Je ne vais pas revenir sur les origines du jeu de rôle Dungeons & Dragons créé en 1974 par Gary Gygax et Dave Arneson, je n’étais même pas né en ces temps reculés.
Je m’y suis mis en 1991, avec la sortie en français de la seconde mouture des règles avancées : Advanced Dungeons & Dragons 2ème édition, ou ADD, parce que ça va quand même plus vite à dire.
Son plus gros défaut : sa popularité
S’appesantir sur le jeu aurait-il un intérêt ? J’en doute. Tout a été dit et depuis longtemps sur le sujet. Certains le trouvent formidables, d’autres à chier. Tout le monde a tort et raison.
Les règles de base, simples et accessibles, lui ont permis de devenir grand public, succès qui a fait du jeu de rôle un loisir à part entière et ouvert la voie à tout un pan d’imaginaire.
Dès qu’on met toutes les règles bout à bout, par contre, ça donne un gros paquet touffu, complexe, souvent irréaliste ou illogique, trop complexe ou trop simpliste selon les cas de figure. Un tas de micro-systèmes semblent cohabiter avec des jets qui fonctionnent comme ci, des règles qui fonctionnent comme ça, le combat encore autrement, les compétences d’une autre façon… Manque d’homogénéité d’un système conçu par couches successives au gré des besoins, avec dans le cas de cette seconde édition des ajouts de dernière minute pour combler des gros manques par rapport à d’autres jeux (les compétences, on sent qu’elles ont été greffées à la hache pour faire comme la concurrence). Le bilan est un joyeux bordel, pas super pratique par-dessus le marché, puisque selon les cas, il faut piocher les infos dans Le manuel des joueurs ou Le guide du maître, ce qui oblige à jongler non-stop entre les deux bouquins de base.
Côté univers, on lui a souvent reproché de se borner à la fantasy classique à la Conan, Seigneur des Anneaux, Moorcock et Leiber. Mouais… Ben, c’était le projet au départ, donc bon, que le résultat y soit conforme à l’arrivée, je trouve ça plutôt positif. Ensuite, faut rappeler qu’à l’époque, la fantasy était beaucoup plus un secteur de niche que maintenant et le genre beaucoup moins développé qu’il ne l’est aujourd’hui (logique, entre deux, il a eu cinquante ans pour s’enrichir). Pour la plupart des gens, sorti de Conan ou Tolkien, il s’agissait d’un monde inconnu. La fantasy “basique” proposée par ADD, au moins, ça disait vaguement quelque chose au grand public.
De toute façon, une bonne partie des critiques vis-à-vis du jeu sont dues à sa popularité. Comme tout un tas de choses que les aficionados trouvent super tant qu’elles sont confidentielles, pour chier dessus quand elles sortent de leur niche. Plus assez élitiste, mainstream comme on dit de nos jours. Méprisable parce que populaire. Marrant de voir comment certains rôlistes, qui baignent pourtant par définition dans la pop culture, en arrivent à penser sur la même longueur d’onde que ceux qui leur chient dessus…
De supplément en supplément et de gamme en gamme, ADD a dépassé son cadre de fantasy classique. Fallait bien démarrer quelque part, avec des environnements susceptibles de plaire au plus grand nombre (Greyhawk, Royaumes Oubliés, Lankhmar, Dragonlance). À côté de ces univers traditionnels, on en a eu d’autres, variés : Ravenloft en horreur gothique, Al-Qadim en ambiance Mille et une nuits, Spelljammer dans l’espace, Planescape autour des voyages interdimensionnels, Dark Sun qui mélange de la dark fantasy, Dune et du post-apo…
Alors, après, on aime, on n’aime pas… Pour de bonnes ou mauvaises raisons…
On peut jouer à Donjons & Dragons en mode bas du front : le barbare bourrin, le preux chevalier en armure rutilante, le mage adepte de la boule de feu, le voleur avec sa capuche rabattue sur le visage en toutes circonstances, et tout ce petit monde de partir explorer un vieux souterrain où sont dispersés au petit bonheur des couloirs, des portes, des monstres, des pièges et des trésors. Oui, on peut pratiquer le jeu dans sa version la plus caricaturale possible. Mais on n’a jamais été obligé, hein. C’est un jeu de rôle, une porte ouverte. Derrière, on va où on veut.
Perso, j’ai toujours considéré que l’important dans un jeu de rôle n’est pas ce qu’il propose mais ce qu’on en fait.
