Une production estampillée Jerry “Bourrinage” Bruckheimer et Walt “Guimauve” Disney ne pouvait augurer que du lourd.
C’en est. À sa façon.
Un vieux sorcier a trois apprentis (cliché), dont l’un est un traître (cliché), tandis que le second se sacrifie (cliché) pour sauver le dernier de la méchante sorcière (cliché) qui lui a volé un sort super puissant (cliché) pour lever une armée de morts-vivants (cliché) afin de conquérir le monde (cliché). Le pépé magicien arrive en bout de course et meurt (cliché) après avoir capturé l’âme de la sorcière dans un réceptacle anachronique (cliché) et confie à son dernier apprenti un bijou (cliché) – enfin bijou, c’est vite dit, ça ressemble à un bête dragon en plastique made in China. La mission de l’apprenti survivant consiste à trouver un gamin (cliché) pour lui remettre l’amulette (cliché) qui lui permettra de sauver le monde (cliché).
En cinq minutes d’intro, on manque de mourir noyé sous les lieux communs, à commencer par les mages ex-mêmes, bien sûr barbus, à cheveux long. Sauf que ce n’est pas avec trois poils au menton et une tignasse improbable de surfeur que Nicolas Cage impressionne en maître des arcanes.
J’hésite entre arrêter là les frais sous le coup de la consternation… ou tenter le pari masochiste du second degré.
Et là, c’est le drame.
L’histoire reprend de nos jours après un plan sur la Statue de la Liberté (cliché) pour les demeurés qui n’auraient pas vu la mention “New York” marquée en gros à l’écran, avec des tonnes de gosses partout dont un timide (cliché) qui veut sortir (cliché) avec la blondasse de la classe (cliché). Tout ça avec un fond sonore de musique de djeunz.
Booooooooooooon…
Après ces quelques éléments déjà vus dans huit ou neuf mille films, on devine que…
Nicolas Cage va retrouver ce gamin (incarné par Jay “Tête à claques” Baruchel) qui est donc l’apprenti qu’il recherche depuis belle lurette, sinon il n’y aurait pas de film. On se doute que le gamin va l’envoyer paître, parce que bon, la magie, faut pas déconner, ça n’existe pas vraiment, tu me prends pour un débile ou quoi ? On se doute aussi que le méchant de l’histoire va lui aussi retrouver le marmot, et que là, confronté aux forces obscures, sombres et ténébreuses, ce dernier va se rendre compte que si, si, ça existe pour de vrai. Il apprendra donc la magie, d’abord en patinant dans la semoule pendant cinq minutes puis deviendra un génie des arcanes en cinq autres minutes. Se croyant malin, il affrontera les méchants trop tôt, se prendra une rouste et on aura droit à une scène de doute intense sur fond de violons. On suppose que sa dulcinée se fera kidnapper à ce moment-là, ce qui lui donnera un coup de fouet pour repartir à l’assaut. Et puis bon, c’est un Américain, il va pas se laisser abattre, hein, et retournera à la bagarre pour vaincre les méchants (parce que c’est un Américain), sauver le monde (parce que c’est un Américain), emballer la fille (parce que c’est un Américain), vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants (mais là on ne verra pas la scène, parce que c’est un Disney).
Au bout de dix minutes, t’as prévu tout ce qui allait arriver par la suite.
Au bout d’une heure trente, t’avais raison sur toute la ligne (donc t’as perdu une heure trente).
Ma seule erreur a été de croire qu’on verrait Monica Bellucci, annoncée avec fracas pendant le générique. On se contentera de cinq, dix minutes d’une présence qui relève de la figuration. La pâle prestation de la belle Italienne en dit long sur son ennui et son envie d’être ailleurs.
Des effets spéciaux plutôt réussis (le dragon et les balais de Fantasia), c’est tout ce qu’il y a à sauver du naufrage. Le reste est creux comme un trou de balle. Éternelle histoire d’un gentil magicien accolé d’un apprenti neuneu contre un méchant sorcier affublé d’un sbire grotesque. L’ensemble est pétri de bons sentiments, bien lisse, bien poli, pas un téton qui dépasse ni un gros mot. Gentil divertissement pour les gosses, mais passé l’âge de six ans et demi, c’est juste un grimoire de clichés sans style, sans âme, sans profondeur.