Peur bleue – Stephen King

L’édition de Peur bleue dont il sera question aujourd’hui remonte à 1991 d’après la date du dépôt légal et de l’achevé d’imprimer.
Retour sur un traumatisme vieux de trente ans…

Peur bleue
Stephen King

J’ai Lu

Couverture roman Peur bleue Stephen King J'ai Lu épouvante

Je ne crois pas que Peur bleue soit encore édité aujourd’hui. Si c’est le cas ou s’il devait un jour être réédité, ne l’achetez pas. Ou alors pas en neuf. On peut le trouver à 0,90€ d’occasion, ce machin vaut pas plus.

D’après la quatrième : “Outre ce roman, Stephen King nous livre ici le récit de son insolite genèse et le scénario qu’il en a tiré. Un autre passionnant suspense : celui de la création…”
D’après moi : ce titre, et surtout la façon dont il a été présenté, redéfinissent la notion d’arnaque et de foutage de gueule.
Alors “outre”, qui donne l’impression que des annexes viennent en bonus, c’est bidon : sur les 270 pages de texte, elles en occupent… rien moins que 200 ! C’est plutôt le “roman” (sic) qui viendrait outre le reste, en plus, par-dessus, parent pauvre réduit à la portion congrue.
Le “roman” en question, L’année du loup-garou, avec ses 70 pages, il tient plus de la novella ou de la longue nouvelle. On est loin du compte. Ce que rien en quatrième ne laisse présager, qui te vend l’ouvrage comme n’importe quel autre roman de King publié par J’ai Lu à la même époque.
Tout ça pour un mauvais récit de loup-garou, hyper classique, mal dégrossi et pas bien folichon. Le truc alimentaire torché sur un coin de table… Moi, on me sert ça dans une librairie, l’auteur, il se prend une quiche dans sa tête ! dirait Karadoc de Vannes s’il savait lire.
Quant au “passionnant suspense (…) de la création”, il se limite à un avant-propos de Stephen King (11 pages de blabla anecdotique sur comment il a vendu son machin à Dino De Laurentiis, on dirait une rédaction de rentrée des classes sur l’air de “racontez vos vacances”) et une note finale de 12 lignes (!!!) pour révéler que le calendrier lunaire a été bidouillé afin de correspondre à certaines dates précises genre saint-Valentin et Independance Day (et n’a donc de fait plus rien de lunaire, ce qui tire une méga balle dans le pied de la cohérence pour un récit de loup-garou). C’est clair qu’après ce formidable exposé, on est bien avancé sur la création littéraire de fiction avec cette révélation fracassante qui consiste à dire : j’ai inventé. Merci du renseignement, comme dirait Schwarzie dans Un flic à la maternelle.
Reste dans les 180 pages de script du film. Juste le script, donc illisible pour le commun des mortels qui n’a pas fait cinéma LV2. Même pas un commentaire ni rien pour expliquer les choix de mise en scène, de modifications par rapport au texte original…

Quatrième de couverture Peur Bleue Stephen King J'ai Lu
L’objet du délit. Ça vend du rêve, hein ? Ben c’est de la merde.

Pour J’ai Lu, c’était un bon plan. En tout cas, ça en avait l’air, on y reviendra. Bref, bon plan en apparence, à l’époque on pouvait vendre tout et n’importe quoi sur le nom du King, jusqu’à sa liste de courses, et il n’y avait pas non plus les moyens actuels pour savoir ce que contenait et valait un bouquin (c’était avant Internet). Donc là, le n’importe quoi, on l’a. Sur le court terme, le pognon a dû rentrer bien comme il faut avant que les lecteurs ne découvrent qu’ils avaient été floués.
Mais.
Ce genre de pratique mercantile ne rend service à personne. Ni au lecteur, qui a la sensation légitime de s’être fait baiser dans les grandes largeurs et à sec. Ni à l’auteur, qui au pire perd des lecteurs, au mieux ne risque pas d’en conquérir de nouveaux. Quand on regarde les avis sur Peur bleue, cet opuscule de la honte a été pour certains leur premier Stephen King… et aussi leur dernier. Ce qui par contrecoup fait perdre à l’éditeur autant de ventes potentielles sur les autres titres du même auteur, plus anciens ou à paraître. Résultat des courses : les rentrées immédiates de trésorerie à publier le moindre brouillon en prenant le lecteur pour une vache à lait se payent cher sur le temps long. Quand on dit une de perdues, dix de retrouvées, l’inverse est vrai aussi : une de retrouvée…

Je vais quand même remercier J’ai Lu. Grâce à cet éditeur et cet achat foireux, j’ai réalisé de belles économies depuis trois décennies. Peur bleue m’a rendu méfiant à l’égard de J’ai Lu, de King et surtout des quatrièmes de couverture, tous auteurs et éditeurs confondus. Depuis, je vérifie TOUJOURS les bouquins, en librairie à l’époque et sur le Net aujourd’hui, le contenu (le vrai, pas celui qu’on essaye de nous vendre), la table des matières, la place occupée par les annexes quand il y en a d’annoncé à grand renfort de superlatifs, ce genre de choses. Si j’ai le moindre doute, rien que le plus petit pet de circonspection, je repose le livre, je n’achète rien. Autant dire que sur le long terme, Peur bleue est revenu plus cher à l’éditeur aux vues court-termistes qu’à ma pomme. Une vente réussie, avec pour effet d’en perdre derrière plusieurs dizaines. Ben ouais, en trente ans, avec mon rythme d’achat et de lecture, les ventes réorientées vers des concurrents qui cherchent moins à embrouiller leurs clients ou perdues pour de bon pour le monde de l’édition, ça chiffre. Bravo aux marketeux du dimanche…

2 réflexions sur « Peur bleue – Stephen King »

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