Aventures épiques
Mon parcours donjonnesque n’a rien d’extraordinaire. Après avoir démarré le JdR avec Les Terres de Légende, un jour est venu le moment de passer à un “vrai” jeu de rôle (je mets des guillemets, parce qu’avec ses six tomes, Les Terres de Légende est assez complet pour appartenir à la famille des vrais, même s’il n’était pas considéré comme tel à l’époque).
Il a fallu choisir… Warhammer était dans la balance, vu que je pratiquais la version Battle, le wargame avec figurines.
Donjons & Dragons a été le vainqueur du duel, parce que c’est celui pour lequel on trouvait le plus d’aides de jeu et scénarios dans les revues Casus Belli et Dragon Magazine.
Bilan des courses : en vingt ans et trois groupes, on aura à peu près tout fait, depuis le dungeon crawling le plus old school aux intrigues de cour les plus feutrées, en passant par les missions d’escorte et d’exploration, les batailles à grande échelle, la défense de village à la Sept Samouraïs, le vieux temple dans la jungle, la chasse au trésor, l’ambassade diplomatique, les enquêtes dans la lignée du Guet d’Ankh-Morpork, le vol du machin magique dans la tour du sorcier, le huis clos avec un xénomorphe, le sauvetage de l’héritier du trône, les aventures en mer, en montagne, dans le désert ou dans les glaces, la rencontre avec Thor (celui de Stargate), les machinations politiques, les voyages dans le temps et entre les dimensions, tous les classiques du cinéma et de la littérature de genre revisités jusqu’aux pires nanars (Les Barbarians, Kalidor). Du plus classique au plus improbable, on parle de je ne sais combien de scénarios, campagnes, heures de jeu.
On aura bien rigolé. C’est tout ce qu’il y a à en retenir.
Tour d’horizon des manuels,
boîtes et suppléments
Manuel des joueurs
David Cook, Jon Pickens & Steve Winter
TSR
Indispensable pour commencer à jouer, le Manuel des joueurs regroupe le plus gros des règles (mais pas toutes, pour obliger à acheter en plus le Guide du maître).
Un tiers environ du bouquin est consacré aux personnages. Tour complet du sujet avec la création, les caractéristiques, les classes, les compétences, l’équipement, etc.
Les mécanismes de combat occupent une place non-négligeable. Le système est plutôt simple, même si basé sur une méthode de calcul pas du tout intuitive. La profusion de sous-règles vient surtout de cas particuliers et situations spécifiques.
Quelques chapitres sont là plus pour la déco qu’autre chose, vu qu’ils renvoient à l’autre livre de règles, celui du maître de donjon (expérience, trésors, rencontres…).
La moitié de l’ouvrage décrit les sorts des magiciens, prêtres et druides. Cette partie aurait gagné à figurer dans un livret à part, parce qu’en cours de combat, c’est un peu la lutte autour de la table. Le mago souhaite relire la description de son sort, un autre joueur voudrait vérifier telle aptitude de sa classe qu’il aimerait utiliser, le maître de jeu a besoin d’accéder aux règles de combat pour vérifier tel modificateur. Tout ça dans le même livre. Donc bonjour la perte de temps. Sauf à en acheter un par tête de pipe.
‘Fin bon, on s’en sort, on apprend à jongler avec les ouvrages, on fait des photocopies…
Le système est ce qu’il est – simple la plupart du temps, parfois simpliste ou lacunaire au point de devoir bricoler des règles maison – mais a le mérite de fonctionner quand on est un peu rodé à son utilisation. De toute façon, j’ai toujours eu pour principe de faire semblant de lancer les dés derrière l’écran sans trop m’occuper des résultats ni des règles, et de résoudre les situations par le biais de la narration.
Guide du maître
David Cook, Jon Pickens & Steve Winter
TSR
Destiné au maître de donjon, ce second manuel du règle reprend la structure de l’autre en apportant des explications, précisions, développements, règles additionnelles, contradictions selon les cas. Les informations vont d’anecdotiques à indispensables, à charge pour le maître de jeu d’opérer le tri. Au final, tout aurait pu tenir en un seul manuel de règles, plutôt que devoir naviguer de l’un à l’autre. Le contenu n’est pas mauvais, mais l’agencement du tout n’est pas pratique.
