Booktube Club, règle n°2

Je diatribais hier sur les chaînes littéraires et l’abdication devant le côté obscur de la Farce. Mais tout n’est pas perdu, disais-je, d’irréductibles hurluberlus résistent encore et toujours au formatage et aux sirènes de la facilité.
J’en ai retenu sept (comme Les Sept Samouraïs). Il en existe d’autres, la sélection ne vise pas à l’exhaustivité. Toi qui me lis, tu en connais peut-être qui mériteraient de figurer dans la liste, tu en as peut-être une à toi qui sort du lot. Je t’invite à aller , à m’en toucher un mot (par mail ou FB) et à l’occase je pondrai un topo sur ces autres chaînes à découvrir.
En attendant, les heureux gagnants sont…

Le Rouquin Bouquine (YT)
Une chaîne qui s’est bonifiée avec le temps au plan technique. Comme quoi il suffit de deux-trois astuces de montage pour dynamiser une vidéo.
Des chroniques 100% subjectives MAIS construites et argumentées, donc chargées d’une réelle valeur critique. S’ajoute un parti-pris sur le choix des bouquins qui sortent des sentiers battus et rebattus du YA-chick-bit-lit-pouet. Des lectures brutes, riches en antihéros et écorchés.
(J’ai choisi une vidéo un peu ancienne, mais elle n’est pas sans rapport (buccal) avec l’ancienne bannière du blog…)

Bookalicious (YT)
Une présentation plutôt classique, qui sait varier les décors à l’occasion (mur blanc, bibliothèque, canapé, extérieur). Des formats courts qui présentent les thèmes, les enjeux, la stylistique, les lignes de force des bouquins. Plus dynamique que la moyenne des statues de sel, Tara Lennart maîtrise l’art d’occuper l’espace juste en bougeant les mains.
Elle a le grand mérite de se pencher sur l’édition indépendante : “petits éditeurs, livres moins connus, livres plus originaux, livres mieux, plus qualitatifs, dont on vous parle moins et surtout qui nous ont énormément plu” (dixit sa vidéo de présentation). En clair, elle parle des bouquins dont personne ne parle et ça c’est chouette.

Cinquante nuances de Grey, une conception très personnelle des conseils de lecture…

Entre mes… couvertures (YT)
Présenter des livres du fin fond de son plumard, pourquoi pas ? L’idée paraît évidente, vu le nombre de personnes qui bouquinent au pieu, encore fallait-il l’avoir. Mad l’a fait.
Tu vas me dire, un plumard, dans le genre mise en scène dynamique, tu te foutrais pas un peu de moi ? Que nenni. Mad (sur le lit) et son alter-ego Parenthèses (sous la couette) alternent la prise de parole, ce qui évite un plan fixe soporifique. Les vidéos sont assez courtes pour aller à l’essentiel et ne pas laisser au spectateur le temps de piquer du nez.
Outre les chroniques de bouquin, on trouve des points d’orthographe et de sémantique, des figures de style expliquées et du descriptif de couvertures (de livres, pas de lits).

Geek Librairie (YT)
Une chaîne partie avec trois bouts de ficelle, qui trouve petit à petit ses marques. Il y a de l’enthousiasme, une volonté de bien faire et de s’améliorer… et une démarche : proposer un contenu différent du booktube lambda. Jalvan ose, il tente des trucs, et ça fonctionne.
Au programme, Cthluhu en guest, beaucoup de littérature SFFF (science-fiction, fantastique, fantasy, pas société française de fist-fucking) et de jeux de rôle, deux univers chers à mon cœur.

Le Marque-Page (YT) et Alchimie d’un Roman (YT)
Je fais un doublé pour ces deux chaînes qui utilisent une technique similaire à base de dessins, photos, montages et animations. Une version inventive du Powerpoint, où le youtubeur se trouve relégué au rang de narrateur invisible, plutôt qu’une star qui occupe tout l’espace.
Chacune a son approche et son style propre. Cf. ci-dessus, j’ai choisi des thèmes voisins pour qu’apparaisse la différence de traitement.
Les deux proposent des analyses intéressantes et fouillées. Le dessin joue la carte de l’humour chez Le Marque-Page quand Alchimie d’un Roman part dans une optique de décorticage des mécanismes (en même temps, le gars est romancier).
Deux très bonnes chaînes pointues dans les raisonnements, ludiques et didactiques dans le format. Elles trouvent un bon équilibre entre l’accessibilité au néophyte et les exigences du briscard. On y croise Kafka, Lovecraft, Flaubert, Pratchett, Maupassant, Asimov, Zola, King… les incontournables dans tous les genres de la littérature.

