Pendant la guerre de Sécession, Josey Wales mène une vie peinarde au fin fond du Missouri, jusqu’au jour où les Nordistes dégomment sa femme et son fils. Pour se venger des vilains Unionistes, Jojo rejoint les francs-tireurs du Sud. À la fin de la guerre, il refuse les termes foireux d’une reddition qui pue le piège à plein tarin et s’enfuit avec l’armée aux trousses, bien décidée à déglinguer ce hors-la-loi qui chique et glaviote à qui mieux-mieux.
Josey Wales est le deuxième western réalisé par Clint Eastwood. Dans le premier, L’Homme des Hautes Plaines (1973), il est encore “l’homme sans nom” dans la lignée de la trilogie du dollar de Leone. Ici se mêlent l’esthétique (si on peut dire) spaghetti des personnages mal rasés, sales et couverts de poussière à un retour aux sources classiques, le héros ayant un nom, un passé et peut-être un avenir.
Cette combinaison classique/moderne se retrouve tout au long de l’histoire. Le périple de Josey Wales n’est en effet pas que géographique, il offre un grand voyage au pays du western. On trouve presque TOUS les éléments typiques du genre : étapes historiques (guerre de Sécession, conquête de l’Ouest), éventail complet des types de personnages (vengeur taciturne et fine gâchette, Tuniques Bleues, bandits, Indiens, fermiers, colons, trappeurs, chasseurs de primes, colporteur de produit miracle, Mexicains…), variété de situations (traversée du fleuve, duels, attaque de bandits, confrontation avec les Indiens) et de lieux (grandes plaines, forêts, désert, ville fantôme avec sa vieille mine d’argent, ranch, réserve indienne). La grande force du film est de réussir à mixer ces éléments sans donner une impression de fourre-tout décousu ni de surenchère forcée pour caser l’ensemble des items.
La fuite de Josey Wales est le fil conducteur reliant chaque scène comme autant de sketches ou d’instantanés du western. Véritable Ulysse, Josey incarne un héros tragique au sens grec du mot ou “monsieur pas de bol” en langage courant. Paisible fermier, il voit sa femme et son fils mourir. Pour les venger, il rejoint l’armée, mais la guerre prend fin sans qu’il ait pu tuer le meurtrier. La reddition “tranquille” se révèle un piège et sa fuite le met hors-la-loi. Ensuite, où qu’il aille, il tombe toujours sur quelqu’un qui le reconnaît et veut lui faire la peau. Sacré palmarès pour mister scoumoune. Lui, tout ce qu’il demande, c’est avoir la paix. Même sa vengeance passe au second plan puisqu’il pourrait attendre ses poursuivants pour en finir avec sa némésis, ce qu’il ne fait jamais.
À la différence d’autres héros vengeurs, Josey Wales n’a rien d’un cavalier solitaire. Si les circonstances ont fait de lui un guerrier, et si les situations l’obligent à faire parler la poudre, il reste au fond ce qu’il était : un fermier avec une famille, donc un homme de communauté. Il y aura son régiment, puis la fuite avec un compagnon rescapé, fuite au cours de laquelle il va récupérer tous les réprouvés et laissés-pour-compte qu’il croise sur sa route (un vieux chef indien, une squaw, des colons en détresse et même un chien galeux). Bref, il n’est jamais tout seul et le film allant, dans sa deuxième moitié, l’espoir apparaît d’un retour à une vie tranquille “comme avant”. La preuve en est qu’après avoir dégommé sans états d’âme tout ennemi sur sa route, Wales proposera aux Indiens une cohabitation harmonieuse plutôt qu’une lutte à mort. On est loin d’un allumé de la gâchette à la John Wayne, qui ne nous aurait pas épargné, lui, le classique siège du ranch avec en bout de course l’inévitable défaite des méchants (sic) sauvages (sic) contre les gentils (sic) civilisés (sic).
Comme quoi le classicisme et les codes d’un genre ne sont pas par essence synonyme de clichés.
À l’origine prévu pour n’apparaître que devant la caméra, Eastwood se retrouve aussi derrière suite à un putsch où il a éjecté Philip Kaufman, le réalisateur en titre. La Directors Guild of America créa même une “loi Eastwood” pour éviter que la pratique devienne une habitude.
Clint Eastwood, rôdé, est tout à fait à l’aise dans son rôle de cow-boy marmonneur et glavioteur, balançant ici et là quelques traits de cet humour propre aux westerns. Il balance aussi de trèèèès nombreux molards noirâtres impressionnants, chiquant plus vite que son ombre.
La réalisation est excellente tant sur le fond que sur la forme, servie par une photographie superbe. Josey Wales est un des films préférés de Clint lui-même et on le comprend, car au-delà du western avec son lot de pan-pan, c’est un film profond sur le chemin intérieur de son héros et de son rapport au monde, avec en prime une thématique antiguerre.