Une grosse lacune dans ce volume-ci : on n’a aucune fiche de monstres. Vu la masse de règles consacrées aux rencontres, au combat et, derrière, au butin et à l’expérience récoltés, ça aurait été bien d’avoir quelques adversaires lambda fournis (les classiques bandits de grand chemin, gobelins, morts-vivants…). En l’état, quelqu’un qui débute le jeu n’a aucune idée des caractéristiques du premier orc venu. Pour cela, il va encore falloir acheter un troisième bouquin aussi indispensable que le Manuel des joueurs et le Guide du maître : le Bestiaire monstrueux.
Bestiaire monstrueux
David Cook, Jon Pickens & Steve Winter
TSR
Celui-ci se sera fait attendre ! Deux ans après la sortie du binôme Manuel des joueurs/Guide du maître en 1991, le Bestiaire monstrueux pointe enfin le bout du nez. Une chance que Casus Belli et Dragon Magazine regorgeaient de monstres en tout genre dans leurs scénarios et aides de jeu, qu’on pouvait réutiliser en l’état ou comme base pour bricoler nos propres mobs. Y a même pas un foutu exemple de fiche de monstre dans les deux manuels de base. Ça n’aurait pas gêné si le suivi éditorial avait été assuré, mais là non. Deux ans…
‘Fin bon, on a fini par l’avoir. Trois cents pages de monstres, des plus classiques (gobs, zombies, vampires, dragons, ogres…) aux plus improbables (l’ours-hibou, le sanglier avec une chemise), accompagnés d’illustrations assez moches dans l’ensemble. À défaut d’être joli, le bouquin est fonctionnel : pour chaque entrée, on a les caractéristiques en jeu et une description qui fait le taf (apparence, mode de vie, dangerosité du truc…).
Le manuel complet des nains
Jim Bambra
TSR
La série des Manuel complet de… (Complete Handbook en VO) propose pour chaque volume d’étoffer un peuple (nains, elfes, gnomes…) ou une classe (guerrier, magicien, voleur…).
Dans le cas présent, on s’embarque pour un voyage au cœur de la civilisation naine : cosmogonie, mentalité, mode de vie, us et coutumes. Ici, rien d’exceptionnel ni d’inventif n’est proposé, on reste sur du nain classique (montagne, barbe, hache). Cette première partie de l’ouvrage aura un intérêt variable selon qu’on soit néophyte en fantasy ou un vieux briscard qui connaît le genre sur le bout des doigts.
La suite sera technique, davantage orientée sur les mécanismes du jeu. Les joueurs de nains pourront affiner leur personnage en fonction de son origine (collines, montagnes, profondeurs de la terre, urbain, exilé…). Les modifs de caractéristiques sont mineures pour ne pas dire anecdotiques, c’est plutôt en terme de roleplay que l’origine va jouer.
La vraie différence se fait au niveau des profils, qui sont liés à une classe ou combinaisons de classe (guerrier, prêtre, voleur). Pour chacun de ces profils, une description, une liste de compétences requises ou recommandées, quelques aptitudes et restrictions.
J’ai toujours bien aimé ce concept de profil. Le truc est assez gadget, faut le reconnaître, et ne change pas un perso du tout au tout. Raison pour laquelle j’adhère. Par ce biais, on peut personnaliser les classes sans les multiplier à l’infini et sans créer de déséquilibre de puissance par rapport à la classe de base. Disons que pour un joueur qui ne sait pas trop quoi jouer, le choix d’un profil pourra l’orienter dans l’interprétation de son rôle ; et pour celui qui sait ce qu’il a envie d’incarner, ce seront quelques petits traits en plus pour refléter son choix de carrière.
Un dernier volet couvre les citadelles naines et loupe le coche, trop concentré sur les effectifs militaires présents pour les défendre, en oubliant tout le reste (qui gouverne la citadelle ? quid de la vie quotidienne ?).
Bilan : un supplément qui fait le taf peaufiner les personnages et donner un aperçu des nains, mais qui manque un peu de profondeur.
Le manuel complet du guerrier
Aaron Allston
TSR
Pour peaufiner son personnage de guerrier, ce manuel propose une série de profils (amazone, barbare, noble, gladiateur, samouraï, pirate, etc.) et de personnalités (impétueux, champion maudit à la Elric, taiseux à la Clint Eastwood…), ainsi que des idées de campagne où les employer.
Vient ensuite le gros morceau de 40 pages de nouvelles règles de combat. Passage bourré de bonnes idées… dont la mise en place ralentit et alourdit beaucoup les combats. À n’utiliser à mon avis qu’à l’occasion, pour des coups d’éclat (genre envelopper l’arme de l’adversaire pour la faire valser dans les airs comme dans les films de cape et d’épée).
