Yakuza – David Kaplan et Alec Dubro

Crime organisé, tatouages, doigts amputés, voici…
A) L’histoire secrète, l’envers du décor, la face cachée du Japon ou un autre cliché à ta convenance.
B) Un ouvrage très documenté sur les yakuzas.
C) Je klaxonne.
D) La réponse D.

Yakuza
David Kaplan et Alec Dubro
Picquier

Couverture Yakuza David Kaplan et Alec Dubro Picquier
On a fait péter le budget accessoires.

Yakuza nous plonge dans l’univers des yakuzas. L’eau mouille. Le feu brûle (sauf quand il est éteint par la flotte de la phrase précédente).
Ce bouquin rassemble vingt années de recherches menées par deux journalistes, du temps où la profession donnait dans le travail d’investigation plutôt que le micro-trottoir et la collecte de tweets. Un volume de 600 pages écrit tout petit, y a de la matière.

Commence par oublier l’image romantique des yakuzas. Personne n’est trop d’accord sur leur origine qui se perd dans les brumes du shogunat Tokugawa (1603-1867). Ils seraient issus du monde des colporteurs, des joueurs professionnels, des samouraïs en rupture de ban, quelque part entre Kenshin, Robin des Bois et Doc Holliday. Figure classique du hors-la-loi, libre, honorable, chevaleresque. Très romantique… et bidon en 2017 où le yakuza se situe très loin du sympathique malandrin qui défend les opprimés entre deux rapines sur de vilains riches.
Kaplan et Dubro n’étant pas historiens, ils passent assez vite sur l’émergence et les premiers développements du crime organisé. La période 1867-1945, qui correspond à la modernisation à marche forcée du Japon pour rattraper les puissances européennes et les États-Unis, est expédiée vitesse grand V. Dommage puisque de fait K&B posent mal les bases de leur sujet et passent à côté d’un bouleversement fondamental de la société japonaise.
Les auteurs rectifient le tir sur la suite, maîtrisant beaucoup mieux la période 1970-1990 qui occupe à elle seule les deux tiers du bouquin.
Aujourd’hui, il faut prendre Yakuza comme un ouvrage “historique”. La première édition date de 1987, la version augmentée de 2001. Il est exhaustif sur les vingt années qui précèdent la première sortie, assez complet jusqu’en 1994, plus superficiel jusqu’en 2000. Donc si tu cherches un ouvrage de référence sur la période 1945-1990, tu peux l’acheter les yeux fermés (mais pense à les ouvrir pour le lire, c’est plus pratique). Mais si tu veux du yakuza made in XXIe siècle, passe ton chemin. Le bandit moderne a beaucoup évolué depuis 25 ans (lois anticriminalité de 1992, 1993 et 2010, opinion de moins en moins favorable des “civils”, développement des trafics de drogue et d’êtres humains, abandon du “code d’honneur”…), il est devenu un fieffé salopard qui n’a plus rien de romantique (à part les tatouages, mais je suis “un peu” de parti pris sur le sujet).

En tout cas, pour la tranche chronologique concernée, ce bouquin est une bible. Organisation, effectifs, activités, recrutement, traditions, rapports avec la population, principaux clans, grandes figures de la pègre, affaires retentissantes, expansion internationale… Il ne manque rien. Un travail documentaire aussi énorme que sérieux, précis, détaillé, étayé.
Yakuza fait partie de ces ouvrages-clés pour comprendre la société japonaise, avec des titres comme Le chrysanthème et le sabre (Ruth Benedict) ou La mort volontaire au Japon (Maurice Pinguet). On croise les yakuzas partout, tant dans les activités légales qu’illégales : immobilier, finance, politique, sports… jusque dans l’humanitaire (tremblement de terre de Kobe en 1995) ou les festivals (Sanja matsuri de Tokyo par exemple). Autant dire un sujet incontournable quand on s’intéresse à la civilisation nippone.
Entre le yakuza, le samouraï, le ninja ou encore la geisha, le Japon est abonné aux visions fantaisistes. Cet excellent bouquin te permettra de régler le cas du premier, qui tient plus de la brute et du truand que du bon.

Pull my finger
Tire mon doigt !

PS : il est de bon ton quand on parle de yakuzas de placer l’expression “pignon sur rue”. En fait, c’est même systématique au point de dépasser la notion de cliché. Faudrait inventer un mot exprès… Quoi qu’il en soit, je tiens à m’excuser auprès des lecteurs que j’aurais choqués par cette absence.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *