La ferme !
Ce qui ne va pas m’empêcher d’user de mon temps de parole pour disserter sur le set 10775 de Lego, qui met en scène Mickey Mouse et Donald Duck en plein trip agricole.
Or donc, le set du jour est estampillé 4+, ce qui promet une virée dans le simpliste à destination du plus jeune public possible sitôt sevré de Duplo.
La boîte coûte 30€ soit un prix à la brique conséquent pour 118 pièces (pas la peine de sortir vos calculettes, le résultat se monte à 25 cts). Au-delà de cette moyenne qui n’a qu’une valeur toute relative, si on se penche sur le contenu lui-même, une vingtaine d’euros semblerait un tarif plus raisonnable. Passé les 25€, ça fait cher pour ce que cette boîte a à offrir. Ma mère l’a payée 10€ en solderie et c’est bien suffisant.
Si vous êtes parent, sachez que vous allez en chier avec cette ferme. Pas sur la construction qui est d’une simplicité enfantine (du 4+ quoi), mais avec les “pourquoi ?”, LA grande question des enfants de cet âge. Va y en avoir beaucoup…
Première question que ce set pose, pourquoi Mickey et Donald ? Pourquoi pas Mickey et Minnie ou Donald et Daisy ? On sait que Lego a une vision du monde aussi réac que dépassée avec ses emballages bleus pour les garçons et roses pour les filles, ses boîtes City pleines d’une obsession sécuritaire XXL avec des flics partout et porteuses de responsabilités pour les p’tits gars avec des pompiers à foison qui vont sauver la ville des flammes de l’enfer… pendant que les filles devront se contenter des paillettes, futilités et virées au poney club de l’univers Friends. Une certaine vision des genres… Bienvenue dans les années 50…
Partant de là, j’imagine qu’un gugusse de chez Lego s’est dit que les travaux de la ferme c’est dur, que les femmes c’est tout faible, donc ne mettre que du bonhomme a du lui sembler pertinent (sauf que n’importe quel livre d’histoire du monde paysan démontre qu’en matière de travaux agricoles, tout le monde met la main à la pâte, hommes, femmes, enfants et ce depuis l’invention de l’agriculture). Après ça ne reste qu’une hypothèse, peut-être que les designers ont juste mis dans cette ferme deux personnages random. Les noms de Mickey et Donald sont sortis du chapeau, ç’aurait pu être d’autres, osef, la boîte se vendra sur le nom de la marque, sur celui de la licence Disney, sur la notoriété du canard et de la souris.
Ouvrons la boîte… On trouve quatre sachets de pièces.
Numérotés de 1 à 3.
WTF ?
À nouveau, pourquoi ? Pourquoi le dernier sachet ne porte pas le numéro 4 ? Va te positionner comme une marque éducative quand tu sais pas compter au-delà de trois…
Chaque sachet numéroté correspond à un livret d’instruction. Enfin, à peu près, parce que pour la première partie, on pioche une brique en plus dans le sachet fantôme, pour la seconde trois briques, pour la dernière zéro. À quoi ça rime ? Pourquoi ne pas avoir mis les pièces en question dans les sachets idoines ?
Le montage du bazar ne pose aucun souci (en tout cas, pour moi qui ai dix fois l’âge requis, il a été plié en dix minutes). Je reste assez dubitatif sur le foisonnement des instructions qui, en voulant faire simple, sont interminables (va maintenir aussi longtemps l’attention du gamin…) et gourmandes en papier (avec répercussion sur le tarif). À coup d’une ou deux briques par étape, chacune étalée sur deux pages, t’arrives à un total de 120 pages de notice ! Yolo !
Phase 1, on démarre avec le tracteur de Donald. L’engin ne comporte qu’une poignée de briques mais parvient à faire illusion (en tout cas, si on a 4 ans). La présence d’une barrière à ce stade reste un mystère. Pourquoi ne figure-t-elle pas avec le reste des accessoires additionnels du livret n°3 où elle aurait été davantage à sa place ?
Phase 2, la ferme. Avec beaucoup d’imagination. Parce qu’il va en falloir des brouettes pour reconnaître un corps de ferme dans cette construction. Ma mère, pourtant pas du tout portée sur l’architecture militaire, lui a trouvé une allure de bunker. Guilleret, certes, vu la déco et les coloris mais un blockhaus tout de même.