On termine sur un chapitre consacré à l’équipement, donc des armes et des armures. Rien de bien nouveau sous le soleil, on y trouve surtout des déclinaisons de ce qui existait déjà.
Sympa pour les profils prêts à l’emploi, mais comme on peut les bricoler soi-même, ce supplément n’a rien d’indispensable.
Le manuel complet du magicien
Rick Swan
TSR
J’ai toujours été fasciné par les mages dans les JdR et les jeux vidéos, je ne pouvais donc faire l’économie du manuel qui leur est dédié dans la gamme d’AD&D.
Le résultat n’est pas fou. Sans surprise vu la façon dont le jeu aborde les magiciens, la plupart du temps à coups de nouveaux sorts et de nouveaux objets magiques, alors qu’on en a déjà des listes interminables.
On aura donc ici quelques sorts supplémentaires et trois tonnes de blablas sur un peu tout ce qui concerne la magie, mais sans que ça serve à grand-chose.
Les profil sont très bof à ne proposer que de l’archi-conventionnel (mage de guerre, chaman, sorcière…) et, quitte à faire dans le classique, j’aurais préféré qu’ils soient liés à une école de magie en particulier (devin, nécromancien, illusionniste…). Les personnalités pour orienter l’interprétation par le joueur sont du même tonneau (le néophyte maladroit, le mage mystérieux, le conseiller de l’ombre, v’là l’originalité…). Seules les carrières sortent un peu du lot et c’est peut-être là-dessus qu’il aurait fallu baser les profils (alchimiste, diseuse de bonne aventure, prof de magie…).
On aurait aimé un chapitre décrivant une école de magie, un ordre de sorciers, un labo d’alchimiste, il faudra se contenter de quelques paragraphes rapides pour traiter l’ensemble de ces questions.
Tome of Magic
Collectif
TSR
Le meilleur ou le pire supplément du monde, selon ce qu’on en attend et ce qu’on en fait.
Des sorts, encore et encore, dont beaucoup n’ont qu’un intérêt très relatif. Seuls les sorts de quête pour les prêtres méritent le coup d’œil.
Côté mages, une idée classique mais qui marche toujours (la magie élémentaire), une autre plus original et très fun (la magie entropique ou wild magic, qui s’accompagne d’effets aléatoires tout à fait dans l’esprit des aventures de Rincevent dans Les annales du Disque-monde). Le tout est torché en trois pages et un tableau d’effets ! Déception… Et en même temps, je ne regrette pas de l’avoir acheté, parce que je me serai bien marré à l’époque avec la magie entropique (même s’il a fallu pondre moi-même tout un système pour en faire quelque chose qui tienne la route).
Mythes et légendes
Troy Denning & James M. Ward
TSR
Encore un de ces suppléments étranges dont on ne sait pas trop quoi faire…
Il est très bien foutu.
Il est plus ou moins inemployable en l’état.
Onze panthéons passés en revue, dont neuf appartiennent à notre monde (Inde, Japon, Grèce, Égypte…). Donc à moins de jouer de la fantasy historique antique, déjà, ça s’annonce compliqué. Après, on peut les adapter sans trop de mal à certains univers officiels d’AD&D (t’as toujours des coins qui donnent dans le nordique ou l’extrême-oriental) ou à un monde maison (tu reprends les panthéons à l’identique en changeant juste les noms des divinités).
En l’état, on peut se servir de la mythologie de Newhon, la cité de Lankhmar ayant sa propre gamme AD&D, et de la mythologie arthurienne qui relève de l’heroic fantasy. Le reste, faudra adapter.
Si le choix de panthéons historiques plutôt qu’imaginaires laisse perplexe, c’est en tout cas de la belle ouvrage avec un descriptif synthétique de la religion concernée et de son contexte, ainsi que le passage en revue des divinités principales et des spécifités de ses prêtres pour les joueurs qui voudraient entrer dans les ordres. Si on veut bâtir un panthéon maison, on peut sans peine s’appuyer sur ce canevas pour créer une religion avec ses dieux et déesses, son clergé et ses héros mythiques.
Donc à voir plutôt comme une source d’inspiration qu’un outil prêt à l’emploi.
