Anvers et Damnation, formidablissime roman de l’übergénial Maxime Gillio, auteur incontournable pour les amateurs de polars, sorti chez le non moins incon… Comment ça j’en fais trop ? Bah nan. Tout dans la mesure, rien dans les poches.
Anvers et Damnation
Maxime Gillio
L’Atelier Mosésu
Après Le Label N (Jess Kaan) et Concerto en Lingots d’os (Claude Vasseur), on poursuit les aventures de Luc Mandoline dit le joueur de flûte l’Embaumeur avec cet opus signé Max la Menace.
Alors oui, encore un bouquin de chez Mosésu. T’aimes, c’est bien, t’aimes pas, tant pis. Personne te force, bonhomme, charbonnier et blogueur sont maîtres chez eux. Si ça peut te rassurer, mon stock arrive en fin de course. Après, promis, cure de désintox, sevrage, patches à la camomille, réunions aux Lecteurs Anonymes. La totale.
Or donc, que vaut cet Embaumeur de Gillio ? Ah, Gillio. Encore. Aussi. Voir supra l’histoire du charbonnier. Lui, en revanche, je ne promets rien, il se pourrait qu’on le revoie. Poil aux doigts.
Qu’est-ce que tu veux ? (Question rhétorique, je n’ai rien à carrer de tes desiderata.) Je me suis tapé toute la biblio officielle de cet écrivain “au chiton bariolé”, comme disait Homère au chant CCLXXII de son Odyssée. Le Maxime est un auteur comme je les aime. Un qui bosse et se remet en question.
Tu ouvres son premier roman, Bienvenue à Dunkerque. Bon ben, faut reconnaître qu’au plan stylistique, c’est pas magique. Aujourd’hui, je prends des leçons d’écriture dans ses bouquins. Ça te donne une idée du niveau actuel de l’artiste, vu que les bons stylistes, je peux les compter sur les doigts (de mes deux mains, ajouteraient les mauvais).
Le gars n’a jamais cessé de ciseler toujours un peu plus ses textes, d’améliorer son style, en un mot de progresser. Ajoutes-y une imagination débordante comme un chiotte en période de gastro, un humour dont la palette va du noir au rose et un talent pour donner dans la gaudriole aussi bien que dans la sombreté (si quelqu’un a mieux à proposer comme nom dérivé de sombre, j’achète).
Ce sombridiot pousse le vice jusqu’à jongler avec les genres comme Sarko avec ses convocations au tribunal. Quelle drôle d’idée que de chercher ainsi la difficulté… Il pourrait jouer les Pénélope, retisser, recycler à l’envi (de vomir). User de “son” genre – le polar – comme de confortables charentaises. Soyons honnête, on en arriverait assez vite à du caca : à de menus détails près, tous les étrons se ressemblent. Donc plutôt que démouler le même bronze, te le servir, le manger, le rechier, le remanger, le rerechier tel un Human CentiBipede, lui, il pisse aux quatre coins des genres pour marquer un vaste territoire littéraire. Polar, gore, parodie, jeunesse, histoire, tutti quanti et tout y passe, il est partout chez lui.
A part ça, Anvers et Damnation est un bon bouquin.
Voilà qui clôt cette chronique détaillée de l’Embaumeur volume 5.
T’en veux plus ? Jamais satisfait, jamais content ? T’inquiète, j’ai l’habitude.
Tu as de la chance, je suis dans un bon jour.
Bonjour.
(C’est pas avec ça que je vais remporter l’Oscar du lol…)
On démarre sur une préface de Paul Colize, pas manche non plus côté plume. Les grands malades de l’adverbe en -ment gagneraient à s’en inspirer, épargnant ainsi aux lecteurs moult hémorragies oculaires et autant de transfusions. (Je te laisse recompter combien j’en ai utilisé dans cette chronique.)
Ensuite, on plonge direct dans le bain (de bouche) : une mercenaire du sexe broute la tige d’un politique français. Aucun rapport (sic) avec l’histoire qui fit couler encre et foutre, la fameuse affaire DSK (de l’anglais Dick Sucked King). Ou peut-être que si. Une pipe qui lui a fait bien mal au cul. D’habitude, c’est plutôt à la luette, gentille alouette. Une première appelée à rester dans les bien nommées an(n)ales.
