Un homme qui dort
Georges Perec
Folio
Un homme qui dort ou les méditations d’un solitaire, qui se détache de tout jusqu’à n’avoir plus goût à rien, dans un voyage intérieur vers l’indifférence absolue.
Beaucoup de lecteurs ont vu dans cet antihéros un étudiant paumé, en pleine dépression.
J’y ai vu un homme qui a choisi de dormir parce qu’il s’est éveillé à la pleine conscience de ce qu’est le monde humain : l’absurdité et l’arbitraire des codes sociaux, le vide des relations superficielles, l’agitation vaine, le conformisme des trajectoires de vie bridées par les attentes de la société envers ses membres. Il a troqué un néant pour un autre, le sien, en une révolte silencieuse et monacale. Morne et en même temps riche de réflexion.
C’est pas donné à tout le monde d’avoir Perec pour biographie, d’autant que je suis né vingt ans après la sortie du bouquin. Mais cette tranche de non-vie, je l’ai vécue au mot, à la virgule près. J’ai été cet homme qui dort. Même si beaucoup de choses ont changé depuis, une part de moi l’est toujours. Et le sera toujours. En même temps, c’est pas comme si l’autisme se caractérisait par une vie extérieure pauvre et coupée du monde et une vie intérieure délirante, et c’est pas comme si j’avais le choix, vu que l’autisme est un handicap, pas un choix de vie…
La force d’inertie, le silence et l’indifférence restent les armes les plus efficaces contre la pression sociale, le poids du regard de l’autre et contre la douleur de vivre.