Al-Qadim, Arabian Adventures
Jeff Grubb
TSR
On le devine sans peine à la couverture, ambiance arabisante au programme avec ce supplément qui adapte les Mille et une nuits pour en faire la terre d’Al-Qadim.
On démarre sur une présentation rapide des lieux et des mentalités. Trop rapide en 8 pages, plus une malheureuse carte A4 en noir et blanc qu’on aurait préféré deux fois plus grande, détachable et en couleurs. Ça suffira si vos aventuriers passent dans le coin le temps d’un scénario, beaucoup moins pour une campagne. Quant à faire jouer des natifs du cru, mission impossible avec si peu de décor et contexte.
On continue avec la création de personnages originaires d’Al-Qadim : une mécanique de rang social qui ne sert à rien, des profils de classes pour coller à l’ambiance locale (mamelouk, sha’ir – un mage accompagné d’un génie –, assassin, mystique…) et quelques compétences anecdotiques. Seuls les profils ont un intérêt dans cette section, et il reste relatif, puisqu’à peu près tout est déjà couvert dans les manuels dédiés à chaque classe.
On trouve ensuite des idées intéressantes mais pas assez développées (les notions de Destin et de mauvais œil), du matos adapté à la région, un chapitre consacré à la seule vraie nouveauté de ce supplément (le sha’ir) et quarante page de nouveaux sorts (soit un quart du bouquin, ce qui est beaucoup trop).
Arabian Adventures loupe le coche. Le monde d’Al-Qadim n’est pour ainsi dire pas décrit ; à partir de là, je ne vois pas quelles aventures on pourrait mener sans décor. Où sont les descriptions détaillées de la géographie, des structures de pouvoir, de l’organisation sociale, des coutumes, des villes et des oasis ? Quand on voit ce que la concurrence était capable de faire (i.e. Constantinople by night pour Vampire Dark Ages), un tel vide laisse perplexe.
On n’avait clairement pas besoin de quarante foutues pages de sorts supplémentaires, quand quelques-uns auraient suffi. Était-il indispensable de disposer d’un sortilège pour renforcer la coque des navires ? d’un mur magique anti-bruit ? Je ne crois pas. À la place, il aurait fallu développer le contexte, le décor, la société. N’importe quel manuel universitaire de première année sur le monde médiéval arabo-musulman fera une meilleure aide de jeu pour poser l’univers d’Al-Qadim. Ici, le contenu n’est pas mauvais, mais il est bien trop survolé pour être utilisable.
Reste le profil du sha’ir, qui est LA vraie bonne idée de ce supplément, assez développée pour pouvoir s’en servir.
The Complete Sha’ir’s Handbook
Sam Witt
TSR
Variante de mage spécifique à Al-Qadim, le sha’ir a la particularité d’avoir pour familier un génie qui fait la magie à sa place. Le puissant sorcier mystérieux n’est in fine qu’un sacré branleur.
Si le titre de l’ouvrage laisse à penser qu’on ne va parler que de lui, ce n’est pas le cas du tout. Faudrait plutôt le voir comme The Complete Al-Qadim Mage’s Handbook, puisqu’il sera question de l’ensemble de la classe des magiciens, pas juste du profil de sha’ir. On aura donc, en plus des chapitres dédiés au seul sha’ir, de longs développements sur les élémentalistes, les duels de sorciers et les sociétés secrètes de magiciens. Des profils additionnels viennent étoffer ceux d’Al-Qadim, Arabian Adventures qui ne proposait pas grand-chose de terrible. Mis à part le sha’ir, détaillé, on avait l’élémentaliste qui n’était esquissé ; le sorcier, qui est juste le mage de base né dans le coin ; et l’ajami, le mage de base pas né dans le coin. Là, on a enfin des choses qui tiennent debout et sortent des sentiers battus, comme l’astrologue, le numérologue, l’horloger, le seigneur des goules, le chacal (un voleur de sorts), le tisserand et le chasseur de sorciers. Cet opus est finalement un meilleur supplément pour mago que Le manuel complet du magicien et peut sans peine être utilisé dans tout AD&D sans se limiter à l’environnement d’Al-Qadim.
The Castle Guide
Grant Boucher, Troy Christensen, Arthur Collins & Nigel Findley
TSR
Sans surprise vu son titre, ce supplément s’intéresse aux châteaux-forts. trois axes majeurs au programme : contexte du monde féodal et chevalerie, construction de l’édifice et la guerre de siège.
