se pose là.

De la narration, y en a quand même un peu. Au tout début, quand Stephen King se livre à l’exercice d’introduire la purge à suivre. Je sais pas si c’était une bonne idée de faire figurer ce laïus qui se tire une balle dans le pied plutôt qu’autre chose.
Le baratin introductif est super long pour le peu qu’il a à raconter. Pire, Stevie nous y explique que l’idée de son histoire sort de nulle part et ne repose sur pas grand-chose. Super vendeur… Il annonce tranquille que son postulat de départ aurait impliqué de créer une communauté détaillée comme il l’avait fait dans Bazaar, mais qu’il a la flemme, donc non. On passera sur le concept génial (sic) d’utiliser une tempête pour bloquer des gens sur une île et les obliger ainsi à se confronter à un péril auquels il ne peuvent échapper. Ressort narratif à deux ronds utilisé douze mille milliards de fois dans autant de romans, nouvelles, films, séries, jeux vidéo, BD… Le cliché du siècle… Le père King n’a pas trop envie non plus de se casser la nénette à rédiger un roman complet, donc il révèle sans trembler des genoux qu’il a préféré l’option rapide et facile de balancer en vrac sur papier ce qu’il avait en tête, d’ajouter au début “scénario pour la TV” et le fourguer en l’état à une chaîne de télé. À la limite, pourquoi pas, puisqu’après tout, la chaîne en question peut bien embaucher un scénariste pour scripter le truc proprement. Mais ce brouillon est aussi édité en l’état et vendu en librairie, parce que pourquoi s’embêter à travailler le texte et présenter un roman en bonne et due forme ?
La flemme du siècle.
Que King se livre à un monologue qui pue la culpabilité, à justifier sur vingt pages ses choix d’auteur quand la genèse de son histoire tiendrait en trois paragraphes, en dit long sur la conscience qu’il a d’avoir tout foiré dans les grandes largeurs.

Tout ?
Non.
Et c’est bien ça le pire.
Sans son poil dans la main d’une longueur à faire pleurer Raiponce de jalousie, La tempête du siècle aurait pu être un des meilleurs romans de King… tout en étant l’aveu que le maître du fantastique commençait à tourner en rond à la fin des années 90 et aurait dû prendre sa retraite à l’époque. Quand on décortique les rouages de cette œuvre qui n’en a que le nom, on peut comprendre que King n’ait pas eu des masses envie de s’investir dans un plagiat de ses propres œuvres, à cloner Bazaar et Brume et se répéter. Pourtant, ça aurait pu valoir le coup.
Nonobstant le gros cliché tout nase de la tempête, il avait sous la main Bazaar en mieux, sous une forme plus ramassée avec moins de longueurs et sans le final grand-guignol et tapageur, trop délirant pour être pris au sérieux. Toute une communauté de gens très liés, qui ne demandaient qu’être détaillés, comme il l’avait fait avec Bazaar. Un étranger mystérieux et démoniaque sorti de nulle part, qui sait tout sur tout le monde et sème la zizanie, comme dans Bazaar. Mais avec une dimension tragique bien meilleure que dans Bazaar autour du choix cornélien imposé aux habitants de l’île par leur touriste infernal, dilemme plus ou moins dans l’esprit de Brume. Avec aussi un paquet de références solides piochant aussi bien dans le mythe du minotaure (le sacrifice des enfants envoyés sur l’île du monstre) que dans le mystère de Roanoke, plus une touche de la légende du joueur de flûte de Hamelin et un parfum de pacte faustien, et encore par-dessus un marché de dupe à la Bazaar – on y revient toujours – quand on voit comment la fin tourne pour les habitants de l’île.
Sauf qu’à ce contenter du minimum syndical, ce qu’on obtient, c’est un texte pas assez mis en forme, qui n’a rien d’un roman faute de narration, et qui n’a pas non plus grand-chose d’un vrai script, les annotations techniques étant limitées à leur plus simple expression. Les personnages manquent de profondeur, tout un tas d’éléments ne sont pas expliqués alors qu’ils auraient gagné à l’être, les incohérences, facilités d’écriture et raccourcis d’intrigue sont légion. Stephen King, qui n’a jamais compris qu’on n’écrit pas un scénario de film comme on écrit un roman ou une nouvelle, a prouvé à maintes reprises qu’il était un scénariste très moyen pour la télé et le cinéma et ça se ressent sur la trame très ajourée de La tempête du siècle. Il aurait mieux valu prendre le temps et l’énergie de bien écrire le roman et ensuite de revendre les droits d’adaptation en laissant œuvrer les scénaristes professionnels.
Le gâchis du siècle…

Un mot sur la mini-série : elle se laisse regarder, moyenne en tout, excellente en rien à part son final. Stephen King trouvait son script trop riche pour tenir dans un film, d’où l’idée de le vendre à la télé pour une mini-série. Décidément, l’image, c’est pas son truc, parce que tout tenait au contraire dans un film, alors qu’étiré sur quatre heures, le résultat est beaucoup trop long pour ce que ça raconte. La première partie et la fin, OK, mais trop de longueurs entre les deux, entre blablas inutiles et sous-intrigues dispensables. Les effets spéciaux à géométrie variable, honnêtes dans l’ensemble mais ratés par moments. Le casting s’en sort à peu près bien, les passages à vide occasionnels étant moins moins dus au niveau de jeu des acteurs et actrices qu’aux lacunes dans l’écriture de leurs personnages. Un comédien ne fait pas de miracle : il n’a rien à jouer si tu lui files un rôle qui tient sur deux lignes. Et comme aucun des protagonistes n’est approfondi plus que ça, faut pas s’attendre à des merveilles. La réalisation se réduit à sa plus simple expression : on pose la caméra, les acteurs se mettent devant, on tourne, c’est le mieux qu’on puisse attendre de Craig R. Baxley, qui est à l’origine cascadeur de métier et qui aurait dû le rester.

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