Brutale – Jacques-Olivier Bosco

Ce bouquin a atterri entre mes pognes par des voies inattendues, c’est rien de le dire ! Tout est parti d’une discussion avec l’auteur sur… Goldorak et Albator. Le bonhomme a l’air fun, je me dis qu’il faut que je jette un œil à sa prose. Un dimanche à vingt heures, bonne chance !… Ni une ni deux, je mobilise tous mes contacts en ville. Ça va vite, des contacts à portée de main, j’en ai un. Je brave les éléments – du froid en hiver, ça surprendrait presque – pour récupérer le précieux grimoire. Lu dans la nuit, chroniqué dans la matinée. Quand tu liras ce texte, je serai en train de pioncer, pas envie de finir comme Philippidès après son marathon.

Brutale
Jacques-Olivier Bosco
Robert Laffont

Couverture Brutale Jacques Olivier Bosco Robert Laffont

Brutale porte bien son titre. Du brutal, c’en est. Si je devais le comparer à la série Derrick où le summum de la cascade, c’est quand Horst Tappert nettoie ses lunettes, je dirais que Brutale n’a rien à voir.
Bastons, fusillades, poursuites, explosions, y a de l’action à défriser un coiffeur allemand. Pas d’enquête feutrée sur fond de cottage anglais et de thé à la strichnynne stryctnyne à l’arsenic, pas davantage de détective en imper et chapeau tout aussi feutré. A la place, une fliquette, Lise, fille spirituelle de Dexter Morgan et Harry Callahan. Archétype du flic borderline, adepte des méthodes expéditives, du genre à se prendre 600 blâmes par mois pour avoir déconné avec le règlement. Du déjà-vu ? Oui et non.
Pour le oui, cf. phrase précédente (archétype, je l’ai noté noir sur blanc). Pour le non et le reste, Bosco ne se contente pas de pondre une inspecteur Harriette du pauvre, il raconte une anti-héroïne. Une cogneuse enragée ultra violente, certes, mais pas Adolf Hitler non plus. La donzelle a un visage humain, des fêlures, des failles, de quoi permettre au lecteur de s’intéresser à elle au-delà des bourre-pifs bêtes et méchants.

L’enquête passe au second plan et là tu vas me dire “ah mais c’est pas un vrai polar, quelle arnaque”. Alors, le “vrai” polar, ça n’existe pas. En littérature, le vrai ou faux ceci-cela, c’est du flan. Il y a juste une manie de vouloir ranger les bouquins dans des petites cases bien carrées, avec des petites étiquettes bien propres. Moi, j’appelle ça de la connerie en branche. Si tu préfères les formules plus élégantes, je te laisse le soin de pondre un mot-valise à partir d’académisme et snobisme.
Tout le roman raconte Lise, d’où le titre. Sinon, il se serait intitulé Les videurs de vierges ou je ne sais quoi de foireux à base de complément du nom. L’enquête, c’est un plus pour mettre en scène le personnage et toute la galerie pas piquée des vers qui gravite autour.
La mise en scène, tant qu’on en parle, a pour seul défaut de s’encombrer de détails pas toujours utiles. Trop de précisions et de considérations techniques sur les modèles d’armes, bagnoles, bécanes, etc. Un poil trop de références musicales aussi, m’enfin on a vu pire comme bande-son. Sinon, rien à redire, le rendu cinématographique passe bien, le style est pêchu et efficace, bonne pioche.

Les quelques invraisemblances ne m’ont pas choqué. Il y a dans Brutale un côté décalé assumé : si c’était un film, l’affiche comporterait la mention “hénaurme et jouissif” et tout le monde trouverait ça normal. Il faut aborder le roman comme un polar d’ACTION, pas comme un policier classique avec quête d’indices à la pince à épiler, interrogatoires assis au chaud et confrontation finale de tous les suspects dans la même pièce.
Qui dit action dit libertés avec le réalisme pour assurer le spectacle. Sinon, à ce compte-là, faut mettre au pilon James Bond, l’agent secret (sic) qui traverse une ville en laissant derrière lui un sillage de cadavres, voitures en flammes, immeubles en ruines. Prends le cinéma d’action des années 80-90, l’âge d’or des Schwarzie, Stallone, John Woo et Jean Passe j’en passe, peu de films remporteraient l’Oscar du réalisme et de la vraisemblance. Bon ben Brutale, c’est pareil. Tu acceptes certaines choses (suspension consentie d’incrédulité, patati patata) comme tu le fais devant A toute épreuve et sa fusillade délirante dans l’hosto.
Bref, l’éternel (et stérile) débat sur l’art qui doit ou pas imiter la vie. Pour moi, la réponse est non. Avec un simple clavier, les auteurs disposent d’un budget illimité pour les effets spéciaux, ils peuvent s’affranchir des lois de la physique, faire intervenir des licornes ou des gus qui portent leur slip par-dessus leur pantalon… ils auraient tort de se priver.

Brutale, en résumé, une découverte intéressante d’un auteur qui sait y faire. Pas le genre de bouquin dont je ferais mon ordinaire, parce que dans le domaine de l’action, je préfère le cinéma. Mais pour les amateurs d’action sur papier, c’est de la bonne came qui change des policiers pépères ou des polars qui se veulent ultra réalistes au point de confondre roman et documentaire.

Sur ce, je vais rejoindre les bras de ma Morphée.

Yuki Kei Albator
Ce n’est pas vraiment Morphée… ce n’est pas non plus entre ses bras que je vais me blottir mais un peu plus bas…

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