La première partie, qui traite du Moyen Âge, n’a d’intérêt que si on ne connaît rien au sujet. N’importe quel ouvrage jeunesse de vulgarisation sur la féodalité et les chevaliers en apprend autant.
La seconde, consacrée à la construction, servira surtout avec des personnages de haut niveau, blindés de pognon et décidés à investir dans la pierre.
La dernière, sur la poliorcétique, est la plus intéressante. C’est une mine d’idées de scénarios pour personnages de tous niveaux. Vos PJ peuvent se trouver dans une forteresse assiégée, ou au contraire appartenir à l’armée qui cherche à entrer. Ce dernier tiers du bouquin fournira dès lors un joli de péripéties à mettre en place. Vous pouvez aussi vous en servir pour bousiller le beau castel que vos joueurs auront bâti grâce aux infos de la partie précédente.
Fantastic Treasures I & II
Allen Hammack
Mayfair Games
Les deux tomes des Fantastic Treasures, comme le Monsters of Myth and Legend, c’était le genre d’aides de jeu qu’on pouvait trouver à pas cher voire rien du tout, souvent soldées ou offertes par les boutiques qui cherchaient à se débarrasser de leurs invendus qui traînaient en rayon depuis des lustres.
Le duo propose une longue liste d’objets magiques classés par ordre alphabétique, le premier volume couvrant les entrées de A à L, le second de M à Z. Ce barda est tiré des mythes, des légendes et du folklore de notre monde à nous et tout le monde y passe : Grèce, Chine, Inde, Celtes, Vikings, Mille et une nuits, Amérindiens, Bible, Perse, Afrique…
Pour beaucoup des artefacts présentés, on se demande comment ils pourraient atterrir entre les mains d’un groupe d’aventuriers, vu qu’ils sont liés à des personnages mythiques qui ne n’en laisseront pas délester sans moufter. Va piquer l’épée de l’archange Gabriel ou le trident de Poséidon…
Cela dit, on trouve aussi plein de petits machins accessibles et pas trop puissants qui peuvent venir agrémenter les butins dénichés par les joueurs pour changer des armes +1, potions, parchemins et bidules enchantés habituels.
Bref, comme toujours quand c’est magique, à manier avec précaution et à doser avec parcimonie.
Monsters of Myth and Legend III
Allen Hammack
Mayfair Games
Dans le même esprit que les Fantastic Treasures du même auteur, ce Monsters of Myth and Legend part du folklore et des légendes de notre monde pour proposer une encyclopédie de monstres mais aussi de divinités. Au programme de ce volume, l’Égypte, la Finlande, l’Inde, l’Océanie, la Perse, Rome, le monde slave, la mythologie germanique, le Tibet. C’est un petit peu le Mythes et Légendes avant l’heure et en plus léger, la présentation de chaque mythologie tenant en une petite page seulement. L’ouvrage a le bon goût de proposer une bibliographie de lectures complémentaires pour étoffer, et de nos jours, c’est pas bien compliqué de trouver des infos sur le sujet (alors qu’à l’époque, sans Internet, c’était une autre chanson…).
Utilisable en l’état si on joue du AD&D en mode fantasy historico-mythologique sur notre bonne vieille Terre. Sinon, faudra adapter à l’univers concerné, ce qui demandera plus ou moins de boulot mais pas des tonnes non plus, le travail est prémâché.
Aurora’s Whole Realms Catalogue
Anne Brown
TSR
De l’équipement à foison ! Pour tous les goûts et toutes les bourses !
Le catalogue d’Aurora n’est pas si anecdotique qu’il pourrait paraître de prime abord.
D’une, on y trouve absolument tout, de l’indispensable à l’optionnel : équipement de base de l’aventurier (tout ce qui est camping, entre autres), vêtements, vivres, fournitures propres à chaque classe (ranger, mage, prêtre, barde, voleur…), babioles ornementales et bijoux… L’essentiel du matos a le mérite d’être utilisable par les personnages, qui plus est avec les tarifs, lesquels ne sont pas toujours évidents pour le MJ à estimer quand un joueur demande s’il est possible d’acheter tel bidule qui ne figure pas sur la table d’équipement du Manuel des joueurs.
De deux, ce listing permet d’affiner l’inventaire des personnages. Vu le nombre de fois où ils se retrouvent dans des situations qui les obligent à farfouiller dans leur sac à dos pour dénicher LE truc qui va les sauver, c’est bien de savoir avec précision ce qu’ils trimballent dans leur musette. Un bon moyen aussi de personnaliser leurs possessions, chacun ayant ses petites affaires.