La bâtisse manque d’une allure définie et ne sait pas se positionner entre les arrondis du rez-de-chaussée qui se marient mal aux angles droits de l’étage. Vient s’ajouter un festival de couleurs hétérogènes qui n’aide pas à l’unité visuelle : vert pomme, vert foncé, marron, caramel, blanc, rouge, orange clair, plus une touche saugrenue de noir avec la silhouette de Mickey au sommet de l’édifice (comme ça, on sait tout de suite qui est le patron de cette ferme censée être celle de Mickey ET Donald mais qui semble in fine appartenir plus à l’un qu’à l’autre et amène la question fatale : pourquoi y a pas aussi la tête de Donald ?).
À l’intérieur du bâtiment, rien de foufou. Rien tout court en fait. Enfin, si, d’un côté on trouve un plumard sommaire qui tient plutôt de la paillasse. Pourquoi un seul lit, dans lequel une minifig tient à peine, alors que deux personnage sont fournis ? Bon, on pourra toujours les empiler l’un sur l’autre et imaginer des histoires dans une ambiance à la Brokeback Mountain (ou Brokeback farm en l’occurrence), même si je suis à peu près sûr que ce n’est pas du tout ce que Lego et Disney avaient en tête lors de la conception de ce set.
Dans l’espace vide à gauche, vous pourrez toujours installer un autre pieu si vous possédez des briques qui traînent dans un coin. Ou y ranger l’arche de Noé fournie dans ce set (cheval, poule, mouton, lapin, on n’est pas volé de ce côté-là).
L’étage, limité à sa plus simple expression, sert de grange où s’entasseront quelques ballots de paille, montés grâce à un treuil. Comment les personnages parviennent-ils là-haut quant à eux ? Faute d’escalier ou d’échelle, ils utiliseront la lévitation.
On passera sur la vision archaïque du monde paysan tel que le conçoit Lego : des fermiers qui couchent dans leur grange et s’éclairent à la lanterne. Bienvenue en 1720.
Phase 3, on termine avec une ribambelle de petits machins qui viennent agrémenter l’ensemble :
– Un poulailler en deux dimensions dans lequel la poule n’a pas la place de s’installer. Attendez-vous à ce que votre enfant vous demande comment la poule a pu pondre cet œuf plus gros qu’elle sans s’exploser le trou de balle et finir chez le proctologue.
– Une deuxième barrière sur laquelle est accrochée un panier contenant une brique jaune. Je suppose que ce bidule symbole une jardinière avec une fleur dedans.
– Une brouette destinée à transporter une pomme, ce qui me semble quelque peu excessif. Perso, quand je dois déplacer une pomme, j’utilise ma main, pas besoin de sortir l’artillerie lourde. Tu te dis que dans le même esprit des grands moyens, Mickey et Donald doivent y aller à la grue de chantier pour une pastèque.
– Un cheval affublé d’une briquette marron. Pourquoi ce coloris alors que tout le reste du bestiau est sable clair ? Cette brique est-elle censée représenter une couverture sur le dos de l’animal ? Ou une différence dans la couleur de la robe comme s’il était zébré ou tacheté ? Aucune idée. Tout ce qu’on sait, c’est que le résultat est aussi moche que dépourvu de sens.
– Un lapin.
On l’aura compris, ce set est loin du compte pour un adulte. Rien que de très logique puisqu’il est prévu pour de jeunes enfants. N’en ayant aucun sous la main, impossible de dire si le contenu de la boîte les satisfera ou pas. Y a de la construction, un tracteur qui roule, une foultitude de bestioles, deux personnages Disney, donc on peut supposer que cette ferme assurera le taf auprès de son public cible, même si c’est moins pour la ferme elle-même que tout le reste à côté.
Au prix fort, cette boîte serait restée en rayon ; à dix balles, je ne me sens pas volé, bien qu’elle ne présente aucun intérêt pour moi en tant que telle. La plupart des pièces seront aisément recyclables dans d’autres projets, comme la Batcave ou l’extension de la forteresse du gouverneur.