Le film est à l’image de son petit nom yankee Orphan : orphelin.
De scénariste.
Y a pas un élément dans Esther qu’on n’ait pas déjà vu trois mille fois au cinéma, une formidable compilation de tout ce que le genre horrifique a produit en matière d’œuvres avec des gamins dedans.
Esther, c’est le cas d’école pour expliquer la différence entre un bon film et un film bien fait. Jaume Collet-Serra n’a rien d’un bras cassé, le casting assure le taf, c’est bien fichu, bien réalisé, bien interprété, avec une vraie méchante de cinéma, personnage parfait pour ce thriller qui lorgne vers l’épouvante et laisse planer un moment le doute du fantastique. En tant que tel, on a pour une fois affaire à un thriller d’épouvante sérieux qui change des bouses B et Z sur le même thème.
Donc film bien fait.
Mais il est d’un chiant…
Donc pas un bon film.
Peut-être que ça vient du fait que j’ai vu beaucoup d’autres films du genre, dont une kyrielle sur le thème des enfants tueurs (L’Exorciste avec la possession démoniaque, La Malédiction et son gamin diabolique au sens le plus littéral, Le Village des Damnés pour le versant alien, l’indicible Godsend…). Toujours est-il que j’avais déjà vu tout le film via d’autres métrages et qu’on sent donc passer la durée de deux heures quand on sait à quoi s’attendre.
La trame : couple qui s’enfonce / adoption pour remonter la pente / découverte du gamin “exceptionnel” / tout il est beau / la véritable nature du gamin / le cauchemar / bye bye, sale gosse. Classique, efficace certes, mais passé un nombre de films, on sait donc à quel moment ceci ou cela va arriver. Avec bien sûr les éternels moments de doute, telle personne qui voit clair dans le jeu du môme infernal mais que personne ne croit, etc. Le suspens ne vaut donc que si vous n’avez pas déjà vu toute la filmo sur le sujet.
Le seul élément novateur d’Esther tient à la nature de sa protagoniste : une adulte atteinte d’une forme de panhypopituitarisme qui lui donne la taille et les traits d’un enfant. Autant dire peu de choses sinon rien, d’autant que la dichotomie adulte/enfant du personnage n’est pas exploitée du tout dans sa caractérisation ni ne suscite de creusement thématique du sujet “handicap”. Cette énième déclinaison n’apporte donc aucun propos, ni sens, ni rien (pire, ici la personne handicapée est une espèce de sociopathe cinglée, un danger public qu’il faut exterminer par tous les moyens…). Elle ne s’apparente qu’à une astuce scénaristique sur l’air de “comme ça avait déjà fait avec des aliens, des clones, des démons, des fantômes, des IA, on en a pris un au pif parmi ce qui restait dans le catalogue”.
Un reproche de taille, et celui-ci vaut même si on n’a vu aucun des films du genre, c’est de forcer sur le pathos. La mère de famille cumule quand même beaucoup : alcoolique, responsable d’un accident qui a causé la surdité de sa fille, trompée par son mari, en froid avec sa belle-mère, a accouché d’un enfant mort-né… On sent la dose forcée pour la faire passer pour une folle dingue que personne ne va croire. On la voit, l’astuce d’écriture…
Alors si vous avez envie de vous lancer dans le thriller d’enfant assassin, Esther n’est pas un mauvais choix, parce qu’il fonctionne (encore heureux vu comment la recette est érpouvée…). Par contre, pour ceux qui connaissent bien le sujet, faites l’impasse, ces deux heures ne vous apporteront rien.