De trois, le bouquin est agréable à feuilleter, présenté comme un catalogue de vente par correspondance du début XXe. L’ambiance rétro fonctionne bien et permet de sortir du bête tableau aussi aride qu’inesthétique.
De quatre, cette aide de jeu pourra être employée dans n’importe quel univers médiéval, tant fantasy qu’historique, il suffira d’adapter les tarifs à la monnaie en cours.
The Orcs of Thar
Bruce Heard
TSR
Des Orcs ! Un supplément D&D rien que pour eux, incluant aussi ceux qui gravitent autour (gobelins, trolls, gnolls…), avec la possibilité de les jouer, le tout dans une ambiance pleine de second degré.
La couverture peut être convertie en écran de jeu, dont l’intérieur regroupe diverses infos et tableaux récapitulatifs. Pour se repérer, on a une grande carte 50×80 de la région des Terres Brisées avec, au verso, quelques cartes plus petites et plans additionnels (cité orque, salle du trône, monde souterrain…). Un premier livret s’adresse au maître de jeu et contient un peu d’histoire, les figures majeures de la région, la description de la capitale Oenkmar, des idées de campagne, un scénario, plus un mini-wargame humoristique, soit cinquante pages bien remplies à se mettre sous la dent. Le second livret, à destination des joueurs, présente les différentes tribus et la création de personnages qui en sont issus. On y trouve aussi en encart un manuel du guerrier orc, inspiré de la Légion étrangère.
Soit un contenu bien fourni, et barré dans les mêmes proportions (mais qu’on peut sans peine débarrasser de son versant humoristique, si on veut jouer de l’orc sérieux).
Ravenloft – Forbidden Lore
William W. Connors & Bruce Nesmith
TSR
Forbidden Lore fait partie de la gamme Ravenloft, la branche horreur-épouvante-gothique d’AD&D, avec des vampires, des châteaux hantés et de la brume en veux-tu en voilà comme dans les vieux films de la Hammer.
Une boîte, cinq livrets, un jeu de tarot, cinq dés, un poster couvert de plans et de cartes.
Cryptic Allegiances décrit plusieurs sociétés secrètes du monde de Ravenlot. Leurs buts, leurs adeptes, leur QG, autant d’éléments qui peuvent resservir dans n’importe quel univers d’AD&D, voire se transposer dans d’autres JdR (Warhammer).
Dark Recesses se penche sur les pouvoirs psioniques, supprimés lors du passage à la seconde édition du jeu (parce que devenus trop puissants et trop délirants), puis réintroduits (parce qu’une bonne partie de la clientèle aime la surpuissance, donc autant la flatter dans le sens du poil et lui soutirer un peu de blé en lui vendant le supplément idoine, Le manuel complet des psioniques). Plus intéressant, on trouve un chapitre pour gérer la folie dans l’univers terrifiant de Ravenloft (toute ressemblance avec L’appel de Cthulhu n’étant bien sûr qu’une coïncidence).
Nova Arcanum s’attaque au domaine de la magie, avec son éternel lot de nouveaux sortilèges et objets magiques. Plus constructif, un chapitre est dédié aux modifications que subissent les sorts classiques quand ils sont lancés en Ravenloft (ce qui peut quelques surprises cocasses si les joueurs mages et prêtres n’ont pas été informés auparavant).
Oaths of Evil est la raison principale pour laquelle j’avais acheté cette boîte à l’époque. Un système complet de malédictions pour pourrir la vie des joueurs.
The Waking Dream explique l’utilisation des dés et du tarot des Vistani (l’équivalent ravenloftien des Gitans). L’idée est sympa sur le papier mais très gadget à l’arrivée, vu qu’on ne se servira pas de ce système très souvent. Pour ne pas dire qu’on ne l’utilisera jamais. Si, une fois, pour LA scène de divination qui marquera un temps fort dans un scénario. Sinon…
Ce supplément était très utile dans le monde de Ravenloft, voire indispensable pour les modifs de magie, les règles de folie, les malédictions, et, sous réserve qu’on les utilise, les pouvoirs psioniques. Avec en prime le petit plus des sociétés secrètes. La boîte était donc amortie à l’usage.
Forgotten Realms – Campaign Setting
Donald J. Bingle, Ed Greenwood & Jeff Grubb
TSR
Une bonne grosse boîte bien remplie à se mettre sous la dent !