Hubert Molas endosse le rôle de Dominique-nique-nique, mais pas de bol, version alternative oblige, il meurt. Dame Nation, craignant le scandale, dépêche Luc Mandoline et son acolyte Sullivan pour enquêter à Anvers (en Belgique, des fois que tu aurais du mal avec la géo).
Maintenant que j’ai paraphrasé la quatrième bien comme il faut, je me dis qu’il est temps d’arrêter les guignoleries et de revêtir mon bel uniforme de chroniqueur sérieux.
Prout.
J’ai dû lire Anvers et Damnation deux fois. La première m’a laissé circonspect (c’est comme circoncis mais de l’anus). Je ne me suis pas senti emballé autant que j’aurais voulu. Le problème ne vient pour une fois pas du bouquin mais du lecteur.
Juste avant, j’avais lu Manhattan Carnage du même Gillio et l’Embaumeur de Vasseur, l’un et autre estampillés grosse déconnade. Quand Mandoline version Maxou a débarqué, mes attentes étaient orientées vers le même esprit donc à côté de la plaque. Partant, la réception ne pouvait être adéquate. Je l’avais refermé sur un “oui, mais…” avec l’impression qu’il manquait quelque chose. Insatisfait. Frustré – un comble pour un roman qui s’ouvre sur un asticotage de bigorneau.
Après, je l’avais trouvé bon, c’est pas le problème, mais pas aimé plus que ça. Deux aspects très différents, raison pour laquelle dans mes chroniques, je marque le distinguo. Qu’on aime ou pas est une chose, qu’on appartienne au public cible idem, pareil pour les attentes qu’on peut placer dans une lecture. Mais la qualité intrinsèque du bouquin en est une autre. Objective et indiscutable. Un bronze restera toujours un bronze, pas la peine d’y chercher de l’or sous prétexte que ceci cela. Laissons cette tâche aux alchimistes.
Depuis, le temps a passé (merci, captain Obvious), j’ai lu d’autres Gillio de sa première période, l’Embaumeur de Kaan. Et je me suis retapé Anvers et Damnation. Un point n’a pas changé : un bon roman reste un bon roman. Je l’ai par contre davantage apprécié.
De l’humour, y en a, pas du tout le même que Manhattan et Concerto, mais il ne manque pas à la pelle et on en trouve à l’appel. Ou l’inverse, gé jamé était Douai an françé… Et comme l’annonce Colize en tête d’ouvrage, du sang, du sexe aussi, du à piles, du à voile et à vapeur. Et du noir, bien sûr, le terreau sur lequel a poussé le Maximus Gillius (espèce aujourd’hui protégée par les Eaux et Forêts, bientôt au patrimoine de l’UNESCO).
La partition flamande, Gillio l’avait jouée dans Le cimetière des morts qui chantent et La Fracture de Coxyde. Il en interprète ici une variante qui a le bon goût de ne pas répéter les airs du passé. Balade anversoise, avec un ou deux l, au milieu des bières, des vitrines de prostiputes, des bières, des frites et encore des bières.
A l’arrivée, un roman qui baigne dans le même esprit que Le champ des sirènes chroniqué il y a quelques jours, mélange de roman noir et d’humour. Un cocktail auquel on peut ne pas accrocher, tout comme la gaudriole et le langage cru qui émaillent le texte. Mais rien qui mérite de crier au scandale, parce que c’est affaire de goût et voilà tout. Anvers et Damnation te propose en sus une turlutte offerte par la maison et les ingrédients qui composent un roman de bonne facture : une chouette peinture flamande en guise de décor, une intrigue construite avec soin et des personnages aussi bourrins que sympathiques.
Qu’on aime ou pas, un bon livre que je recommande.
“Je classe les gens en deux catégories. Ceux qui aiment Maxime Gillio et ceux qui ne l’ont pas encore lu.” (Paul Colize, membre du club des traumatisés par les “chemises taïwanaises” d’un certain auteur dunkerquois)