Paraît que le bonheur, c’est simple comme un coup de fil.
Le malheur aussi.
Ne vous fiez pas au titre français pas terrible, La Mort en Ligne n’est ni un documentaire sur les grèves de la SNCF, ni un énième Seagal style Piège dans le RER, ni un film de gangsters sur la cocaïne. Il s’agit d’un film d’horreur téléphonique (et téléphoné) à base d’appels manqués (ce que signifie le titre original 着信アリ).
Note liminaire :
L’univers étendu de La mort en ligne, c’est d’abord un roman, paru en 2003, d’Akimoto Yasushi, qui a plus ou moins pompé sur Ring en remplaçant le magnétoscope par un téléphone. Ce film en est l’adaptation, scénarisée par l’auteur himself. Deux autres films ont suivi (着信アリ2 en 2004 et 着信アリFinal en 2006), ainsi que deux films et une série TV de 10 épisodes, et bien entendu un remake intitulé One Missed Call réalisés par les Américains qui ont comme toujours depuis Pearl Harbor, un train de retard…
Résumé :
Un soir, Yumi est témoin d’un étrange incident. Son amie Yoko reçoit un message identifié comme émanant de son propre téléphone, mais daté de trois jours plus tard. Si la mélodie qui annonce l’appel lui est inconnue, Yoko reconnaît en revanche sa propre voix sur l’enregistrement : un cri d’effroi qui lui glace le sang. Elle raccroche et tente de ne plus y penser. Mais trois jours plus tard, Yoko meurt à l’heure et dans les conditions exactes du message prémonitoire.
Au lycée, un événement similaire se produit quelques jours seulement après la mort de Yoko. Un élève disparaît dans des circonstances inexplicables. A chaque nouvel appel, la sonnerie et le message spécifiques annoncent une mort certaine à leur destinataire, avec la date et l’heure exactes.
Yumi décide d’enquêter. D’autant que sa meilleure amie Natsumi a elle-même reçu un appel fantôme…
(Repiqué de la jaquette du DVD pour cause de flemme rédactionnelle aiguë.)
Avis :
La Mort en Ligne ne se positionne pas comme une œuvre originale. À la base, il ne s’agit que d’un simple travail de commande afin de surfer sur la vogue fantastique/horreur initiée par le succès de Ring.
Après Ring, voici donc “Dring”, qui reprend l’idée d’une malédiction propagée par un objet du quotidien, avec la mort comme terminus de la ligne. Rien de bien nouveau de ce côté. Une idée identique en tout point avait d’ailleurs déjà été exploitée en 2002 en Corée avec le très banal Phone.
Notez que Ring n’a rien inventé non plus, cette intrigue remonte à la nuit des temps, les légendes sur les objets maudits ou hantés étant légion au Japon, pays où couler un bronze est synonyme d’aventure d’outre-tombe et où même vos godasses peuvent abriter un esprit maléfique (化け草履, ça ne s’invente pas). Les revenants ont encore de beaux jours devant eux dans la croyance populaire.
Point original de ce qui n’est au départ qu’une banale opération maketing, la direction du film est confiée à Miike Takashi au lieu d’un obscur tâcheron. Cinéaste prolifique à la filmographie inégale, ses œuvres se caractérisent souvent – mais pas toujours, le monsieur étant éclectique – par une extrême violence et un grain de folie de la taille d’un rocher. Jetez un oeil à Ichii the killer, Dead or Alive ou Audition, vous comprendrez.
Quelque peu bridé par le cahier des charges de sa commande, Miike Takashi se montre plutôt sage par rapport à ses autres films. Pour autant, il parvient à faire quelque chose d’à peu près bon à partir du schéma conventionnel usé jusqu’à la trame.
On pourrait reprocher que la malédiction se mette trop vite en place. D’un autre côté, et le rusé Takashi Miike le sait, inutile de perdre du temps à installer une histoire déjà connue du spectateur nippon qui bouffe du yurei au cinéma à en avoir la nausée. Un peu comme les fonctionnaires dans les séries télé françaises, envahies de juges, instituteurs, gendarmes, commissaires, inspecteurs de police, officiers de police, agents de police, policiers… Tout le monde connaît le truc, pas besoin d’une exposition aussi interminable qu’inutile à la Severance. On économise aussi au passage l’habituelle phase “incrédulité” quand la première personne à croire à la malédiction essaie en vain de l’expliquer à d’autres. Tout le monde y croit tout de suite, et hop, réglé.
Donc on entre tout de go dans le vif du sujet. Le principe du film d’horreur étant de montrer des gens se faire dézinguer, autant y aller franco et ne pas perdre de temps en blabla et autre installation de cadre idyllique pour mieux marquer la rupture avec la suite des événements. La mise en scène dénote un savoir-faire certain. La tension et quelques images sanglantes suffisent au spectacle sans aligner d’innombrables plans gerbants. J’ai été un peu déçu quand même, je m’attendais à davantage de morts. Le film ménage quelques bonnes surprises et des scènes qui en mettent plein la vue.
On retrouve le cynisme propre au réalisateur, porté à l’écran dans des passages à la limite du loufoque : la scène où tout le monde veut effacer son numéro du portable du “maudit”… la rapacité des médias en quête de sensationnel… Notez que pour un réalisateur Japonais, cela n’a rien d’extraordinaire, ces éléments font partie du paysage qu’il connaît. La concurrence au niveau médiatique est telle que les dérapages sont nombreux. Quant à la capacité à ostraciser les brebis galeuses, c’est un domaine qui fait du Japon le premier producteur au monde de parias et ce dès l’école avec la pratique de l’ijime.
Quelques défauts tout de même, dont une baisse de rythme pendant le troisième quart du film un peu longuet et bancal par rapport à un début péchu. Le film n’échappe pas aux conventions du genre, on y trouve donc quelques passages prévisibles comme pas permis.
Surtout, le spectateur expérimenté regrettera de capter le fin mot de l’histoire en dix ou quinze minutes de film. Si les explications tiennent à peu près la route et évitent de sombrer dans les écueils habituels (confusion totale ou grand n’importe quoi) quant à l’origine et l’identité du fantôme, ma grosse critique concerne la fin qui en plus d’être prévisible et banale, est incohérente. Sans tout dévoiler, je me contenterai de révéler que le coupable est le colonel Moutarde avec le chandelier dans la bibliothèque et que le fantôme change de modus operandi juste comme ça, hop, parce que.
En résumé, un Miike moins extrême qu’à l’accoutumée mais aussi plus accessible, qui sait tirer un film efficace d’un principe convenu (et donc casse-gueule par rapport à ses prédécesseurs et concurrents). Dommage que la fin soit ratée alors que l’ensemble du film réussissait à créer une vraie tension.
Tout honnête qu’il soit, ce film n’apporte rien au genre sauf si on le visionne comme une espèce de best-of. L’éternel revenant au teint de fromage blanc et au longs cheveux noirs n’y est pour rien, c’est la représentation classique du fantôme au Japon. C’est surtout qu’après Ring, Dark Water, Ju-On et j’en oublie, on ne voit pas seulement le même fantôme mais surtout encore et toujours le même film. Le même travers soleil-levantin que le slasher américain qui nous pond depuis près de 40 ans des tueurs masqués dégommant un par un des étudiants partis camper/baiser/picoler au fond de bois sur lesquels court une histoire macabre arrivée trente ans auparavant…