On démarre avec le livret A Grand Tour of the Realms qui propose comme son titre l’indique de faire le tour des Royaumes Oubliés et qui va, comme son titre ne l’indique pas, se concentrer surtout sur le continent de Faerûn.
Faerûn, c’est la compilation ultime de la fantasy classique : des orques, des nains, des elfes, des magiciens, des dragons, des ruines perdues à explorer. Si vous cherchez un univers qui sort des sentiers battus, passez votre chemin, on n’est pas là pour ça. À défaut de briller par son originalité, le monde des Royaumes Oubliés fonctionne très bien dans les limites de son cadre traditionnel. On sent que les auteurs maîtrisent leur sujet, qu’ils l’ont bossé, qu’ils l’aiment. Alors même qu’on n’est jamais surpris par la découverte des lieux, on prend plaisir à les visiter. Parce que le monde est bien construit, fourmille de détails et ouvre à chaque page des portes sur l’aventure avec un grand A.
Le second livret, Shadowdale, se focalise sur la région du même nom (ou Ombreval en français). C’est là qu’a pris sa retraite le grand mage Elminster, le clone de Gandalf le plus conforme à son modèle qu’on puisse imaginer. Histoire du coin, description de la région, du village, des principaux lieux d’intérêt, on a droit au tour complet du propriétaire. En gros, c’est la forêt d’Elwyn avec Hurlevent réduite à la taille d’un hameau. Le livret se termine sur un scénario intitulé Beneath the Twisted Tower, qui emmènera les aventuriers dans une bonne vieille exploration de donjon, histoire de rester dans le classique jusqu’au bout.
Le troisième livret, Running the Realms, s’adresse au maître de jeu. On y trouve une chronologie, un lot d’événements et rumeurs susceptibles de donner des idées de scénarios, une poignée de sociétés secrètes, une cinquantaine de personnalités marquantes (dont l’incontournable Drizzt Do’Urden) et la liste des divinités avec leur description.
Diverses annexes viennent compléter la boîte, comme des fiches de monstres et des cartes géographiques grand format.
Si on est amateur de fantasy classique ou si on débute dans le genre et qu’on veut démarrer en douceur, cette boîte est idéale. Riche, efficace, bien fournie, la quintessence d’AD&D.
The Ruins of Undermountain
Ed Greenwood
TSR
Sous la cité prospère de Waterdeep/Eauprofonde s’étendent les souterrains labyrinthiques d’Undermountain/Montprofond. La légende raconte qu’il s’agirait du plus ancien, du plus grand et du plus dangereux donjon des Royaumes Oubliés.
Une petite déception quand j’avais acheté cette boîte à l’époque : on n’a pas l’intégralité du donjon, mais les trois premiers niveaux. Les trois suivants nécessitent d’investir dans The Ruins of Undermountain II : The Deep Levels, et au bout de deux boîtes, on sera toujours loin du compte (une quarantaine, paraît-il).
Cela dit, on n’est pas volé non plus. Quelques fiches de pièges, de monstres et d’éléments pour remplir les pièces vides, des grandes cartes des niveaux à explorer (qui sont tout ce qu’il y a d’immense) et deux livrets.
Le premier livret, Undermountains adventures, est un fourre-tout qui propose diverses accroches de scénarios pour amener le groupe de personnages à se lancer dans l’exploration d’Undermountain. On y trouve aussi des descriptions de monstres que les joueurs sont habitués à rencontrer, mais dans des versions plus grosses, plus puissantes, plus vicelardes. Enfin, deux lieux d’intérêt à proximité du donjon sont décrits, qui peuvent aussi servir de point d’entrée vers les profondeurs d’Undermountain.
Second livret, le gros morceau du Campaign Guide to Undermountain. On nous y parle de son bâtisseur, le mage cintré Halaster, des entrées et sorties du donjon, des rumeurs susceptibles de pousser des aventuriers à s’y introduire. Ensuite, c’est parti pour la description des trois premiers niveaux, 90 pages de portes-monstres-trésors, avant de conclure sur quelques spécificités locales (PNJ, objets magiques, sorts).
On est donc sur classique de chez classique, du bon vieux dungeon crawling à la Diablo, du Donjons & Dragons pur jus. C’est basique mais bien fichu et, entre deux intrigues aux machinations tarabiscotées, un petit donj’ à l’ancienne fait toujours plaisir, d’autant que celui-ci est pas mal retors en son genre.