Fais-moi taire si tu peux ! – Sophie Jomain

Fais-moi taire si tu peux !
Sophie Jomain

HarperCollins &H

Si Sophie Jomain avait placé son histoire dans l’univers de Highlander, le résultat aurait été une micro-nouvelle. Loïc, l’empêcheur de se marier en rond, aurait rencontré Connor MacLeod (du clan des MacLeod, préciserait cet immortel La Palice) et lui aurait balancé la phrase fatale : fais-moi taire si tu peux ! Chose à ne pas dire à un type armé d’un katana et passé maître dans l’art de la décapitation. Couic, couic, quickening. Adieu, veau, vache, cochon, tête et Loïc.

Couverture Fais-moi taire si tu peux Sophie Jomain HarperCollins
Rien de plus facile que de faire taire quelqu’un quand on est fleuriste : il suffit de lui trancher la langue au sécateur.

Quatrième de couv’
Elle fleurit les mariages, lui les détruit.
Quel être humain normalement constitué oserait ruiner un mariage ? Quelle personne impitoyable faut-il être pour détruire le plus beau jour de la vie d’un couple ? Eh bien, il faut être prêtre, sexy en diable et révéler en pleine cérémonie les petites incartades de la future mariée… Lorsque Louise Adrielle, fleuriste, assiste à la scène, elle comprend mieux pourquoi on lui a demandé de décorer l’église en jaune cocu ! Traumatisée, elle se fait la promesse d’être désormais sur le qui-vive à chaque cérémonie. Car sa responsable l’a mise en garde : La dame au cabanon ne pourra être associé à une autre débâcle nuptiale. Si Louise assiste à un nouvel esclandre, les alliances ne seront pas les seules à finir au placard.

Fais-moi taire si tu peux ! est une comédie romantique. Le titre, la couverture, la quatrième, l’éditeur, la collection, l’ensemble de ces éléments ne laisse aucun doute sur le classement de l’œuvre. On ne peut donc pas lui reprocher, comme j’ai pu le lire ici ou là en effectuant des recherches pointues glandant sur les Internet, d’être prévisible, sans suspense ni surprise, surtout quant au dénouement.
Comment dire ?…
Il s’agit d’une COMÉDIE ROMANTIQUE !
Avant même de lire la première ligne de Fais-moi taire si tu peux !, on SAIT que Louise la Fleuriste et Loïc le Destructeur finiront ensemble. C’est comme ça et si on n’est pas à l’aise avec cet état de fait, faut se tourner vers d’autres bouquins appartenant à d’autres genres. Je ne vois pas comment on peut reprocher à une comédie romantique d’être une comédie romantique. Ce serait comme se plaindre d’un polar en disant que la trame est cousue de fil blanc, avec un crime au début, une enquête au milieu et la révélation de l’identité du coupable à la fin.
La comédie romantique est un genre hyper codifié en soi, obligé de répondre à certains attendus pour cadrer à la fois avec l’amour et l’humour, sans parler des impératifs éditoriaux qui viennent se greffer par-dessus et limitent la marge de manœuvre de l’auteur. Sur ce dernier point, suffit de regarder les appels à texte des éditeurs où il est TOUJOURS demandé que l’histoire se termine bien et que les personnages tombent dans les bras l’un de l’autre. On ne parle donc pas d’un genre à suspense avec un final inattendu.
Si vous voulez de la surprise, achetez des œufs Kinder.

Danger champ de mines
Et si vous voulez combiner surprise et suspense, allez prendre l’air. (Source photo : Handicap international)

“L’important n’est pas le but, mais le chemin”, comme a dit un des quatre gonziers auxquels on attribue 99% des citations d’Internet, à savoir Confucius, Lao Tseu, Einstein ou Gandhi. Je te laisse vérifier lequel de ton côté, perso j’ai la flemme.
Le but final, on le connaît, reste donc le voyage. Ici, il s’agit en premier lieu du versant comique qui t’accompagne au long des pages et soutient le roman sur ces deux premiers tiers, avant que ce dernier ne s’oriente davantage vers le rapprochement de Loïc et Louise.
L’objectif de Fais-moi taire si tu peux ! n’a jamais été de révolutionner le genre mais de proposer un moment de lecture divertissant, léger et drôle.
Y parvient-il ?
Tintintin !…
Roulement de tambour…
Solo d’ocarina…
Tension dramatique à son comble…
(Tu voulais du suspense, en voilà !)
Chacun retient son souffle…
Tendu comme un string taille S sur un sumotori…
Cramponné à son fauteuil…
Crispé à en arracher les accoudoirs…
(Et je peux continuer comme ça sur 200 lignes…)
La
réponse
est
OUI !
Tada !

Fais-moi taire si tu peux ! cherche à te faire marrer et il réussit son coup. Je me suis bidonné lors de la première rencontre de Louise et Loïc (elle : “Oh ! mon Dieu…” ; moi lui : “Loïc suffira”), lors du premier mariage saboté, lors de l’explosion du “gâteau d’amour” pendant un autre mariage… Le chapitre de l’enterrement atteint des sommets de drôlerie. Le face-à-face entre Loïc et une Louise en pyjama Marsupilami, armée d’un pot de Nutella, est à se faire dessus quand on visualise la scène. Le groupe de musique tyrolienne, j’étais plié. Et cetera, et cetera.
J’ai ri de bon cœur devant les situations cocasses et les dialogues qui font mouche grâce à un sens consommé de la formule. L’ensemble est bien dosé et bien rythmé. Plutôt que viser un festival du rire non-stop où les scènes se noieraient (comme Philippe) les unes dans les autres, l’auteure a su ménager ses effets en intercalant des passages qui permettent au lecteur de reprendre son souffle, construisent le personnage de Louise (famille, amis, travail, psychologie…) et mettent d’autant mieux en exergue les moments tordants.

À l’arrivée, Fais-moi taire… est un bon titre pour s’offrir un moment de détente. S’il n’atteint pas l’ampleur des sagas Noss Head et Felicity Atcock ni la profondeur d’un Quand la nuit devient jour, ce n’est pas non plus ce qu’il vise, ce bouquin ne cherche pas à être ce qu’il n’est pas. Il tient son engagement de divertir et faire rire, respectant ainsi le pacte entre l’auteur et le lecteur. Amen et bonne lecture.

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