Le Mock (YT)
Une chaîne sur la littérature classique, moins le côté ringard, pompeux et pompant du docte qui vit encore à l’époque du Minitel et t’assène des pensums à grands coups de phrases interminables comme celle-ci. Candide, Madame Bovary, Œdipe Roi ne sont quelques exemples de ces classiques dépoussiérés. Une approche fun et vulgarisatrice à travers des vidéos en deux parties, résumé humoristique puis analyse plus sérieuse, le tout en langue du XXIe siècle. Le Mock vise en priorité un public dans la tranche lycée, mais j’aime bien y jeter un œil en me disant : si seulement on avait eu ça à l’époque…

On peut ergoter sur les défauts de ces chaînes. C’est comme la pomme, y en a. En grenouillant ici et là pour préparer mes articles sur les chaînes littéraires, j’étais tombé sur cet article du Nouvel Obs. En résumé, c’est bien mais en fait non. L’Institution a parlé.
Alors oui, aucune de ces chaînes n’est parfaite. Qualité vidéo ou sonore pas toujours au top, jeu d’acteur approximatif, montage parfois brut… Mais peut-on reprocher un certain amateurisme à des amateurs ? Ces youtubeurs ne sont pour la plupart pas issus des métiers du livre ou de la vidéo. Ils sont vidéastes improvisés, ils apprennent sur le tas (et on voit qu’ils s’améliorent quand on prend la peine de visionner l’ensemble de leur chaîne). Ils ne disposent pas de budgets pharaoniques pour le matos, les décors, les costumes…
Au moins, ils osent quelque chose de différent. Dans les approches, dans la présentation, dans le choix des bouquins. Et parce qu’ils ne se coulent pas dans un modèle préexistant, ils bossent sans filet avec le risque de rater certains effets. A l’arrivée, leur travail fonctionne.
Ces youtubers sont la saison 5 de Kaamelott. On peut ne pas accrocher, être désarçonné par certains partis pris, tiquer sur des petites choses bancales. Mais respect devant la volonté d’innover, de ne pas se reposer sur les lauriers de l’existant.
Dans l’ensemble, le niveau de qualité est très élevé, bien supérieur à celui des grosses machines formatées qui se contentent de quelques cuts pour gommer les “euh”. Capable de rivaliser avec des chaînes profesionnelles qui, elles, disposent de budget, de staff, de matériel…

Sur ce, bonne journ…
Comment ça il en manque ? Non, non, j’avais dit sept, y en a sept.
Ok, j’ai menti. En vrai, ces chaînes sont au nombre de neuf (sauf que Les neuf samouraïs, ça n’existe pas). Je garde les deux bonus pour le prochain numéro.
Tu veux un indice ? Fantasme et vibromasseur ailé.

A suivre : règle n°1, règle n°2,5 et règle n°3

Publié le Catégories Gros dossiers

2 réflexions sur « Booktube Club, règle n°2 »

  1. Salut bonjour!

    Quel plaisir de lire ces articles à thème, merci beaucoup! Je comprends mieux pourquoi je n’arrive pas à m’intéresser aux booktubes en général, hormis les deux derniers cités en 2.5 je m’endors ou j’arrête après une minute.

    Comme proposition pour le numéro 10, je suis depuis environ une année Page42.com de Neil Jomunsi, écriture-sf-ciné-vidéo. Très chouette et qui change agréablement de ce que l’on peut croiser sur Internet. Un peu comme ici!

    Je suis arrivée sur ton site grâce au lien de Miss Book, merci à elles!

    Mince, le site de Neil c’est Page42.org si jamais!

    Au plaisir de te lire par ici ou ailleurs,
    Séverine.

  2. Je comprends tout à fait l’endormissement devant les modèles calibrés et répétitifs (les booktubes m’endorment, les blogs m’endorment, les blockbusters m’endorment…). Heureusement il y a des exceptions qui parviennent à me tenir éveillé.
    Merci pour le lien vers Page42. J’ai survolé 2-3 articles en vitesse, va falloir que je m’y intéresse de près.

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